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Danton
DISCOURS CIVIQUES
ANNÉE 1792
VII. CONTRE ROLAND
Оглавление(29 octobre 1792)
Danton mis en cause dès le 10 octobre par la Gironde au sujet de la gestion des fonds du ministère, et ce malgré qu’il eût rendu ses comptes le 6, trouva l’occasion, dans la séance du 29 octobre, d’attaquer de front ses calomniateurs. Ce fut le rapport de Roland qui le lui fournit. Tandis qu’il s’opposait énergiquement à l’envoi de cette pièce hypocrite et mensongère aux départements, il défendait Robespierre. Il n’avait pas oublié l’accusation de Lasource et c’est comme la seconde partie de son discours du 25 septembre précédent qu’il prononça le 29 octobre.
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J’ai peine à concevoir comment l’Assemblée hésiterait à fixer décidément à un jour prochain la discussion que nécessite le rapport du ministre. Il est temps enfin que nous sachions de qui nous sommes les collègues; il est temps que nos collègues sachent ce qu’ils doivent penser de nous. On ne peut se dissimuler qu’il existe dans l’Assemblée un grand germe de défiance entre ceux qui la composent…. Si j’ai dit une vérité que vous sentez tous, laissez m’en donc tirer les conséquences. Eh bien, ces défiances, il faut qu’elles cessent; et s’il y a un coupable parmi nous, il faut que vous en fassiez justice. Je déclare à la Convention et à la nation entière que je n’aime point l’individu Marat; je dis avec franchise que j’ai fait l’expérience de son tempérament: non seulement il est volcanique et acariâtre, mais insociable. Après un tel aveu qu’il me soit permis de dire que, moi aussi, je suis sans parti et sans faction. Si quelqu’un peut prouver que je tiens à une faction, qu’il me confonde à l’instant…. Si, au contraire, il est vrai que ma pensée soit à moi, que je sois fortement décidé à mourir plutôt que d’être cause d’un déchirement ou d’une tendance à un déchirement dans la République, je demande à énoncer ma pensée tout entière sur notre situation politique actuelle.
Sans doute il est beau que la philanthropie, qu’un sentiment d’humanité fasse gémir le ministre de l’Intérieur et tous les grands citoyens sur les malheurs inséparables d’une grande révolution, sans doute on a le droit de réclamer toute la rigueur de la justice nationale contre ceux qui auraient évidemment servi leurs passions particulières au lieu de servir la Révolution et la liberté. Mais comment se fait-il qu’un ministre qui ne peut pas ignorer les circonstances qui ont amené les événements dont il vous a entretenus oublie les principes et les vérités qu’un autre ministre vous a développés sur ces mêmes événements[29]. Rappelez-vous ce que le ministre actuel de la Justice vous a dit sur ces malheurs inséparables de la Révolution. Je ne ferai point d’autre réponse au ministre de l’Intérieur. Si chacun de nous, si tout républicain a le droit d’invoquer la justice contre ceux qui n’auraient excité des troubles révolutionnaires que pour assouvir des vengeances particulières, je dis qu’on ne peut pas se dissimuler non plus que jamais trône n’a été fracassé sans que ses éclats blessassent quelques bons citoyens; que jamais révolution complète n’a été opérée sans que cette vaste démolition de l’ordre de choses existant n’ait été funeste à quelqu’un; qu’il ne faut donc pas imputer, ni à la cité de Paris, ni à celles qui auraient pu présenter les mêmes désastres, ce qui est peut-être l’effet de quelques vengeances particulières dont je ne nie pas l’existence; mais ce qui est bien plus probablement la suite de cette commotion générale, de cette fièvre nationale qui a produit les miracles dont s’étonnera la postérité. Je dis donc que le ministre a cédé à un sentiment que je respecte, mais que son amour passionné pour l’ordre et les lois lui a fait voir sous la couleur de l’esprit de faction et de grands complots d’État, ce qui n’est peut-être que la réunion de petites et misérables intrigues dans leur objet comme dans leurs moyens. Pénétrez-vous de cette vérité qu’il ne peut exister de faction dans une république; il y a des passions qui se cachent; il y a des crimes particuliers; mais il n’y a pas de ces complots vastes et particuliers qui puissent porter atteinte à la liberté. Et où sont donc ces hommes qu’on accuse comme des conjurés, comme des prétendants à la dictature ou au triumvirat? Qu’on les nomme? Oui, nous devons réunir nos efforts pour faire cesser l’agitation de quelques ressentiments et de quelques prétentions personnelles, plutôt que de nous effrayer par de vains et chimériques complots dont on serait bien embarrassé d’avoir à prouver l’existence. Je provoque donc une explication franche sur les défiances qui nous divisent, je demande que la discussion sur le Mémoire du ministre soit ajournée à jour fixe, parce que je désire que les faits soient approfondis, et que la Convention prenne des mesures contre ceux qui peuvent être coupables.
J’observe que c’est avec raison qu’on a réclamé contre l’envoi aux départements de lettres qui inculpent indirectement les membres de cette Assemblée, et je déclare que tous ceux qui parlent de la faction Robespierre sont à mes yeux ou des hommes prévenus ou de mauvais citoyens. Que tous ceux qui ne partagent pas mon opinion me la laissent établir avant de la juger. Je n’ai accusé personne et je suis prêt à repousser toutes les accusations. C’est parce que je m’en sens la force et que je suis inattaquable que je demande la discussion pour lundi prochain. Je la demande pour lundi, parce qu’il faut que les membres qui veulent accuser s’assurent de leurs matériaux et puissent rassembler leurs pièces, et pour que ceux qui se trouvent en état de les réfuter puissent préparer leurs développements et repousser à leur tour des imputations calomnieuses. Ainsi, les bons citoyens qui ne cherchent que la lumière, qui veulent connaître les choses et les hommes, sauront bientôt à qui ils doivent leur haine, ou la fraternité qui seule peut donner à la Convention cette marche sublime qui marquera sa carrière.