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CHAPITRE CINQ

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Maria Johansson avança dans le hall de l’aéroport Atatürk d’Istanbul, en Turquie, puis poussa la porte des toilettes pour dames. Elle venait de passer ces derniers jours sur la piste de trois journalistes israéliens qui avaient disparu alors qu’ils étaient partis en reportage sur la secte des fanatiques de l’Imam Khalil, ceux-là même qui avaient failli libérer un virus mortel de la variole sur le monde développé. On suspectait que la disparition des journalistes puisse avoir un rapport avec les disciples survivants de Khalil, mais leur piste n’avait rien donné en Irak, s’arrêtant à leur destination de Bagdad.

Elle doutait vraiment qu’on les retrouve un jour, sauf si la personne responsable de leur disparition en revendiquait la responsabilité. Elle avait actuellement l’ordre de suivre une piste présumée comme quoi l’un des journalistes avait été ici, à Istanbul, puis de retourner au quartier général régional de la CIA à Zurich, où elle serait débriefée et peut-être réassignée si l’opération était considérée comme terminée.

Mais, en attendant, elle avait rendez-vous avec quelqu’un d’autre.

Dans le box des WC, Maria ouvrit son portefeuille et en sortit un sac étanche en plastique épais. Avant d’enfermer dedans le téléphone fourni par la CIA, elle écouta la boîte vocale de sa ligne privée.

Il n’y avait pas de nouveau message. Il semblait que Kent avait renoncé à essayer de la joindre. Il avait laissé plusieurs messages vocaux au cours des dernières semaines, un tous les deux ou trois jours. Dans ses courts monologues, il lui avait parlé de ses filles, de la façon dont Sara gérait le traumatisme découlant des événements qu’elle avait endurés. Il avait parlé de son boulot à la Division des Ressources Nationales qui était tellement fade par rapport au travail de terrain. Il lui avait dit qu’elle lui manquait.

C’était un léger soulagement qu’il ait lâché l’affaire. Au moins, elle n’aurait plus à entendre le son de sa voix en réalisant à quel point il lui manquait aussi.

Maria mit le téléphone dans le sac plastique, ferma la fermeture éclair et le fit lentement descendre dans le réservoir des toilettes avant de refermer le couvercle. Elle ne voulait pas risquer que des oreilles indiscrètes puissent écouter sa conversation.

Puis, elle sortit des toilettes et parcourut le terminal jusqu’à une porte où attendaient environ deux douzaines de personnes. Le tableau des vols annonçait que l’avion pour Kiev partirait dans une heure et demie.

Elle s’assit sur une chaise rigide en plastique faisant partie d’une rangée de six sièges. L’homme était déjà derrière elle, assis dans le rang opposé, de dos à elle avec un magazine automobile ouvert devant son visage.

“Calendula,” dit-il d’une voix rauque, mais basse. “Au rapport.”

“Il n’y a rien à rapporter,” répondit-elle en ukrainien. “L’Agent Zéro est rentré chez lui avec sa famille. Et, depuis, il m’évite.”

“Oh ?” dit curieusement l’ukrainien. “Vraiment ? Ou est-ce que c’est toi qui l’évites ?”

Maria hausa les épaules, mais ne se retourna pas vers le type. Il ne pouvait dire une chose pareille que s’il savait que c’était vrai. “Vous avez piraté mon téléphone privé ?”

“Bien sûr,” répondit sans détour l’ukrainien. “On dirait que l’Agent Zéro a très envie de te parler. Pourquoi est-ce que tu ne l’as pas recontacté ?”

Tout ça n’avait rien à voir avec les ukrainiens, mais Maria évitait Kent pour la bonne et simple raison qu’elle lui avait encore menti, non pas une fois, mais deux. Elle lui avait dit que les ukrainiens avec qui elle travaillait étaient des membres des Services de Renseignement Étrangers. Et même si certains de leur faction l’avaient peut-être été, à un moment donné, ils étaient à peu près aussi loyaux au FIS que Maria à la CIA.

Le second mensonge était qu’elle allait arrêter de travailler avec eux. Kent avait clairement exprimé qu’il ne faisait pas confiance aux ukrainiens, tandis qu’ils étaient en route pour sauver ses filles. Et Maria avait accepté, à moitié à contre-cœur, de mettre un terme à ses relations avec eux.

