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UNE HISTOIRE ET UN MONUMENT A ROUBILLAC.

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UNE HISTOIRE ET UN MONUMENT A ROUBILLAC.

C’EST la destinée commune et générale des grands hommes qui passent leur vie hors de leur contrée, de demeurer inconnus ou méconnus dans leur propre pays, aussi-bien que dans leur patrie adoptive: dans l’un, ils sont l’objet d’une indifférence injuste, souvent coupable; dans l’autre, ils restent presque toujours, et délibérément, inaperçus: dans la première comme dans la seconde, ils sont considérés comme des étrangers auxquels on ne doit pas s’intéresser. Bien plus, la jalousie chauvine de leurs nouveaux concitoyens vient souvent les assaillir dans la contrée où ils apportent une supériorité gênante de talents et de lumières, et ils y vivent en suspicion, écartés et malheureux; dans la patrie qu’ils ont quittée, on leur en veut d’avoir porté, sur une terre souvent rivale, ces mêmes connaissances et talents dont ils ont privé leur pays.

Il y a, ce n’est pas contestable, quelque chose de fondé dans un tel jugement; mais il serait déraisonnable de pousser le grief jusqu’à l’exagération, jusqu’au paradoxe. On ne considère pas que ce transfuge illustre a été peut-être incompris ou persécuté sur sa terre natale, qu’il a dû fuir une patrie ingrate ou injuste, et qu’il a rendu service même à son pays en le désertant et allant montrer, par lui-même, hors de ses frontières, un exemple de la gloire et de l’honneur de sa patrie, et y donner ainsi une plus haute idée du mérite et de la valeur de ses compatriotes... !

L’artiste qui fait l’objet du présent écrit, nous en fournit une illustration complète. Qui, aujourd’hui, en France aussi bien qu’en Angleterre, se rappelle le sculpteur ROUBILLAC, Roubiliac ou Roubilliac, l’auteur illustre, pourtant, de vingt chefs-d’œuvre?.... Cet artiste, c’est la France qui lui a donné la vie, c’est l’Angleterre qui a reçu son dernier souffle. Il a illustré la France par les magnifiques ouvrages qu’il a répandus en Angleterre.. : l’ingrate France qui fut son berceau sait à peine où il fut né...; l’ingrate Albion, qui possède ses os, ne les a même pas abrités du plus modeste monument!

En France, jeune et plein d’avenir, il a vu ses talents, à leur aurore, couronnés par l’Académie; et, sur le sol de l’Angleterre, il a semé des ouvrages impérissables. En Angleterre, il a été novateur, créateur et instituteur. Novateur, en y apportant, de ses études, des fruits tout-à-fait inconnus; créateur, en y imprimant les inspirations de son génie; instituteur, en enseignant aux Anglais un art qu’ils ignoraient profondément, un art dont ils n’avaient pas les moindres notions. Par lui, c’est donc la France qui a appris aux enfants d’Albion l’art de la statuaire, au siècle dernier, comme elle leur avait enseigné l’architecture au XIIIe et au XIVe siècle. La France a donc le droit et le devoir de s’enorgueillir de la personne de ce grand enfant de Lyon, comme l’Angleterre a l’avantage et l’agrément de posséder, de lui, des chefs-d’ œuvre dont toute nation aurait lieu d’être fière. En tous cas, par le fait du séjour de Roubillac sur son terrain, l’Angleterre doit de la reconnaissance à la France.

L’objet de la présente Etude n’est pas seulement de tracer la biographie d’un célèbre artiste français, de réhabiliter sa mémoire et de remettre en relief ses talents oubliés: elle montrera, elle mettra en évidence l’influence française sur ce pays d’outre-Manche, dans une branche des arts que les Anglais avaient, avant Roubillac, toujours négligée, et où, depuis, ils ont produit des œuvres remarquables, grâce à l’élan que cet enthousiaste cerveau gaulois est venu leur imprimer il y a maintenant un siècle et demi.

