La religieuse
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Denis Diderot. La religieuse
NOTICE PRÉLIMINAIRE
LA RELIGIEUSE
PRÉFACE-ANNEXE DE LA RELIGIEUSE19
BILLET DE LA RELIGIEUSE À M. LE COMTE DE CROIXMAR28, GOUVERNEUR DE L'ÉCOLE ROYALE MILITAIRE
ON A RÉPONDU:
LETTRE DE LA RELIGIEUSE À M. LE MARQUIS DE CROISMARE, À CAEN
RÉPONSE DE M. LE MARQUIS DE CROISMARE
RÉPONSE DE LA RELIGIEUSE À M. LE MARQUIS DE CROISMARE
EXTRAIT DES REGISTRES
LETTRE DE MADAME MADIN À M. LE MARQUIS DE CROISMARE
LETTRE OSTENSIBLE DE MADAME MADIN, TELLE QUE M. LE MARQUIS DE CROISMARE L'AVAIT DEMANDÉ
LETTRE DE M. LE MARQUIS DE CROISMARE À MADAME MADIN
AUTRE LETTRE DE M. LE MARQUIS DE CROISMARE À MADAME MADIN
LETTRE DE M. LE MARQUIS DE CROISMARE À SŒUR SUZANNE
LETTRE DE MADAME MADIN À M. LE MARQUIS DE CROISMARE
LETTRE DE SŒUR SUZANNE À M. LE MARQUIS DE CROISMARE
LETTRE DE M. LE MARQUIS DE CROISMARE À MADAME MADIN
RÉPONSE DE MADAME MADIN À M. LE MARQUIS DE CROISMARE
LETTRE DE M. LE MARQUIS DE CROISMARE À MADAME MADIN
LETTRE DE MADAME MADIN À M. LE MARQUIS DE CROISMARE
RÉPONSE DE M. LE MARQUIS DE CROISMARE À MADAME MADIN
LETTRE DE MADAME MADIN À M. LE MARQUIS DE CROISMARE
LETTRE DE MADAME MADIN À M. LE MARQUIS DE CROISMARE
LETTRE DE M. LE MARQUIS DE CROISMARE À MADAME MADIN
QUESTION AUX GENS DE LETTRES
NOTE
Отрывок из книги
La réponse de M. le marquis de Croismare, s'il m'en fait une, me fournira les premières lignes de ce récit. Avant que de lui écrire, j'ai voulu le connaître. C'est un homme du monde, il s'est illustré au service; il est âgé, il a été marié; il a une fille et deux fils qu'il aime et dont il est chéri. Il a de la naissance, des lumières, de l'esprit, de la gaieté, du goût pour les beaux-arts, et surtout de l'originalité. On m'a fait l'éloge de sa sensibilité, de son honneur et de sa probité; et j'ai jugé par le vif intérêt qu'il a pris à mon affaire, et par tout ce qu'on m'en a dit que je ne m'étais point compromise en m'adressant à lui: mais il n'est pas à présumer qu'il se détermine à changer mon sort sans savoir qui je suis, et c'est ce motif qui me résout à vaincre mon amour-propre et ma répugnance, en entreprenant ces mémoires, où je peins une partie de mes malheurs, sans talent et sans art, avec la naïveté d'un enfant de mon âge et la franchise de mon caractère. Comme mon protecteur pourrait exiger, ou que peut-être la fantaisie me prendrait de les achever dans un temps où des faits éloignés auraient cessé d'être présents à ma mémoire, j'ai pensé que l'abrégé qui les termine, et la profonde impression qui m'en restera tant que je vivrai, suffiraient pour me les rappeler avec exactitude.
Mon père était avocat. Il avait épousé ma mère dans un âge assez avancé; il en eut trois filles. Il avait plus de fortune qu'il n'en fallait pour les établir solidement; mais pour cela il fallait au moins que sa tendresse fût également partagée; et il s'en manque bien que j'en puisse faire cet éloge. Certainement je valais mieux que mes sœurs par les agréments de l'esprit et de la figure, le caractère et les talents; et il semblait que mes parents en fussent affligés. Ce que la nature et l'application m'avaient accordé d'avantages sur elles devenant pour moi une source de chagrins, afin d'être aimée, chérie, fêtée, excusée toujours comme elles l'étaient, dès mes plus jeunes ans j'ai désiré de leur ressembler. S'il arrivait qu'on dît à ma mère: «Vous avez des enfants charmants…» jamais cela ne s'entendait de moi. J'étais quelquefois bien vengée de cette injustice; mais les louanges que j'avais reçues me coûtaient si cher quand nous étions seules, que j'aurais autant aimé de l'indifférence ou même des injures; plus les étrangers m'avaient marqué de prédilection, plus on avait d'humeur lorsqu'ils étaient sortis. Ô combien j'ai pleuré de fois de n'être pas née laide, bête, sotte, orgueilleuse; en un mot, avec tous les travers qui leur réussissaient auprès de nos parents! Je me suis demandé d'où venait cette bizarrerie, dans un père, une mère d'ailleurs honnêtes, justes et pieux. Vous l'avouerai-je, monsieur? Quelques discours échappés à mon père dans sa colère, car il était violent; quelques circonstances rassemblées à différents intervalles, des mots de voisins, des propos de valets, m'en ont fait soupçonner une raison qui les excuserait un peu. Peut-être mon père avait-il quelque incertitude sur ma naissance; peut-être rappelais-je à ma mère une faute qu'elle avait commise, et l'ingratitude d'un homme qu'elle avait trop écouté; que sais-je? Mais quand ces soupçons seraient mal fondés, que risquerais-je à vous les confier? Vous brûlerez cet écrit, et je vous promets de brûler vos réponses.
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– Maman, lui dis-je, soyez tranquille là-dessus; faites venir un homme de loi; qu'il dresse un acte de renonciation; et je souscrirai à tout ce qu'il vous plaira.
– Cela ne se peut: un enfant ne se déshérite pas lui-même; c'est le châtiment d'un père et d'une mère justement irrités. S'il plaisait à Dieu de m'appeler demain, demain il faudrait que j'en vinsse à cette extrémité, et que je m'ouvrisse à mon mari, afin de prendre de concert les mêmes mesures. Ne m'exposez point à une indiscrétion qui me rendrait odieuse à ses yeux, et qui entraînerait des suites qui vous déshonoreraient. Si vous me survivez, vous resterez sans nom, sans fortune et sans état; malheureuse! dites-moi ce que vous deviendrez: quelles idées voulez-vous que j'emporte en mourant? Il faudra donc que je dise à votre père… Que lui dirai-je? Que vous n'êtes pas son enfant!.. Ma fille, s'il ne fallait que se jeter à vos pieds pour obtenir de vous… Mais vous ne sentez rien; vous avez l'âme inflexible de votre père…»
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