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DIOTIME.

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Voilà qui est admirable, et cette belle prose, à la fois scientifique et imagée, est d'inspiration tout à fait gœthéenne… Mais revenons à notre jeune Dante. Il a neuf ans. On est aux premiers jours du mois de mai. Il accompagne son père dans la maison voisine de Folco Portinari, magnifique patricien, qui célèbre, selon la coutume florentine, par des danses et des festins, le retour du printemps. Dans cette maison, ouverte à la joie et aux bruyants plaisirs, Dante aperçoit, pour la première fois, la fille de Folco, Béatrice. Elle est plus jeune que lui de quelques mois à peine. Elle est, comme lui, grave et noble en son air enfantin. Elle porte un vêtement couleur de pourpre que retient une ceinture, «telle qu'elle convenait à son extrême jeunesse.»

«Elle avait, dit la Vita Nuova, une attitude et une démarche si pleines de dignité, de grâce céleste, qu'on aurait pu dire d'elle ce qu'Homère dit d'Hélène: «qu'elle paraissait fille, non d'un mortel, mais d'un dieu.» À sa vue, l'enfant poëte sent à ces profondeurs qu'il appellera plus tard le foyer le plus secret de l'âme, l'esprit de vie tressaillir. Son cœur a des palpitations terribles. Il subit l'empire du Dieu. Il s'y soumet. «Ecce deus fortior me!»

En ce moment solennel, qui passe inaperçu au milieu du tumulte de la fête domestique, et dont notre raison ne saurait pénétrer le mystère, la Divine Comédie naît en germe dans l'esprit de Dante. Béatrice est vouée à l'immortalité. Tous deux, sans que jamais aucun lien apparent les unisse dans la vie réelle, ils sont unis d'un lien idéal et que rien ne saurait rompre dans la mémoire des siècles.—Neuf années s'écoulent. Durant cet intervalle, Dante ne voit plus Béatrice que de loin. D'enfant, elle est devenue jeune fille. Un jour, comme elle passait, vêtue de blanc, entre deux nobles dames d'un âge un peu plus avancé que n'était le sien, on se rencontre: Béatrice se tourne vers Dante, le salue, lui adresse la parole avec une ineffable courtoisie, et ce salut le remplit d'une joie si vive, elle le jette en de tels transports, qu'il court se renfermer dans sa chambre pour se recueillir et penser tout à l'aise à son bonheur. Bientôt, comme accablé par l'émotion, il s'endort. Béatrice lui apparaît en songe, portée sur une nuée de feu, et ravie par l'amour jusqu'aux sphères célestes. À cette époque, Dante, c'est lui qui nous l'apprend, s'était déjà exercé dans «l'art de rimer des paroles.» Il met en vers sa vision; il l'adresse aux plus fameux rimeurs de son temps, aux fidèles d'amour, en leur demandant de l'expliquer. La réponse qu'il reçoit de Guido Cavalcanti donne naissance à cette amitié glorieuse à laquelle toute sa vie il demeure aussi fidèle, aussi dévot qu'à l'amour de Béatrice. Une autre réponse de Dante da Maiano le traite de fou, et charitablement lui conseille l'ellébore.

C'est ce que vous auriez fait apparemment, Marcel; c'est ce que font d'ordinaire les personnes sensées, lorsqu'elles sont consultées par les hommes de génie.

Dante et Goethe: dialogues

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