Ecoutons quelques autorités qui ne seront suspectes Pour personne. M. Dussieux dit de Roubillac:

“ Il introduisit en Angleterre la sculpture monumentale et historique. Ce fut un réformateur qui donna un grand élan à la sculpture, en sortant cet art de l’imitation servile de la nature, pour le lancer dans la représentation pratique des sentiments et de l’expression. On en était encore, en Angleterre, avant Roubillac, au goût et aux procédés de la sculpture gothique; il changea tout et y apporta le goût de l’antiquité, qu’il connaissait parfaitement, et il n’alla pourtant à Rome qu’à 50 ans. C’était un homme d’un grand sentiment poétique, d’un enthousiasme sans limites, d’une ardeur incroyable au travail, d’un grand désintéressement, ne travaillant que pour la gloire et sa réputation. Il mourut pauvre.”

—Il mourut pauvre!!! Comme ce mot finit bien l’éloge d’un grand homme!!!

Chantrey, le célèbre sculpteur, dit, en parlant de la statue de Newton, par Roubillac:

«L’Isaac Newton est, je pense, la plus noble de toutes nos statues anglaises;»

Canova ne pouvait se lasser d’admirer la statue de l’Eloquence du monument du duc d’Argyle;

Walpole ne peut non plus donner assez de louanges à cette magistrale pièce;

Le “ London Daily Post» s’extasie devant la statue de Händel, du Vauxhall, et la traite ” de travail exquis;»

L’historien de Worcester considère comme un chef-d’ œuvre le monument de l’évêque Hough. Le monument de Montaigu est l’objet de l’admiration de l’écrivain-architecte Hyett; Cunningham ne tarit pas d’éloges pour le groupe Nightingale, de Westminster.

Lord Chesterfield disait à qui voulait l’entendre: “ Roubillac seul est un sculpteur, tous les autres qui travaillent en Angleterre ne sont que des tailleurs de pierre.”

Enfin, à tant de témoignages presque contemporains du grand artiste, nous sommes heureux d’en ajouter un qui nous est d’autant plus précieux qu’il nous touche personnellement: Le savant Mr. Geo. Redford, un des critiques d’art les plus autorisés de notre époque, nous écrivait le 27 décembre 1881:

“Je pense que vous avez choisi un sujet des plus intéressants, et je suis sûr que vous rendrez une ample justice aux mérites de votre concitoyen, qui était certainement un très-remarquable sculpteur de l’école naturaliste.....»

Mr. Redford ne craint pas d’ajouter “ que les bustes de Roubillac étaient merveilleux! ”

Eh bien! l’Angleterre, comme la France, a été une terre marâtre envers cet artiste à qui elle doit tant... Roubillac, dont le ciseau a façonné tant de bustes et fouillé tant de statues, en Angleterre, n’y a ni buste ni statue; Roubillac, qui a délicieusement orné les cathédrales Anglaises de tant de beaux monuments funèbres, n’a pas une pierre, dans la plus rustique chapelle, pour recouvrir ses restes, pas la moindre inscription pour rappeler sa mémoire. C’est à peine si une misérable crypte, où personne jamais ne pénètre, a daigné recevoir sa dépouille! C’est à peine si le plus vulgaire et le plus inconnu des peintres français, un Adrien Carpentier, a reproduit, d’une manière plus ou moins heureuse, les traits de l’illustre sculpteur Lyonnais!

Quant à nos musées nationaux, quant au Louvre, parmi les célébrités françaises, on y voit parfaitement vide la place qu’y devrait occuper la figure de Roubillac; quant à la ville de Lyon, la cité natale du grand artiste, ni son musée, ni ses places publiques, ni ses monuments, ni la rue où il est né, ni aucune ruette, si étroite et si courte qu’elle soit, ne porte de lui la plus insignifiante mention. Une grande Histoire de la ville n’a même pas trouvé, parmi les milliers de pages de ses onze immenses volumes, l’espace d’une seule ligne pour y écrire son nom! Qu’elle honte....!

Aujourd’hui, pourtant, que la France de tout le monde répare—soi-disant—les torts de la France de quelques-uns; aujourd’hui qu’elle prétend célébrer toutes ses gloires Passées, qu’elle dit vouloir rechercher dans l’histoire tous les noms qui lui ont fait honneur, ne serait-il pas temps enfin de réparer l’injuste, l’incroyable oubli qui s’attache encore à la mémoire du sculpteur Lyonnais, de l’artiste qui a été, au siècle dernier, porter bien haut sur la terre d’Albion, le pavillon des Arts français?

