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CHAPITRE II
ОглавлениеLE PRESTIGE DU MAL
La force est la reine du monde.
(Pascal.)
L’abaissement ou l’élévation d’une âme peut se mesurer aux objets de son admiration ou de son mépris; de même, pour juger d’une époque, faut-il se rendre compte des divinités qu’elle adore. Or devant quelles puissances s’incline la nôtre? Le hero-worship que Thomas Carlyle conseillait à sa génération n’est certes plus à la mode du jour: des cultes d’un ordre très différent l’ont remplacé. Si l’humanité veut suivre les chemins qui montent elle doit commencer par se détourner de ces autels médiocres; la route sur laquelle elle marche aujourd’hui et qui, sur certains points, lui a fait atteindre de merveilleux progrès, pourrait la rejeter, par la pente logique de l’abaissement graduel des caractères, aux périodes d’ignorance et de brutalité, si un sincère examen de conscience[3], suivi d’un effort courageux, ne ramène les cœurs au culte des vrais dieux.
Les tentatives qui ont été faites dernièrement pour remettre le bien en honneur sont isolées encore et le dédain, sous lequel certaines vertus étaient tombées, persiste toujours. La bonté, l’oubli des injures, l’esprit de sacrifice, la probité scrupuleuse, le désir d’être utile, continuent à être un objet de raillerie, à moins qu’ils ne soient accompagnés du prestige d’une grande situation ou d’une grande fortune. Si ce correctif leur manque, on se borne à les tolérer, car on a cessé de leur accorder une valeur intrinsèque et de les considérer dans leur application comme un triomphe moral digne de respect.
Ce bizarre sentiment a pénétré la grande majorité des âmes et même—phénomène incompréhensible—les âmes chrétiennes. On va se révolter, crier à l’exagération et au pessimisme... Et, en ne considérant que la surface des choses, ces protestations seront apparemment justifiées; mais, en examinant sincèrement la question, en jetant en soi et autour de soi un regard attentif, on sera forcé d’admettre la vérité de cette affirmation. La plupart de ceux qui essayent de pratiquer le bien dans leur propre vie ont cessé de l’admirer dans celle d’autrui. Ils n’ont pas le sentiment de leur illogisme, mais cette inconscience ne détruit aucun des effets moraux de l’anomalie.
Il en a toujours été ainsi, dira-t-on, la fin du siècle n’a rien inventé. L’Écriture affirmait, il y a des milliers d’années, que le cœur humain était désespérément mauvais et qu’il y avait antagonisme entre lui et le bien. Les éléments obscurs qui s’agitent dans l’homme se sont sans cesse dressés contre les manifestations de la lumière; les penseurs ont, de tout temps, déploré ce trait de la nature déchue, et M. de Maistre écrivait: «J’ignore ce qu’est la conscience d’un fripon, mais je sais que celle d’un honnête homme est quelque chose d’épouvantable.» La haine du bien est donc aussi vieille que le monde; pour éviter que le découragement n’accable les cœurs, il est sage d’accepter les surfaces et les mensonges conventionnels; creuser la pensée, se mettre rigidement en face de la vérité, c’est vouloir arriver à de désespérantes constatations. Les consciences les plus pures ont des recoins sombres où sommeille une inimitié sourde contre toutes les choses bonnes; il en a été ainsi chez le premier Adam, il en sera de même chez le dernier.
La valeur de ces arguments est contestable. Si aucun germe nouveau n’a pénétré la nature humaine, il est certain cependant que les tendances de chaque époque ont plus ou moins développé tels ou tels des nombreux instincts de l’homme. Ce qui caractérise le temps actuel ce n’est pas la haine, c’est le dédain du bien. Il ne s’agit plus de ce sentiment de colère ou d’envie éprouvé par les anges rebelles, mais d’une perversion de jugement qui fait mépriser avec l’intelligence ce que la conscience ordonne d’accomplir.
Les idées darwiniennes ont, dans ce phénomène, une large part de responsabilité. La doctrine de la lutte pour la vie a envahi tous les esprits, même ceux qui la repoussent comme théorie ou ne l’acceptent que partiellement. On en est arrivé à n’estimer que le vainqueur du combat; s’il reste maître du champ de bataille, peu importe sa valeur ou sa médiocrité réelles! Il est logique qu’à ce point de vue les vertus qui désarment l’homme et risquent d’entraver sa victoire soient considérées comme des désavantages, puisque les posséder c’est être vaincu d’avance. A toutes les époques, la défaite a suscité le mépris des natures vulgaires; aujourd’hui ce sentiment est devenu presque général; il n’y a plus de réaction généreuse en faveur des vaincus, les batailles perdues ne trouvent plus de poètes pour les chanter!
