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LETTRES DE MMES. DE VILLARS, DE COULANGES, ET DE LA FAYETTE; DE NINON DE L'ENCLOS, ET DE MADEMOISELLE AÏSSÉ; Accompagnées de Notices biographiques, de Notes explicatives, et de la Coquette Vengée, par Ninon de l'Enclos.
SECONDE ÉDITION.
TOME PREMIER
LETTRES DE MADAME DE COULANGES, A MADAME DE SÉVIGNÉ
LETTRE III

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Lyon, 30 octobre 1672.

Je suis très-en peine de vous, ma belle; aurez-vous toujours la fantaisie de faire le bon corps? Falloit-il vous mettre sur ce pied-là après avoir été saignée? Je meurs d'impatience d'avoir de vos nouvelles, et il se passera des temps infinis avant que j'en puisse recevoir. Hélas! voici un adieu, ma délicieuse amie; je m'en vais faire cent lieues pour m'éloigner de vous! quelle extravagance! Depuis que le jour est pris pour m'en aller à Paris, je suis enragée de penser à tout ce que je quitte; je laisse ma famille, une pauvre famille désolée; et cependant je pars le jour même de la Toussaint pour Bagnols: de Bagnols à Rouanne; et puis, vogue la galère. N'êtes-vous pas ravie du présent que le roi a fait à M. de Marsillac32? n'êtes-vous pas charmée de la lettre que le roi lui a écrite? Je suis au vingtième livre de l'Arioste; j'en suis ravie. Je vous dirai, sans prétendre abuser de votre crédulité, que, si j'étois reçue dans votre troupe à Grignan, je me passerois bien mieux de Paris, que je ne me passerai de vous à Paris. Mais, adieu, ma vraie amie, je garde le charmant pour la belle comtesse. Ecoutez, madame, le procédé du charmant; il y a un mois que je ne l'ai vu; il est à Neuville33, outré de tristesse; et quand on prend la liberté de lui en parler, il dit que son exil est long; et voilà les seules paroles qu'il a proférées depuis l'infidélité de son Alcine; il hait mortellement la chasse, et il ne fait que chasser; il ne lit plus, ou du moins il ne sait ce qu'il lit; plus de Solus, plus d'amusement; il a un mépris pour les femmes, qui empêche de croire qu'il méprise celle qui outrage son amour et sa gloire; le bruit court qu'il viendra me dire adieu le jour que je partirai. Je vous manderai le changement qui est arrivé en sa personne. Je suis de votre avis, madame, je ne comprends point qu'un amant ait tort, parce qu'il est absent; mais qu'il ait tort étant présent, je le comprends mieux; il me paroît plus aisé de conserver son idée sans défauts pendant l'absence. Alcine n'est pas de ce goût; le charmant l'aime de bien bonne foi; c'est la seule personne qui m'ait fait croire à l'inclination naturelle; j'ai été surprise de ce que je lui ai entendu dire là-dessus; mais que deviendra-t-elle, comme vous dites, cette inclination? Peut-être arrivera-t-il un jour que le charmant croira s'être mépris, et qu'il contera les appas trompeurs d'Alcine. Le bruit de la reconnoissance que l'on a pour l'amour de mon gros cousin34 se confirme; je ne crois que médiocrement aux méchantes langues; mais mon cousin, tout gros qu'il est, a été préféré à des tailles plus fines; et puis, après un petit, un grand; pourquoi ne voulez-vous pas qu'un gros trouve sa place? Adieu, madame; que je hais de m'éloigner de vous!

Venez, mon cher confident35, que je vous dise adieu; je ne puis me consoler de ne vous avoir point vu; j'ai beau songer au chagrin que j'aurois eu de vous quitter, il n'importe; je préférerois ce chagrin à celui de ne vous avoir point fait connoître les sentimens que j'ai pour vous. Je suis ravie du talent qu'a M. de Grignan pour la friponnerie; ce talent est nécessaire pour représenter le vraisemblable. Adieu, mon cher monsieur: quand vous me promettez d'être mon confident, je me repens de n'être pas digne d'accepter une pareille offre; mais venez vous faire refuser à Paris. Adieu, mon amie; adieu, madame la comtesse; adieu, M. de Corbinelli; je sens le plaisir de ne vous point quitter en m'éloignant, mais je sens bien vivement le chagrin d'être assurée de ne trouver aucun de vous où je vais.

Je ne veux point oublier de vous dire que je suis si aise de l'abbaye que le roi a donnée à M. le coadjuteur, qu'il me semble qu'il y a de l'incivilité à ne m'en point faire de compliment.

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32

De la charge de grand-maître de la Garde-robe.

33

Château de la maison de Villeroi, à quatre lieues de Lyon.

34

M. de Louvois, ministre.

35

A M. de Corbinelli.

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