Ce ne serait pas trop tôt, il me semble, après tout à l’heure deux siècles d’attente. Quand, à peine leur cadavre refroidi, des hommes d’une célébrité douteuse qui ne repose que sur des données toutes problématiques ou sur une influence dont il y aurait lieu de discuter les bienfaits, voient leurs traits se dessiner sur les places publiques, ou se dresser au milieu des squares fleuris, on laisse croupir dans l’ombre et dans le dédain, pendant des siècles, des physionomies de caractère, des talents sans équivoque, des travailleurs effectifs, qui ont, d’une manière palpable, tangible, évidente pour tous les yeux, rendu de réels services à leur pays, ont élevé sa gloire, répandu sa renommée et fait briller son honneur!

O France! Il est temps de porter remède à un tel état de choses. Et, aujourd’hui, qu’un ministère protecteur plane sur le domaine des Beaux-Arts, il est justement opportun de s’enquérir de toutes les Illustrations Artistiques que la France peut revendiquer chez elle, mais surtout à l’étranger, afin d’avoir une raison de plus d’étendre l’action gouvernementale sur une branche des connaissances humaines qui offre à la France ses plus belles et ses plus nobles jouissances, et dont la France, avant tous les autres pays, a le droit, le plus grand droit de s’enorgueillir.

Sur de telles considérations, ne consultant que mon dévouement à la cause artistique, dont je suis un défenseur ardent et convaincu, j’ai entrepris, entre plusieurs autres, une tâche: la réhabilitation et la glorification de la mémoire de Roubillac, par tous les moyens dont je puis disposer, c’est-à-dire, par mes recherches, mes études... et ma plume. Je veux écrire l’Histoire de la vie, des travaux et de l’influence de Roubillac.

Je ferai l’histoire.... Qui élèvera la statue???

L.-R. de S.-C.

EPHEMERIDES DE LA VIE DE ROUBILLAC.

Table des matières

1695. Naissance de Louis-François Roubillac, à Lyon.

— ? Elève de Coustou.

— ? Elève de Baltazar, de Dresde.

1730. Roubillac est 2e grand Prix de l’Académie, de Paris, pour son «Daniel sauvant la chaste Suzanne.»

— ? En arrivant à Londres, il tombe, on ne sait comment, dans l’atelier du maçon Carter.

— ? Il trouve et restitue le portefeuille de Sir Robert Walpole.

— ? R. Walpole le recommande au sculpteur Cheere, chez lequel il entre.

1738. Il travaille à son compte, fait la statue de Händel, et le groupe de l’Harmonie et des Génies.

— ? Il est recommandé à Lord Oxford et d’autres personnages importants, par Walpole.

1741. Buste de Pope.

Vers 1743. Monument du Duc d’Argyle, Westminster.

Vers 1744. Monument de l’évêque Hough. Worcester.

1747. Va à Rome, avec Arthur Pond, Wilton et Hudson. Ils rencontrent Reynolds au Mont Cénis.

Vers 1748. Monument du Maréchal Wade. Westminster.

1750. Jonathan Tyers lui prête £20.

Vers 1750. Monument du Major-Général Fleming. Westminster.

1751. Buste de l’archevêque de Cantorbéry Chichele. Oxford.

1752. Son Mariage avec Miss Crosby, de Deptford, qui lui apporte £10,000.

1753. Monument de Sir Peter Warren. Westminster.

1756. Il est cotisé à £45, pour le Budget des Pauvres de sa Paroisse.

1757. Buste du Dr. Frewen. Oxford.

1758. Statue de Shakespeare, pour Garrick.

1759. Monument de Händel. Westminster.

1759. Statue de Charles 1er. Matson.

1760. Il expose à la Société des Arts: 1 Buste, 2 Modèles (la Peinture et la Sculpture), modèle de Shakespeare.

1761. Il pose le monument Nightingale. Westminster.

1761. Il expose à la Société des Artistes: 1 Buste, son Portrait (tête) à l’huile, et le Buste de Wilton.

1761. Il écrit dans le St. James’s Chronicle, 1 pièce de vers contre les mauvais critiques.

1762. Le 11 janvier. Sa mort.

1762. Le 15 janvier. Ses funérailles.


Vie et ouvrages de L. F. Roubillac, sculpteur lyonnais 1685-1762

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