Manquer de la puissance de combativité ou ne pas vouloir l’exercer par principe, équivaut, dans l’ordre moral, à être manchot dans l’ordre physique: l’opinion publique, sauf d’assez rares exceptions, jauge immédiatement les malheureux qui en sont dépourvus, les range parmi les quantités négligeables, et, contre ce verdict, il n’y a point d’appel.
Quelles sont, par exemple, les conséquences du pardon des injures pour ceux qui le pratiquent?
L’homme ne peut donner une plus grande preuve de force morale, car pour pardonner vraiment il faut être roi de soi-même. Cependant aucune vertu ne nuit davantage à la situation personnelle de l’individu. Une injure oubliée semble en amener d’autres; c’est une conspiration pour pousser à bout celui qui s’est imposé le pardon comme règle de conduite; on refuse de croire à sa sincérité, on essaye d’attribuer sa mansuétude à des motifs de lâcheté ou d’intérêt, et, lorsqu’enfin elle est devenue un fait avéré, une légère parcelle de mépris, qui ira toujours grandissant, se glisse pour lui dans les cœurs. Il ne suffit plus de dompter ses rancunes et de triompher de ses ressentiments, il faut se résigner d’avance à supporter les effets nuisibles du pardon accordé. L’homme échappe à ce dédain lorsque la victoire remportée sur lui-même se manifeste dans des conditions éclatantes, mais, dans les circonstances ordinaires de la vie privée ou publique, il en souffre de mille façons. Il faut avoir à faire à des natures très généreuses pour ne pas être puni d’une injure oubliée.
Le désir d’être utile aux autres et l’esprit de renoncement sous toutes ses formes subissent des dénigrements identiques. Le déploiement de ces qualités commence par provoquer des abus. Dans les familles, les administrations, les œuvres de bienfaisance, le même phénomène se vérifie sans cesse: les individus de bonne volonté sont surchargés sans scrupules de la besogne qui devrait être répartie sur tous, et personne ne leur en est reconnaissant; au contraire, un ferment d’irritation s’élève contre eux. Cela aussi est vieux comme le monde, l’ingratitude répondant, paraît-il, à un instinct de la nature humaine; ce qui est essentiellement moderne, c’est le mépris qui s’y ajoute. Même lorsque l’imagination est saisie, qu’il s’agit d’un dévouement d’amour ou d’un acte éclatant de générosité, l’admiration est froide, et il s’y mêle une pointe d’ironie. Si aujourd’hui Léandre pour retrouver Héro devait traverser l’Hellespont à la nage, il trouverait des railleurs sur les deux rives du détroit, et les femmes seraient les premières à sourire de cet amoureux trop ardent. On dirait que l’oubli de sa propre personnalité est un aveu d’infériorité; les cœurs ne le comprennent plus. Faire bon marché de ses intérêts, c’est se déconsidérer soi-même et provoquer le manque de respect d’autrui.
Le désintéressement, cette vertu si haute, n’a pas conservé plus de prestige. On s’indigne bien encore quelquefois contre les fripons qui s’enrichissent au détriment des honnêtes gens, mais l’homme de bien pauvre, ou devenant pauvre, parce qu’il n’a voulu faire de tort à personne, ne trouve certes pas dans l’estime publique l’équivalent de ce qu’il a perdu; et il entre bien du sarcasme dissimulé dans l’éloge qu’on fait de sa probité. Dans les circonstances même où elle représente une sauvegarde pour les intérêts qui lui sont confiés, cette probité ne sert guère. Y a-t-il une place à donner, une affaire à traiter, en charge-t-on de préférence ceux qui offrent comme garantie leur désintéressement connu? De tout autres mobiles déterminent d’ordinaire les choix et les récompenses. Il est admis que la délicatesse scrupuleuse empêche le succès; or le succès est le niveau auquel tout se mesure, et la société actuelle n’a pas de place pour ceux qui la dédaignent.
La dignité modeste est également reléguée parmi les qualités nuisibles. Les natures fières et délicates qui répugnent à faire du bruit autour d’elles, sentant la vulgarité de l’aplomb audacieux, se voient négligées même par ceux qui seraient capables de les comprendre. Dans le monde, la politique, les affaires, ne pas essayer de prendre insolemment les premières places, vous fait souvent reléguer aux dernières. Cependant, chacun sait—les imbéciles seuls l’ignorent—que la supériorité réelle est incompatible avec la prétention audacieuse. Tout idéal élevé impose l’humilité. George Sand, qui avait le génie modeste, disait que se décerner des couronnes à soi-même prouvait une irrémédiable médiocrité et interdisait tout espoir de progrès. Mais George Sand est morte, et sa génération a disparu; on n’a plus le temps aujourd’hui, dans l’agitation fébrile des journées, de s’occuper des valeurs qui se dérobent.
