Читать книгу L’Assassin Zéro - Джек Марс - Страница 6
CHAPITRE UN
Оглавление“Tu es prêt ?” demanda Alan Reidigger à voix basse en vérifiant le chargeur du Glock noir dans sa grosse main. Zéro et lui étaient adossés à un mur en contreplaqué, restant cachés sous couvert de l’obscurité. Il faisait presque trop noir pour y voir quoi que ce soit, mais Zéro savait que, dans un court moment, tout l’endroit serait illuminé comme un soir du Quatorze Juillet.
“Toujours prêt,” chuchota Zéro. Il tenait un Ruger LC9 dans sa main gauche, un petit pistolet argenté à chargeur neuf coups, tout en fléchissant les doigts de sa main droite. Il ne devait pas oublier la blessure qu’il avait subie près de deux ans plus tôt, quand une ancre en acier s’était écrasée sur sa main, la rendant inutilisable. Trois opérations et plusieurs mois de rééducation physique plus tard, il avait récupéré presque tout son usage, malgré des dommages nerveux irréversibles. Il pouvait tirer avec une arme à feu, mais le coup avait tendance à dévier à gauche, un souci mineur qu’il avait appris à compenser.
“Je pars à gauche,” indiqua Reidigger, “et je dégage la voie. Tu vas à droite. Garde les yeux ouverts et surveille tes arrières. Je parie qu’il y a une surprise ou deux qui nous attendent.”
Zéro ne put s’empêcher de sourire. “Oh, c’est toi qui lances les hostilités maintenant, partenaire à mi-temps ?”
“Essaie de suivre un peu, vieillard.” Reidigger lui retourna son sourire, ses lèvres se recourbant derrière la barbe épaisse qui obscurcissait la partie inférieure de son visage. “Prêt ? Allons-y.”
À cette simple commande chuchotée, ils laissèrent tous les deux de la façade en contreplaqué derrière eux et se séparèrent. Zéro leva le Ruger, son canon suivant sa ligne de mire pendant qu’il se glissait en tournant dans une allée étroite.
Au début, il n’y eut que le silence et l’obscurité, sans aucun bruit dans cet espace caverneux. Zéro dut empêcher ses muscles de se tendre, leur ordonnant de rester relâchés et de ne pas ralentir sa vitesse de réaction.
C’est juste comme toutes les autres fois, se dit-il. Tu as déjà fait ça avant.
Puis, des lumières éclatèrent à sa droite dans une série d’éclairs puissants et discordants. Un flash sortit du canon d’une arme, accompagné par le bruit assourdissant du coup de feu. Zéro se jeta en avant, fit une roulade, et se redressa sur un genou. La forme n’était rien de plus qu’une silhouette, mais il y voyait suffisamment pour tirer deux coups qui atteignirent cette dernière en plein cœur.
Je n’ai pas perdu la main. Il se redressa légèrement en restant bas, avançant accroupi. Garde les yeux ouverts. Surveille tes arrières… Il se retourna juste à temps pour voir une autre forme sombre apparaître, barrant la route derrière lui. Zéro se jeta en arrière, atterrissant sur les fesses en tirant deux coups de plus. Il entendit des projectiles siffler juste au-dessus de sa tête, les sentant quasiment souffler dans ses cheveux. Ses deux tirs atteignirent sa cible, l’un dans le torse et l’autre dans le front de la silhouette.
De l’autre côté de la structure, parvinrent trois coups secs en rafale rapide. Ensuite, ce fut le silence. “Alan,” chuchota-t-il dans l’oreillette. “La voie est libre ?”
“Pas encore,” fut sa réponse. Une salve de tirs automatiques fendit l’air, suivis par deux coups émanant du Glock. “La voie est libre. Retrouve-moi de l’autre côté.”
Zéro resta dos au mur en avançant rapidement, le contreplaqué rugueux frottant contre son gilet tactique. Il distingua un mouvement furtif au-dessus de lui, depuis le toit plat de la structure. Un seul coup bien placé à la tête élimina la menace.
Il atteignit l’angle et s’arrêta, prenant une profonde inspiration avant de se montrer. Alors qu’il faisait le tour, Ruger levé, il se retrouva nez-à-nez avec Reidigger.
“J’en ai trois,” lui dit Zéro.
“Deux de mon côté,” grommela Alan. “Ce qui veut dire…”
Zéro n’eut pas le temps de crier un avertissement en voyant une forme humaine apparaître derrière Alan. Il leva son pistolet, juste au-dessus de l’épaule d’Alan, et tira deux fois.
Mais pas assez vite. Alors que Zéro tirait, Alan cria et serra sa jambe.