Elle ne l’avait pas fait. Pas encore. Mais ça faisait partie des raisons de ce rendez-vous à Istanbul. Il n’était pas trop tard pour tenir sa parole.

“C’est fini,” dit-elle simplement. “J’en ai marre de bosser avec vous. Vous savez ce que je sais et je sais ce que vous savez. Nous pouvons échanger des renseignements dans le but de monter un dossier, mais j’arrête de faire vos commissions. Et je laisse Zéro en dehors de tout ça.”

L’ukrainien resta silencieux un long moment. Il tournait de temps à autre une page de son magazine auto, comme s’il le lisait vraiment. “Tu en es sûre ?” demanda-t-il. “De nouvelles informations ont récemment filtré.”

Maria fronça instinctivement les sourcils, même si elle était sûre que ce n’était pas une ruse pour la maintenir à son poste. “Quel genre de nouvelles informations ?”

“Les informations que tu veux,” répondit énigmatiquement le type. Maria ne pouvait pas voir son visage, mais elle eut l’impression, en se basant sur le ton de sa voix, qu’il souriait.

“Tu bluffes,” dit-elle à brûle-pourpoint.

“Pas du tout,” lui assura-t-il. “Nous connaissons sa position. Et nous savons ce qui pourrait se passer s’il la conserve.”

Les pulsations de Maria s’accélérèrent. Elle ne voulait pas le croire, mais elle n’avait pas trop le choix. Son implication pour découvrir le complot, sa décision de travailler avec eux et ses tentatives d’obtenir des informations de la CIA, ce n’était pas seulement une question de faire ce qui est juste. Bien sûr, elle voulait éviter la guerre et empêcher les responsables d’obtenir ce qu’ils voulaient, d’empêcher des innocents d’être blessés ou tués. Mais, plus que tout, elle avait une raison personnelle de s’occuper de ce complot.

Son père était membre du Conseil de Sécurité Nationale, un haut responsable des affaires internationales. Et même si elle avait honte d’envisager une telle chose, sa principale priorité, plus grande que sauver des vies ou d’épargner une guerre en préparation aux États-Unis, était de savoir si son père était au courant, s’il faisait partie des instigateurs de cette conspiration. Et si ce n’était pas le cas, il fallait qu’elle le mette à l’abri de ceux qui comptaient mettre leur plan à exécution par tous les moyens nécessaires.

Ce n’était pas comme si Maria pouvait simplement l’appeler pour le lui demander. Leur relation était quelque peu tendue, presque limitée à la sphère professionnelle, à des discussions sur la loi et à quelques brèves phrases de politesse relatives à la vie personnelle. De plus, s’il était au courant du complot, il n’aurait aucune raison de l’admettre ouvertement devant elle. S’il ne l’était pas, il voudrait agir. C’était un homme de décision qui croyait en la justice et au système judiciaire. Maria avait tendance à être cynique et, par conséquent, à être prudente.

“Que veux-tu dire par ‘ce qui pourrait se passer’ ?” demanda-t-elle. La phrase énigmatique de l’ukrainien semblait suggérer que son père n’était pas le plus sage, tout en comportant une certaine dose de menace.

“Nous n’en savons rien,” se contenta-t-il de répondre.

“Comment avez-vous découvert ça ?”

“E-mails,” répondit l’ukrainien, “obtenus par un serveur privé. Son nom était mentionné, ains que d’autres qui… pourraient ne pas se soumettre.”

“Comme une liste noire ?” demanda-t-elle.

“Peut-être.”

La frustration grimpa dans sa poitrine. “Je veux lire ces e-mails. Je veux les voir par moi-même.”

“Et tu peux,” lui assura l’ukrainien. “Mais pas si tu tiens à rompre tes liens avec nous. Nous avons besoin de toi, Calendula. Tu as besoin de nous. Et nous avons tous besoin de l’Agent Zéro.”

Elle soupira. “Non. Laisse-le en dehors de ça. Il est chez lui avec sa famille. C’est là-dessus qu’il doit se concentrer pour le moment. Il n’est même plus agent…”

“Pourtant, il travaille toujours pour la CIA.”

“Il n’a aucune allégeance envers eux…”

“Mais il est loyal envers toi.”