La bonté et la patience, ces gardiennes du bonheur de l’homme, sans lesquelles les choses les plus douces de la vie se changent en amertume, échappent-elles du moins au dédain de ceux qui en bénéficient? Elles ont, hélas! le même sort que le dévouement et le désintéressement, et volontiers l’on manque d’égards envers ceux qui les pratiquent. Lorsque les circonstances forcent à sacrifier quelqu’un, qu’il s’agisse de la vie publique ou de la vie privée, le choix est rapide; il tombe sur les êtres que l’on devrait respecter davantage. C’est à eux que l’on fait tort, parce que l’on sait pouvoir compter sur leur débonnaireté; l’être méchant, dont il y a quelque chose à craindre, est épargné d’ordinaire.
Les vertus qui n’ont pas pour base l’esprit d’abnégation et d’humilité sont cotées moins bas sur le marché de l’opinion publique. Mais elles n’acquièrent cependant un réel prestige que si elles représentent des éléments de réussite: argent ou situation. La hardiesse, le courage, la fermeté, la persévérance, l’énergie sous toutes ses formes, inspirent encore quelque respect. Elles répondent à ce besoin de la force qui domine indistinctement toutes les âmes. La franchise, quand elle est légèrement brutale, le respect de soi-même lorsqu’il s’y mêle un peu d’insolence, réussissent encore à faire leur chemin dans le monde, non en tant que vertus, mais comme conditions de prépondérance. Les qualités négatives, telles que l’indulgence et la modération, sont également tolérées; le fonds d’indifférence sur lequel elles se basent leur assure même une certaine estime.
Cet étrange dédain pour ce qui représente la somme des hauteurs morales, pourrait, à la rigueur, s’expliquer de la part des matérialistes et des déterministes. Voulant une humanité d’où les faibles seraient supprimés dès leur naissance, il est logique que certaines vertus équivalent pour eux à des faiblesses. Mais il y a incompatibilité flagrante entre ce dédain du bien et les doctrines chrétiennes et spiritualistes. Reconnaître en Christ un maître suprême ou un docteur sublime et n’avoir dans la pratique de la vie aucun respect pour ceux qui essayent de suivre ses traces, est la plus flagrante des inconséquences. Certes, on n’est pas arrivé encore à professer ouvertement le principe que la pratique des vertus est une preuve de déchéance intellectuelle, mais qu’importe la théorie, du moment que la grande majorité des soi-disant croyants agissent comme si telle était réellement leur pensée! Ils s’attendriront peut-être à la lecture d’un acte de dévouement obscur, accompli loin d’eux par des inconnus qu’ils ne verront jamais, mais si la chose se passe à leur porte, l’émotion disparaît et la raillerie la remplace. Quel intérêt ou quelle vénération manifesteront-ils pour ces héros de la vie? Leur poignée de main ne sera pas plus cordiale; elle continuera à se mesurer à la situation et non à la personnalité morale de ceux qu’ils accueillent. La vue du sacrifice n’aura en rien réchauffé leur cœur ni exalté leur imagination. Aujourd’hui dire de quelqu’un qu’il a une belle âme, c’est provoquer le sarcasme ou du moins le sourire.
Ce mépris du bien auquel on se heurte à chaque pas de la vie morale a eu comme conséquence directe la tolérance et même l’admiration du mal. La plupart des âmes subissent ce double courant sans le comprendre, sans le définir, sans se rendre compte surtout du déplacement qu’il opère dans les points de vue de notre génération. Essayer de dissiper cet aveuglement et de donner aux hommes la conscience de leurs sentiments réels est, pour tous ceux qui ont entrevu la vérité, un imprescriptible devoir.
⁂
La force a toujours exercé sur les imaginations un singulier prestige, même lorsque ses manifestations étaient injustes et brutales; dans tous les plans de réforme morale, il faut donc tenir compte de cet instinct qui, bien dirigé, pourrait conduire l’homme à de sublimes conquêtes. Mais la force ne règne plus exclusivement. L’habileté heureuse lui dispute la place, et les âmes amollies, les esprits trop aiguisés se laissent volontiers séduire par cette puissance inférieure qui dispense de l’effort et du sacrifice et promet de faciles conquêtes. L’affaiblissement de la fibre morale et physique, la sécurité des existences, l’absence des périls qui trempaient les âmes expliquent cette évolution de la pensée, évolution qui agit comme un dissolvant sur les consciences.