“Ah, putain !” grogna Reidigger. “Pas encore une fois.”
Zéro grimaça, alors que de brillantes lumières fluorescentes s’allumaient soudain, illuminant tout le terrain d’entraînement intérieur. Des talons claquèrent contre le sol bétonné et, un moment plus tard, Maria Johansson débarqua, bras croisés sur son blazer blanc, sa bouche maquillée faisant la moue.
“Qu’est-ce qui se passe ?” protesta Reidigger. “Pourquoi on s’arrête ?”
“Alan,” gronda Maria, “peut-être que tu devrais suivre tes propres conseils et surveiller tes arrières.”
“Quoi, ça ?” Alan désigna sa cuisse où une balle de paintball verte avait éclaboussé son pantalon. “C’est juste une égratignure.”
Maria haussa le ton. “L’artère fémorale aurait été touchée. Tu serais mort en quatre-vingt-dix secondes.” À l’attention de Zéro, elle ajouta, “Beau travail, Kent. Tu bouges presque comme quand tu étais plus jeune.”
Zéro décocha un sourire à Alan, qui lui fit furtivement un doigt.
L’entrepôt dans lequel ils se trouvaient était une ancienne usine de conditionnement en gros, jusqu’à ce que la CIA la rachète et la transforme en terrain d’entraînement. Le dispositif en lui-même était le produit de l’ingénieur excentrique de l’agence Bixby, qui avait fait de son mieux pour simuler un raid nocturne. La “base” qu’ils avaient pris d’assaut était composée de structures en contreplaqué, tandis que les flashs des canons des armes étaient des stroboscopes placés un peu partout dans les locaux. Les bruits des coups de feu étaient reproduits numériquement et diffusés via des haut-parleurs haute-définition qui faisaient écho dans cet immense espace et donnaient presque l’impression aux oreilles entraînées de Zéro que c’étaient de vrais coups de feu. Les formes humaines n’étaient rien d’autre que des mannequins en gel balistique fixés sur des chariots, tandis que les armes de paintball étaient automatisées, programmées pour tirer quand les capteurs décelaient un mouvement à diverses portées.
La seule chose vraie de l’exercice étaient les balles réelles qu’ils utilisaient, raison pour laquelle Zéro et Reidigger portaient des gilets tactiques pare-balles… Voilà pourquoi ce centre d’entraînement n’était accessible qu’aux agents des Opérations Spéciales, dans lesquelles Zéro se retrouvait à nouveau enrôlé.
Après le fiasco en Belgique, dans lequel ils s’étaient tous les deux confrontés au président russe Aleksandr Kozlovsky et avaient dévoilé le pacte secret qu’il avait avec le président des USA Harris, dire que Zéro et Reidigger s’étaient retrouvés dans le pétrin était un doux euphémisme. Ils étaient devenus des fugitifs internationaux recherchés dans quatre pays pour avoir enfreint plus d’une dizaine de lois. Mais ils avaient eu raison à propos du complot, et il ne semblait pas vraiment justifié pour eux deux qu’ils passent le reste de leurs vies en prison.
Aussi, Maria avait tiré toutes les ficelles possibles, se mouillant vraiment pour ses anciens coéquipiers et amis. Ça tenait presque du miracle qu’elle ait réussi à faire passer toute cette histoire pour une opération top-secret sous sa supervision.
Bien sûr, la contrepartie était qu’ils devaient retourner bosser pour la CIA.
Même si Zéro ne comptait pas l’admettre à haute voix, c’était comme un retour à la maison pour lui. Il avait travaillé dur ce dernier mois, se remettant au sport, allant an centre de tir pour s’entraîner tous les jours, boxant et évitant les coups d’opposants ayant presque la moitié de son âge. Le poids qu’il avait pris durant son absence d’un an et demi s’était volatilisé. Il s’améliorait au tir de sa main droite blessée. Maria avait raison, il était presque au même niveau qu’avant.
Alan Reidigger, de son côté, avait résisté au maximum. Il avait passé les quatre dernières années de sa vie sous l’alias d’un mécanicien appelé Mitch, alors que l’agence le croyait mort. Revenir à la CIA était la dernière chose qu’il voulait mais, étant donné le choix entre ça ou un trou à E-6, il avait accepté à contrecœur les conditions de Maria, mais en tant que ressource plutôt qu’agent à part entière, raison pour laquelle Zéro plaisantait en l’appelant “partenaire à mi-temps.” L’implication d’Alan dépendrait des besoins et il fournirait son soutien si nécessaire, aidant également à former des agents plus jeunes.