Maria prit un ton ironique. “Il ne se souvient pas d’assez de choses pour donner le moindre sens au peu qu’il sait.”

“Les souvenirs sont toujours là, dans sa tête. Il va finir par se souvenir et, quand ce sera le cas, il faut que tu sois là. Tu ne comprends pas ? Quand l’information lui reviendra, il n’aura pas d’autre choix que d’agir. Il aura besoin de toi pour le guider et il aura besoin de nos ressources s’il veut pouvoir agir concrètement.” L’ukrainien fit une pause avant d’ajouter, “Les renseignements dans la tête de l’Agent Zéro pourraient nous fournir les pièces qui nous manquent ou, au moins, nous mener à des preuves. À un moyen d’arrêter ça. C’est le but ultime, non ?”

“Bien sûr que si,” murmura Maria. Même si ce n’était pas la seule raison pour laquelle elle avait accepté de travailler avec les ukrainiens, il était primordial d’arrêter la guerre et un massacre inutile avant qu’il ne commence, ainsi que d’empêcher les mauvaises personnes d’acquérir le type de pouvoir qui avait historiquement mené à de bien plus gros conflits par le passé. Toutefois, elle secoua la tête. “Peu importe ce que je veux, vous voulez seulement l’utiliser.”

“Que le meilleur agent de la CIA se retourne contre son gouvernement serait évidemment utile,” admit le type. “Mais ce n’est pas notre but.” Il s’aventura à se tourner légèrement dans sa direction, juste assez pour murmurer, “Nous ne sommes pas tes ennemis dans cette histoire.”

Elle voulait bien le croire. Mais continuer à travailler avec eux alors qu’elle avait promis à Kent de couper les ponts la faisait se sentir, ainsi qu’il l’avait accusée une fois, comme un agent double… mais contre lui, pas contre la CIA.

“Je vais m’occuper de Zéro,” dit-elle, “mais je veux ces e-mails et toutes les autres informations que vous possédez sur mon père.”

“Et tu les auras, dès que tu nous auras amené quelque chose de nouveau et d’utile sur la table.” L’homme fit semblant de regarder l’heure à sa montre. “D’ailleurs, il me semble que tu dois rapidement retourner au QG régional de la CIA. C’est à Zurich, pas vrai ? Tu voudras peut-être savoir où se trouve l’Agent Zéro ? Si je ne me trompe pas, il ne sera pas loin.”

“Il est en Europe ?” Maria fut tellement prise de court qu’elle se retourna à moitié sur sa chaise. “Est-ce que vous l’espionnez ?”

Il haussa les épaules. “L’activité récente de sa carte de crédit affiche trois billets d’avion pour la Suisse.”

Trois ? se dit Maria. Ce n’était pas une mission de terrain, c’était un voyage. Kent et ses deux filles, très certainement. Mais pourquoi en Suisse ? se demanda-t-elle. Une idée lui vint… Est-ce qu’il veut tenter ça ? Est-ce qu’il est prêt ?

L’ukrainien se leva, boutonna son manteau, et fourra son magazine sous un de ses bras. “Va le rejoindre. Trouve quelque chose d’utile. Le temps presse. Si tu ne le fais pas, nous nous en chargerons.”

“Ne t’avise pas envoyer quelqu’un rôder autour de lui et de ses filles,” menaça Maria.

Il esquissa un sourire. “Dans ce cas, ne m’y oblige pas. Au revoir, Calendula.” Il fit un signe de tête, puis se hâta de quitter le terminal.

Maria s’enfonça dans sa chaise et soupira de défaite. Elle ne savait que trop bien qu’un seul souvenir ravivé pourrait déclencher la nature obsessionnelle de Kent, le replongeant dans le terrier de la conspiration et de la duperie à la recherche de réponses. Elle avait déjà vu de ses propres yeux comment Kent avait traversé l’enfer pour retrouver ses filles… mais elle savait également que la connaissance qu’il possédait autrefois allait les éloigner à nouveau.

Là, dans ce terminal de l’aéroport Atatürk d’Istanbul, elle se fit une promesse. Elle était personnellement responsable de l’avoir fourré là-dedans, donc elle allait s’assurer d’être là si, ou quand, ses souvenirs seraient de retour. Et de l’arrêter si nécessaire.

Le Piège Zéro

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