Ce n’est pas que l’attraction de la force en soi ait diminué, mais les esprits vulgarisés, avides de succès apparents, sont devenus empiriques et n’admettent plus que les résultats. Or, dans l’ordre de choses actuel, il est évident que le plus grand nombre de victoires est remporté par l’adresse. L’homme habile exerce, par conséquent, sur son prochain une fascination indiscutable qui ressemble presque à de la considération. Certaines expressions qui appliquées aux individus, avaient jadis une signification méprisante et l’ont encore dans le sens absolu des mots, représentent de nos jours, c’est tacitement entendu, une exclamation flatteuse. On dirait que les paroles ont perdu leur valeur primitive. Dans les pays latins, en particulier, l’admiration pour la ruse, la fourberie heureuse, la combinaison adroite ne se dissimule même pas, et c’est à peine si quelques signes de réaction commencent à se manifester. Naturellement, en théorie, on formule encore des appréciations sévères sur le manque de délicatesse ou de droiture, mais les attitudes ou les façons d’agir ont cessé de correspondre à la rigidité des mots. Le succès voit toutes les portes s’ouvrir largement devant lui; les plus honnêtes et les plus exclusives ne font pas exception. Et souvent aucun intérêt personnel n’entre en jeu, c’est simplement par platitude ou parce que le courant est trop fort et les volontés trop malades pour résister au flot qui les entraîne.
Cette sorte d’admiration morbide du succès, surtout lorsqu’il présuppose de grandes dépenses d’habileté, est peut-être plus fréquente encore chez les femmes que chez les hommes. Le sentiment de la probité et de la loyauté étant généralement moins développé par leur éducation, elles n’éprouvent pas pour certaines actions la répugnance que les hommes d’honneur, à part toute idée de morale, ressentent instinctivement. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer ce qui se passe dans les familles, même les plus honnêtes. Que de fois n’entend-on pas les épouses et les mères reprocher à leurs maris et leurs fils les principes, les qualités ou les scrupules qui les empêchent, dans telle ou telle circonstance, d’atteindre les premières places ou d’obtenir les avantages les plus considérables? On pourrait citer, dans un sens contraire, de nobles et grands exemples, mais il est certain que la généralité des femmes mettent en première ligne les intérêts visibles de ceux qu’elles aiment et y subordonnent souvent les devoirs de la conscience.
Les femmes ont toujours eu d’ailleurs de secrètes et subtiles indulgences pour ce qui les domine sans les froisser ou les brutaliser. L’adresse les a fascinées de tout temps; les hommes qui ont la renommée d’avoir troublé sciemment le plus grand nombre d’existences exercent sur leur imagination une influence incontestable, même lorsque ni leur cœur ni leur vanité ne sont touchés. On voit les mères et les sœurs subir, elles aussi, l’ascendant de la ruse élégante, triomphante. Aujourd’hui que les intérêts des femmes se sont élargis, qu’elles s’occupent de toutes les questions et imposent leurs jugements sur plusieurs points, cette tendance de leur esprit à admirer l’habileté a largement contribué à dévoyer l’opinion.
Une part de curiosité entre dans cet attrait que les femmes ressentent; leurs amitiés en sont la preuve. Les plus honnêtes recherchent volontiers celles dont les aventures ont été notoires, mais dont l’adresse a su éviter le scandale public; à parité de situation elles leur donnent le pas sur les femmes irréprochables dont l’histoire n’exerce pas de prestige sur l’imagination. L’amie incertaine, à la trahison toujours prête, a plus d’empire que l’amie loyale sur qui l’on sait pouvoir compter, tellement les choses mauvaises dégagent un magnétisme auquel on n’a pas scrupule de céder. Ce sont là, dira-t-on, des travers de femmes du monde qui ne représentent qu’une très petite fraction de l’humanité et dont l’influence est restreinte; très restreinte, en effet, s’il ne fallait pas compter sur l’esprit d’imitation qui, allant de bas en haut, fait retrouver le même courant de tendances à tous les degrés de l’échelle sociale.
Dans la vie politique, un phénomène identique se manifeste, en particulier dans les pays où elle est organisée sur la base des influences parlementaires, et c’est là surtout qu’on voit l’honnêteté désarmer lâchement devant la friponnerie. Dans ce groupement d’hommes, qui devrait représenter l’élite morale des nations, quelles sont les individualités qu’on ménage? Celles qui offrent une surface morale et dont la probité reconnue assure la loyauté des transactions? Ces voix-là sont rarement écoutées et, par une conspiration tacite, l’éclat en est vite assourdi. Les recommandations qui comptent, les paroles dont l’autorité s’impose émanent presque toujours de ceux dont l’appui est incertain, la coopération douteuse, justement parce qu’ils sont dépourvus des qualités capables de désarmer leur rancune, si elle était suscitée. On assiste dans cet ordre d’idées à des compromis incroyables, dont la base est toujours, même chez les plus honnêtes gens, la crainte respectueuse des individus assez habiles et hardis pour garder en main le manche du couteau et s’en servir sans scrupules.