Mais avant ça, il fallait qu’ils retrouvent tous les deux la forme pour se battre.
Reidigger voulut essuyer la peinture verte sur son pantalon, ce qui ne fit que l’étaler un peu plus sur sa cuisse. “Laisse-moi nettoyer ça, et on s’y remet,” dit-il à Maria.
Elle secoua la tête. “Je ne vais pas passer toute la journée dans ce lieu étouffant à te voir prendre coup après coup. On reprendra après les vacances.”
Alan marmonna, mais acquiesça quand même. Il avait été un excellent agent en son temps. Et même maintenant, il s’avérait être encore vif et apte au combat. Il était rapide, malgré son poids en trop au niveau du ventre. Pourtant, il avait toujours été un aimant à balles. Zéro ne pouvait même pas se rappeler le nombre de fois où Reidigger s‘était fait tirer dessus durant sa carrière, mais ça ne devait pas être loin d’un nombre à deux chiffres, en particulier depuis qu’il avait pris une balle à l’épaule durant leur épopée belge.
Un jeune technicien débarqua avec un chariot en acier à roulettes pour récupérer leurs équipements, tandis que trois autres s’affairaient à remettre en ordre la zone d’entraînement. Zéro dégagea la balle de la chambre du Ruger, retira le chargeur et posa les trois éléments sur le chariot. Puis, il arracha les bandes Velcro de son gilet tactique et le fit passer par-dessus sa tête pour l’enlever, se sentant soudain plus léger de quelques kilos.
“Alors, il y a une chance que tu aies changé d’avis ?” demanda-t-il à Alan. “Pour Thanksgiving. Les filles seraient ravies de te voir.”
“Et ça me ferait plaisir de les voir aussi,” répondit-il, “mais je vais passer mon tour pour cette fois. Je préfère vous laisser vous retrouver en famille.”
Alan ne s’attarda pas sur le sujet, et il n’en avait pas besoin. Les relations de Zéro avec Maya et Sara avaient été plus que tendues depuis un an et demi. Mais cela faisait maintenant plusieurs semaines que Sara était retournée chez lui, depuis qu’il l’avait retrouvée sur une plage en Floride. Maya et lui avaient commencé à se parler de plus en plus par téléphone et elle avait presque sauté dans le premier avion quand elle avait appris ce qui était arrivé à sa petite sœur, mais Zéro l’avait rassurée et convaincue de rester à l’école jusqu’aux vacances. Cette semaine serait la première depuis longtemps où ils allaient tous se retrouver sous le même toit. Et Alan avait raison. Il y avait encore beaucoup de boulot à accomplir pour réparer les dommages qui les avaient séparés pendant si longtemps.
“En plus,” dit Alan avec un sourire, “nous avons tous nos traditions. Moi, je vais manger un poulet rôti entier et remonter le moteur d’une Camaro de soixante-douze.” Il se tourna vers Maria. “Et toi ? Tu vas le fêter avec ton cher vieux papa ?”
David Barren, le père de Maria, était le Directeur du Renseignement National, quasiment le seul homme avec le président à qui le Directeur Shaw de la CIA rendait des comptes.
Mais Maria secoua la tête. “Mon père sera en Suisse en fait. Il fait partie d’une délégation diplomatique pour le compte du président.”
Alan fronça les sourcils. “Alors tu vas rester seule pour Thanksgiving ?”
Maria haussa les épaules. “Ce n’est pas bien grave. En fait, j’ai beaucoup de paperasse en attente étant donné que je passe beaucoup trop de temps ici avec deux idiots comme vous. Je compte enfiler un pantalon de survêtement, me faire du thé, et me mettre au boulot…”
“Non,” la coupa fermement Zéro. “Pas question. Viens dîner avec les filles et moi.” Il avait dit ça sans vraiment y réfléchir, mais il ne regrettait pas de le lui avoir proposé. Au contraire, il se sentait un peu coupable, car c’était à cause de lui qu’elle se retrouvait seule pour Thanksgiving.
Maria esquissa un sourire reconnaissant, mais on lisait l’hésitation dans ses yeux. “Je ne suis pas très sûre que ce soit une bonne idée.”
Elle marquait un point. Leur relation avait cessé à peine plus d’un mois avant. Ils avaient vécu ensemble plus d’un an en tant que… eh bien, il ne savait pas vraiment en tant que quoi. Amants ? Il ne se souvenait même pas avoir déjà parlé d’elle comme étant sa petite amie. Ça sonnait juste trop bizarre. Mais ça n’avait pas d’importance finalement, parce que Maria lui avait avoué qu’elle voulait fonder une famille.
