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V – La cassette

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Toute la journée se passa ainsi; Rosalie souffrait cruellement de la soif.

«Ne dois-je pas souffrir bien plus encore, se disait-elle, pour me punir de ce que j’ai fait souffrir à mon père et à mon cousin? J’attendrai ici mes quinze ans.»

La nuit commençait à tomber, quand une vieille femme qui passait s’approcha d’elle et lui dit:

«Ma belle enfant, voudriez-vous me rendre le service de me garder cette cassette qui est bien lourde à porter, pendant que je vais aller près d’ici voir une parente?

— Volontiers, Madame», dit Rosalie, qui était très complaisante.

La vieille lui remit la cassette en disant:

«Merci, la belle enfant; je ne serai pas longtemps absente. Ne regardez pas ce qu’il y a dans cette cassette, car elle contient des choses…, des choses comme vous n’en avez jamais vu… et comme vous n’en reverrez jamais. Ne la posez pas trop rudement, car elle est en écorce fragile, et un choc un peu rude pourrait la rompre… Et alors vous verriez ce qu’elle contient… Et personne ne doit voir ce qui s’y trouve enfermé.»

Elle partit en disant ces mots. Rosalie posa doucement la cassette près d’elle, et réfléchit à tous les événements qui s’étaient passés. La nuit vint tout à fait; la vieille ne revenait pas. Rosalie jeta les yeux sur la cassette, et vit avec surprise qu’elle éclairait la terre autour d’elle.

«Qu’est-ce, dit-elle, qui brille dans cette cassette?»

Elle la retourna, la regarda de tous côtés, mais rien ne put lui expliquer cette lueur extraordinaire; elle la posa de nouveau à terre, et dit:

«Que m’importe ce que contient cette cassette? Elle n’est pas à moi, mais à la bonne vieille qui me l’a confiée. Je ne veux plus y penser, de crainte d’être tentée de l’ouvrir.»

En effet, elle ne la regarda plus et tâcha de n’y plus penser; elle ferma les yeux, résolue d’attendre ainsi le retour du jour.

«Alors j’aurai quinze ans, je reverrai mon père et Gracieux, et je n’aurai plus rien à craindre de la méchante fée.

— Rosalie, Rosalie, dit précipitamment la petite voix de la Souris, me voici près de toi; je ne suis plus ton ennemie, et pour te le prouver, je vais, si tu veux, te faire voir ce que contient la cassette.»

Rosalie ne répondit pas.

«Rosalie, tu n’entends donc pas ce que je te propose? Je suis ton amie, crois-moi, de grâce.»

Pas de réponse.

Alors la Souris grise, qui n’avait pas de temps à perdre, s’élança sur la cassette et se mit en devoir d’en ronger le couvercle.

«Monstre, s’écria Rosalie en saisissant la cassette et la serrant contre sa poitrine, si tu as le malheur de toucher à cette cassette, je te tords le cou à l’instant!»

La Souris lança à Rosalie un coup d’oeil diabolique, mais elle n’osa pas braver sa colère. Pendant qu’elle combinait un moyen d’exciter la curiosité de Rosalie, une horloge sonna minuit. Au même moment, la Souris poussa un cri lugubre et dit à Rosalie:

«Rosalie, voici l’heure de ta naissance qui a sonné; tu as quinze ans; tu n’as plus rien à craindre de moi; tu es désormais hors de mon atteinte, ainsi que ton odieux père et ton affreux prince. Et moi je suis condamnée à garder mon ignoble forme de souris, jusqu’à ce que je parvienne à faire tomber dans mes pièges une jeune fille belle et bien née comme toi. Adieu, Rosalie; tu peux maintenant ouvrir ta cassette.»

Et, en achevant ces mots, la Souris grise disparut.

Rosalie, se méfiant des paroles de son ennemie, ne voulut pas suivre son dernier conseil, et se résolut à garder la cassette intacte jusqu’au jour. À peine eut-elle pris cette résolution, qu’un Hibou qui volait au-dessus de Rosalie laissa tomber une pierre sur la cassette qui se brisa en mille morceaux. Rosalie poussa un cri de terreur; au même moment elle vit devant elle la reine des fées, qui lui dit:

«Venez, Rosalie; vous avez enfin triomphé de la cruelle ennemie de votre famille; je vais vous rendre à votre père; mais auparavant, buvez et mangez.»

Et la fée lui présenta un fruit dont une seule bouchée rassasia et désaltéra Rosalie. Aussitôt, un char attelé de deux dragons se trouva près de la fée qui y monta et y fit monter Rosalie.

Rosalie, revenue de sa surprise, remercia vivement la fée de sa protection, et lui demanda si elle n’allait pas revoir son père et le prince Gracieux.

«Votre père vous attend dans le palais du prince.

— Mais, Madame, je croyais le palais du prince détruit, et lui-même blessé et réduit à la misère.

— Ce n’était qu’une illusion pour vous donner plus d’horreur de votre curiosité, Rosalie, et pour vous empêcher d’y succomber une troisième fois. Vous allez retrouver le palais du prince tel qu’il était avant que vous ayez déchiré la toile qui recouvrait l’arbre précieux qu’il vous destine.»

Comme la fée achevait ces mots, le char s’arrêta près du perron du palais. Le père de Rosalie et le prince l’attendaient avec toute la cour. Rosalie se jeta dans les bras de son père et dans ceux du prince, qui n’eut pas l’air de se souvenir de sa faute de la veille. Tout était prêt pour la cérémonie du mariage qu’on célébra immédiatement; toutes les fées assistèrent aux fêtes qui durèrent plusieurs jours. Le père de Rosalie vécut près de ses enfants. Rosalie fut à jamais guérie de sa curiosité; elle fut tendrement aimée du prince Gracieux, qu’elle aima toute sa vie; ils eurent de beaux enfants, et ils leur donnèrent pour marraines des fées puissantes, afin de les protéger contre les mauvaises fées et les mauvais génies.

Les Oeuvres Complètes de la Comtesse de Ségur

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