La moralité politique n’est pas cotée aussi bas dans tous les états de l’Europe, et même dans ceux qui semblent avoir désappris la signification du mot on compte encore de nombreuses exceptions. Mais il serait puéril de s’illusionner. La masse des classes dirigeantes a perdu toute droiture de jugement; elle manifeste une démoralisante indulgence pour les caractères sans scrupules, assez effrontés pour s’imposer au pays qui les connaît et pourtant—inconcevable faiblesse—se laisse gouverner par eux. Ce sont là, objectera-t-on, des contradictions inhérentes à la politique de toutes les époques. On a vu, malgré ses crimes abominables, César Borgia inspirer à Machiavel un singulier enthousiasme, et l’on pourrait multiplier les exemples de ce genre. Oui, mais César Borgia était un criminel aux grandes lignes, et Machiavel avait au moins la bonne foi d’ériger ouvertement en principe la suprématie de l’habileté sur les lois morales. Ensuite, sous les anciens régimes il n’était pas facile de réagir; les protestations étaient forcément silencieuses et tout travail de réforme lent et secret, tandis qu’aujourd’hui la parole est libre, l’opinion publique a mille manières de s’affirmer... On n’a plus aucune excuse pour subir le joug des coquins habiles, rien ne force à subir leur audace effrontée; il n’y aurait qu’à vouloir réagir et il suffirait aux honnêtes gens de se mettre d’accord pour les reléguer dans la catégorie des quantités négligeables et leur fermer des situations qu’ils sont indignes d’occuper. Mais cet effort de volonté, nul ne le fait. Et pourtant les coquins sont en minorité. Leur triomphe ne s’explique que par la complicité des cœurs vacillants qui, tout en se disant honnêtes, admirent chez autrui le mal qu’ils n’ont pas le courage de faire eux-mêmes.
Dans la famille également ces tristes inconséquences se retrouvent, même dans celles où les saines théories sont en apparence le principe inspirateur de la vie. On dirait que la justice a déserté les foyers; là aussi l’homme s’incline devant le mal. Certains défauts le dominent; l’égoïsme est une arme que sa lâcheté respecte; il n’en aperçoit plus la triste vulgarité. L’adresse également le gouverne, le séduit et le bien n’exerce plus intrinsèquement aucun prestige sur son âme. Il y a, évidemment, des exceptions. Mais pour juger d’une tendance, c’est la généralité qu’il faut considérer. Or, dans la généralité des familles, aucun hommage n’est rendu au bien; la prépondérance appartient presque toujours à la force égoïste. Si l’on descendait aux détails, il y aurait à citer d’innombrables exemples, dans lesquels chacun reconnaîtrait les erreurs d’évaluation qu’il a commises envers les siens ou dont il a été victime.
L’égoïsme est tellement respecté, caressé, qu’on entend de fort religieuses personnes regretter de ne pas en être suffisamment pourvues. Partout on lui élève un piédestal comme à une source certaine d’avantages et de fortune; il faut, bien entendu, que cet amour immodéré de soi ne s’exprime pas trop brutalement, qu’on le décore et qu’on l’enveloppe de prétextes menteurs... C’est à quoi excellent les femmes; les hommes, plus maladroits, ont une manière crue et dépouillée d’artifices de manifester leurs exigences qui froisse le goût et mêle un peu de révolte aux concessions qu’on leur fait.
La violence de caractère réussit également à s’imposer comme une force dans les rapports intimes. C’est une puissance qui mérite des égards. Si une discussion survient, s’il y a un jugement à porter, une situation à définir, qui sont d’ordinaire les sacrifiés? A qui les parents, les sœurs, les frères donnent-ils tort la plupart du temps? Presque toujours à ceux qui ont raison. Avoir raison présuppose l’existence de qualités qui empêcheront leurs possesseurs de réagir désagréablement contre le manque d’équité dont ils sont victimes. Cette démoralisante injustice, qu’on décore du nom de prudence, a perdu plus d’âmes que les conseils corrupteurs de tous les Méphistophélès passés, présents et futurs. Élevés dès l’enfance à cette école d’immoralité pratique, qu’y a-t-il d’étonnant à ce que nos contemporains aient perdu la notion exacte du bien et du mal? Le docteur Faust, aujourd’hui, n’aurait plus besoin de son maître; ils se suggestionnerait lui-même. Le mal a cessé d’être la tentation suprême, le péché fascinant dont parlaient nos pères et auquel on cédait par entraînement ou par folie, c’est une arme de combat dont il faut apprendre à se servir. On raisonne sur sa justesse et sa portée, et, lorsqu’elle touche juste, chacun s’écrie: «Quel beau coup!»
⁂
Si un pareil état d’esprit devait durer, le bouleversement d’idées qu’il finirait par amener est incalculable. Les contradictions où l’on vit aujourd’hui ne peuvent se prolonger sans avoir pour conséquence fatale la modification des principes moraux, puisque ces principes ne correspondent plus à la réalité des sentiments. Cette modification serait l’écroulement de l’édifice sur lequel la société chrétienne est fondée.