Si Zéro devait tout recommencer avec quelqu’un, il ne voudrait le faire avec personne d’autre au monde qu’avec Maria. Mais quand il y réfléchissait en profondeur, il réalisait qu’il n’avait pas envie de ça. Il avait un travail à faire sur lui-même, du boulot pour réparer ses relations avec ses filles, et aussi pour exorciser les fantômes du passé. Et puis l’interprète, Karina, avait débarqué dans sa vie, lors d’une trop brève romance vertigineuse et dangereuse, à la fois magnifique et tragique. Son cœur souffrait encore de sa perte.
En tout cas, Maria et lui avaient une longue histoire, pas seulement amoureuse, mais aussi professionnelle et platonique. Ils avaient convenu de rester amis, car aucun des deux n’aurait envisagé les choses autrement. Mais à présent, il était à nouveau agent, tandis que Maria avait été promue Directrice Adjointe des Opérations Spéciales, ce qui voulait dire qu’elle était sa chef.
Les choses étaient pour le moins compliquées.
Zéro secoua la tête. Ça n’avait pas à être compliqué. Il voulait croire que deux personnes puissent être amies, peu importe le passé ou leur relation actuelle.
“C’est une idée géniale,” lui dit-il. “Et je ne supporterai aucun refus. Viens dîner avec nous.”
“Eh bien…” Le regard de Maria jeta un bref coup d’œil vers Reidigger avant de revenir à Zéro. “Ok, dans ce cas,” concéda-t-elle. “Ça me paraît bien. Je crois que je ferais mieux d’aller commencer à traiter ma paperasse.”
“Je t’envoie un message,” lui dit Zéro pendant qu’elle quittait l’entrepôt, ses talons résonnant sur le sol en béton.
Alan retira son gilet tactique en poussant un long grognement, puis replaça sa casquette tachée de sueur sur ses cheveux emmêlés avant de demander tout à coup, “Est-ce que c’est un stratagème ?”
“Un stratagème ?” dit Zéro d’un air surpris. “Pour quoi faire ? Pour récupérer Maria ? Tu sais bien que ce n’est pas ce que j’ai en tête.”
“Non. Je veux dire un stratagème pour que Maria face office de tampon entre elles et toi.” Pour un agent sous couverture qui avait vécu les quatre dernières années de sa vie sous l‘identité de quelqu’un d’autre, Alan avait une franchise brute avec lui qui frisait parfois l’insulte.
“Bien sûr que non,” répondit fermement Zéro. “Tu sais qu’il n’y a rien au monde que je souhaite plus que les choses redeviennent comme avant. Maria est une amie, pas un tampon.”
“Bien sûr,” acquiesça Alan, même s’il semblait dubitatif. “Peut-être que ‘tampon’ n’était pas le terme adéquat. Peut-être plus comme un…” Il baissa les yeux vers le gilet pare-balles posé sur le chariot en acier devant eux et le montra du doigt. “Eh bien, je ne trouve pas de métaphore plus appropriée que ça.”
“Tu dis n’importe quoi,” insista Zéro, essayant de cacher l’énervement dans sa voix. Il n’était pas en colère à cause de la franchise d’Alan, mais il était irrité par cette suggestion. “Maria ne mérite pas de rester seule pour Thanksgiving, et la situation avec les filles est bien meilleure qu’elle ne l’a été depuis plus d’un an. Tout va bien se passer.”
Alan leva les deux mains en l’air, comme pour se rendre. “Ok, je te crois. Je me fais juste du souci pour toi, c’est tout.”
“Ouais, je sais bien.” Zéro regarda sa montre. “Écoute, je dois me sauver. Maya arrive ce soir. On se voit à la salle de sport vendredi ?”
“Pas de souci. Passe le bonjour aux filles de ma part.”
“Je n’y manquerai pas. Amuse-toi bien avec ton poulet et ton moteur.” Zéro le salua de la main en se dirigeant vers la porte, mais sa tête était à présent emplie de doutes. Est-ce qu’Alan avait raison ? Avait-il inconsciemment invité Maria parce qu’il avait peur de se retrouver seul avec ses filles ? Et si le fait d’être réunis à nouveau leur rappelait pourquoi elles étaient parties au départ ? Ou pire, sil elles pensaient la même chose qu’Alan ? Que Maria était comme une sorte de barrière protectrice entre elles et lui ? Et si elles se disaient qu’il ne faisait pas assez d’efforts ?
Tout va bien se passer.
Ça ne le réconfortait pas vraiment mais, au moins, sa capacité à mentir de manière convaincante était plus aiguisée que jamais.