Pour empêcher ce désastre, et avant que les cœurs et les esprits ne s’égarent irrémédiablement, ceux qui se rattachent encore aux croyances religieuses ou simplement éthiques devraient se demander où la route qu’ils suivent va logiquement les conduire. Si l’homme continue à contredire par sa vie tous les principes qu’il prétend accepter, il arrivera de degré en degré à ne plus concevoir comme possible la réalisation du bien, ce qui équivaudrait à la disparition définitive de l’idéal et à l’établissement d’un seul règne: celui de la force et de la ruse. Or, quels que puissent être les égarements de la pensée moderne, beaucoup de consciences se sentiront troublées devant la possibilité d’un pareil résultat. Assez de ressources existent encore dans les âmes pour qu’elles se réveillent du long sommeil où elles se sont attardées et reprennent à la face du monde le rôle que le plan divin leur assignait. Le courant d’idéalisme qui se reforme en ce moment aidera leurs efforts. «Partout, des hommes qui cherchent et qui pensent, tentent de soulever la chape de plomb sous laquelle l’humanité ne peut plus se résigner à vivre[4].» Mais il faut que les croyants se hâtent et ne laissent pas s’enfuir l’heure présente sans répondre à son appel.
La science de la vie devrait consister à donner à chaque chose sa valeur réelle; c’est le secret des existences équilibrées. Or, la génération actuelle a perdu le sens des appréciations justes; ceux mêmes qui ont conservé subjectivement un tact délicat ne le possèdent plus objectivement. L’instinct a pu rester bon, le jugement s’est obscurci; l’intellectualisme trop développé a amorti la puissance des impressions intérieures d’où sortaient ces impulsions d’enthousiasme ou d’indignation, qui, en se cristallisant, formaient l’essence des appréciations individuelles. Le premier devoir des esprits sincères et droits, après s’être mis en face de la vérité et avant de songer aux autres obligations qui leur incombent, est donc de revenir, ou, pour mieux dire, d’arriver—car les préjugés d’autrefois égaraient eux aussi le jugement—à la notion exacte des choses qui méritent ou déméritent le respect.
Ce travail ne pourra être que lent; les opinions fausses, une fois absorbées, sont difficiles à déraciner, même lorsqu’on en a reconnu l’inanité; il y a telle habitude intellectuelle qui offre plus de résistance qu’une conviction. Cependant les procédés à suivre sont des plus simples. Il suffirait de se poser à soi-même une question d’une formule enfantine: «Crois-je au bien et au mal?» La réponse est-elle négative? On appartient à une catégorie morale à laquelle ces pages ne s’adressent pas. Est-elle affirmative? On est mis en face des contradictions où l’on vit. En effet, croire au bien, le considérer en théorie comme le but suprême de la vie, le chemin de l’au-delà, et ne pas l’adorer dans toutes ses manifestations, c’est démentir et renier ses croyances, c’est être inconséquent au dernier degré. Croire au mal, voir en lui le perturbateur des destinées de l’homme, la force mauvaise qui, l’éloignant de Dieu, lui ferme les portes du bonheur et n’avoir pour ses manifestations ni répugnance ni mépris, est tout aussi profondément illogique.
Un être pensant, qui se croit fait à l’image de Dieu, a-t-il le droit du reniement, de l’inconséquence et de l’illogisme? S’il s’arroge ce droit, il manque à tous ses devoirs: devoirs vis-à-vis de son Créateur, devoirs vis-à-vis de lui-même. Et, ce qui est mal pour lui, est également mauvais pour autrui. Il est responsable de l’impression que sa manière d’agir et de juger produit sur son prochain, des bonnes intentions qu’il décourage et des mauvaises actions qu’il protège. Plus son autorité personnelle est grande, plus son influence démoralisante est considérable. Tuer le corps n’est rien, aider à perdre une âme, voilà le crime irrémédiable, si nous en croyons le Livre dans lequel les notions de morale de la société actuelle sont puisées. En refusant aux choses bonnes l’estime à laquelle elles ont droit, on les amoindrit aux yeux de ceux qui essayent de les réaliser, on jette dans les esprits un doute sur l’imprescriptibilité du devoir, et ce doute est souvent mortel dans ses effets; en assurant au mal, dans ses plus basses et médiocres manifestations, une impunité qui a toutes les apparences d’une justification, on s’en rend complice. Les cœurs timorés, les volontés hésitantes, qu’un reste de scrupule aurait peut-être ramenés dans la voie droite, s’en éloignent définitivement, convaincus qu’on peut marcher à l’aise sur la grande route battue où le vice étale ses laideurs et obtient ses victoires.
Mais, dira-t-on, ces causes-là sont secondaires, l’homme ne relève que de Dieu et de sa conscience; l’approbation du monde doit lui être indifférente. S’il agit en vue de l’obtenir, s’il recule par peur de la perdre, tout mérite disparaît, et une honorabilité de conduite fondée sur de pareilles bases n’aurait aucune valeur intrinsèque. Ce point de vue sonne très haut, mais il y a un fait certain, dont il est impossible cependant de ne pas tenir compte: la sympathie humaine est indispensable à l’individu.
Tous les hommes n’ont pas la force d’être des solitaires; l’émulation est bonne, l’encouragement salutaire, et l’estime d’autrui, quand elle est due à la réalité d’un développement moral, est un privilège dont nul n’a le droit de priver son prochain. Il faut avoir l’âme très fortement trempée pour résister à l’amer découragement dont les gens de bonne volonté sont saisis devant la dédaigneuse indifférence de leur entourage pour ce qui leur a coûté quelquefois de suprêmes efforts. Ne pas avoir pour le bien les égards qu’il mérite, c’est se charger de lourdes responsabilités auxquelles échapperont les matérialistes, les athées, ceux qui ont du moins le courage de ne pas inscrire hypocritement sur leurs drapeaux le nom de Dieu.
Épargner le mépris ne suffit pas: quelque chose de plus actif est demandé aux consciences droites et croyantes. Elles ont le droit de créer autour d’elles une atmosphère de sympathie, d’admiration et de respect pour ceux qui essayent de réaliser le bien dans leurs pensées et dans leurs actions. Chacune de ses manifestations devrait être l’objet d’égards spéciaux, supérieurs à ceux qui se rendent aux autres éléments de puissance et de force. Tant qu’on ne le comprendra pas, on sera dans le faux et on échafaudera dans le vide. Apprendre à donner à chaque chose sa valeur réelle, c’est la leçon qu’il faut épeler. Tout ce que la terre offre et tout ce que l’homme possède provient de Dieu; dédaigner un seul des dons du Créateur serait déformer la pensée divine, mais certains de ces dons doivent avoir la dernière place, d’autres méritent la première. L’équitable distribution de son estime est donc un des premiers devoirs de l’homme; sa légèreté est si grande qu’il n’y pense jamais, et il devrait, au contraire, y penser toujours et se demander dans chaque circonstance si ses évaluations sont justes. C’est nécessaire pour lui et pour les autres; le cœur humain est si faible, ses tentations sont si grandes, tant de chutes inattendues et incompréhensibles viennent le troubler, qu’il lui faudrait sentir, du moins, que la conception du bien est demeurée intacte dans les consciences chrétiennes, et qu’elles se réjouissent de toutes les victoires morales.
Les femmes—si préoccupées d’augmenter leur part d’influence dans le monde et qui ont largement contribué à dévoyer l’opinion—pourraient exercer aujourd’hui, en sens opposé, une action efficace. Elles ont plus de temps pour la réflexion que les hommes; leur genre d’esprit les porte davantage aux examens de conscience et aux évaluations morales. Si celles qui sont animées de bonne volonté et possèdent un esprit droit se donnaient pour mission de réparer le faux courant d’appréciations dont elles sont en partie responsables, il ne résisterait pas longtemps. Chacune, en son particulier, est capable de contribuer à l’œuvre commune, si restreint que soit le cercle où elle se meut. Les femmes que leur personnalité ou leur situation mettent en vue peuvent faire davantage que les autres; mais toutes doivent apporter leur contingent à ce travail de réparation et choisir la famille pour premier champ d’action. Après avoir appris à leurs enfants à honorer, avant toute chose, la pratique du bien et en avoir ainsi développé le culte dans leur cœur, il sera facile aux mères d’enseigner indirectement la même leçon au reste de leur entourage. Ce serait là une levée de boucliers devant laquelle les plus féroces adversaires du type amazone, sous toutes ses formes, s’inclineraient respectueusement.
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Mais pour retrouver et rendre aux esprits qui l’ont perdue la faculté des appréciations logiques et équitables, il ne suffit pas d’enseigner l’amour du bien, il faut en même temps désapprendre l’admiration du mal. Ces deux leçons seront la conséquence l’une de l’autre,—le respect d’un élément amenant naturellement la répugnance pour l’élément contraire,—mais il y a malheureusement des plis intellectuels qui échappent longtemps au joug de la logique. Le premier effort doit être celui d’écarter de ses jugements toute préoccupation du succès final des choses pour n’envisager que la bonté ou la légitimité des moyens employés; et lorsque l’on aura acquis la conviction qu’une action ou une manière de penser est mauvaise, avoir honte de l’admirer, même si elle a servi à gagner la bataille.
Si on respecte le mal, si on le caresse, comment prétendre aimer le bien? Il ne s’agit pas ici de l’entraînement des passions—on peut en subir l’attrait, tout en détestant dans sa conscience les fautes, les compromis, les mensonges inévitables où elles jettent—mais de cette plate déférence pour les éléments les plus bas de la vie, qui forme l’essence morale d’un grand nombre d’esprits du temps présent.
De même qu’il faut créer pour le bien une atmosphère de sympathie, il est nécessaire de créer contre le mal une atmosphère de mépris où il se sente mal à l’aise. Le besoin d’estime est l’un des plus puissants qui existent—on le constate même chez les natures dégradées—et il y a là un moyen efficace d’action que les honnêtes gens ont le devoir d’exploiter. Lorsqu’il sera bien entendu que certaines façons de penser et d’agir apportent impitoyablement avec elles le discrédit, beaucoup d’âmes, plus faibles que mauvaises, changeront de route.
Ce sera là peut-être un résultat sans élévation vraie, mais dans la pratique de la vie tout progrès, à ses débuts, est relatif. Se rendre compte que l’estime n’est accordée qu’à certaines conditions, c’est commencer à comprendre la valeur des lois morales. Entre comprendre une vérité et l’accepter, le chemin à parcourir est long, mais là où l’œuvre de l’homme finit, celle de Dieu commence.
Le devoir de cultiver en lui la répugnance pour toutes les manifestations du mal, ne doit pas transformer l’homme en juge implacable de son prochain. Au contraire, il ne peut avoir assez de pitié et de pardon pour les fautes commises par passion, entraînement ou violence; c’est la corruption vicieuse, calculée et voulue qu’il faut condamner sans rémission. Comme contrepoids à cette sévérité d’appréciation, et enfin de la rendre réellement efficace, une réforme mentale s’impose; une place qui lui a été toujours refusée doit être accordée au repentir[5]. L’Évangile parle clairement à ce sujet; la rectitude instinctive tient le même langage. L’homme tombé peut se réhabiliter, et la société possède la faculté de lui accorder cette réhabilitation. Les cieux eux-mêmes se réjouissent lorsqu’un pécheur se repent; c’est le repentir qui a ouvert à la Péri les portes du paradis; mais dans le monde cruel où nous vivons, les poètes seuls ont donné à ce sentiment la place qui lui revient:
Peut-être qu’en restant bien longtemps à genoux,
Quand il aura béni toutes les innocences,
Puis tous les repentirs, Dieu finira par nous[6].
Les pages qui précèdent peuvent se résumer en quelques mots: Si les vertus les plus hautes ont subi jusqu’à l’amertume la tentation du découragement, ceux qui pratiquent ces vertus sont en partie responsables de cet attristant résultat. «La force est la reine du monde»; or, malheureusement, le trait caractéristique des êtres bons est justement aujourd’hui de manquer de force. Le sommeil qui s’est appesanti sur les âmes en a tari les sources vives, elles subissent une mort anticipée qui empêche tout magnétisme de se dégager d’elles et de se faire sentir au dehors, et, sans la magie de la force, aucune idée ne s’impose. Il ne suffit pas que la puissance soit intérieure, il faut qu’elle soit apparente: le devoir est donc non seulement d’être fort, mais de se montrer fort.
C’est là souvent une qualité naturelle; ce peut être aussi une vertu acquise. Cette fascination du mal que l’humanité subit a sa raison secrète; l’homme a cherché la force dans les éléments mauvais, parce qu’il ne la trouvait point ailleurs. On ne saurait assez le répéter, la faiblesse des gens de bien est une des causes du discrédit où les vertus sont tombées. Aucune flamme n’anime ces cœurs respectables, aucun souffle ne les emporte... C’est comme si la régularité de leur existence les avait écrasés dans un engrenage de machine. La plupart des honnêtes gens, il y a évidemment de nombreuses exceptions, ont peur de tout, même d’exprimer leur opinion; il est donc naturel que la platitude de leur conduite ait engendré le dédain du monde.
Être bon ne doit pas signifier être faible, le mot dévoué ne doit pas être le synonyme de dupe; rien de ce qui affaiblit n’est salutaire. Le bien c’est la vie, or la vie ne peut ressembler à la mort. Certaines croyances devraient donner à l’homme un sentiment d’assurance et de calme qui le rendrait fier et libre vis-à-vis des autres et ferait de sa présence un honneur pour tous. Un peu de fierté est salutaire, non au point de vue des distinctions sociales, mais à celui de ce que chacun doit à ses sentiments et à ses idées. Il existe des êtres rares qui ne formulent jamais de pensées médiocres, dont aucune puérilité n’occupe l’esprit; tous ne peuvent planer comme eux à la façon des aigles, mais tous peuvent regarder vers les hauteurs et acquérir ce sentiment de dignité et de force paisible qui est aux autres vertus ce que le sel est aux aliments. Le jour où ceux qui croient à la réalité de forces supérieures et bienfaisantes comprendront que devenir fort est le premier de leurs devoirs et où ils mettront dans le bien cette part d’orgueil humain dont ils ne pourront jamais se débarrasser complètement en ce monde, ce jour-là le bien prendra du prestige aux yeux des hommes et leur admiration cessera de s’égarer sur d’indignes objets.