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L'ŒUVRE POÉTIQUE DE VICTOR HUGO
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L'ODE
Victor Hugo a ramené lui-même à quatre formes de poésie, ou, si l'on veut, à quatre inspirations tous les vers qu'il a pu écrire. La classification s'impose à nous.
Il compare l'idéal à une croix immense dont les extrémités forment les quatre angles des cieux. Il personnifie la pensée dans l'aigle à quatre ailes; chacune de ses ailes a un nom: ode, drame, iambe, épopée. L'âme du poète ressemble à un sonore instrument dont les cordes sont agitées tour à tour par des souffles venus des quatre points de l'horizon. Chacun de ces «vents de l'esprit» produit une harmonie distincte et donne ainsi naissance à un genre spécial, et toute poésie est lyrique, ou dramatique, ou satirique, ou épique. Parfois pourtant deux souffles se mêlent, et l'œuvre est alors, comme il arrive si souvent chez Hugo, lyrique et satirique en même temps (les Châtiments, les Contemplations), ou dramatique et épique à la fois (les Burgraves). Et le rêve du poète, qui vécut vingt ans au seuil des tempêtes, c'était de rivaliser avec l'ouragan, de faire chanter toutes les voix de l'espace dans un seul écrit, d'inaugurer un concert tout-puissant où résonnât «toute la lyre.»
De ces quatre vents de l'Esprit, celui qui le premier a fait frémir l'âme de Hugo, c'est le souffle lyrique. C'est par le chant que le poète de vingt ans a débuté, et l'on peut dire que ce lyrisme, qui s'est épanché à flots dans les Odes et Ballades, les Orientales, les Feuilles d'automne, les Chants du Crépuscule, les Rayons et les Ombres, n'a pas cessé de circuler à travers ses autres écrits. Drame, satire, épopée, tout genre poétique dans Hugo est soulevé, transposé, superbement dénaturé par une émotion, par un ébranlement d'images et d'idées qui appartient plus proprement à l'Ode. Hernanie ne vit pas seulement, il vibre; la satire des Châtiments n'est pas empennée comme une flèche qui vole à peine jusqu'au but; elle a l'aile des oiseaux de mer; elle plane au-dessus des flots et des écueils; elle surgit, vers le zénith, dans la lumière. En l'épopée de la Légende des siècles n'est-elle pas traversée de musique comme une tragédie d'Eschyle ou une comédie d'Aristophane? Rappelez-vous la sérénade de Zéno, la chanson des Aventuriers de la mer, et le Romancero du Cid Rodrigue de Bivar.
Hugo, toute sa vie, a été un lyrique; mais, au début de sa carrière poétique, il l'a été plus exclusivement. Dès son premier recueil de vers, il prétendait renouveler le genre, et il avait quelques droits à cette prétention. Dans sa préface datée de décembre 1822, il indique très justement pourquoi l'ode française est restée monotone et froide. C'est qu'elle est toute faite de procédés, de moyens, pour ainsi dire, extérieurs. On y prodigue l'exclamation, l'apostrophe, la prosopopée. «Asseoir la composition sur une idée fondamentale» tirée du cœur et des entrailles du sujet, «placer le mouvement de l'ode dans les idées plutôt que dans les mots,» rejeter comme des oripeaux usés, fripés, les vaines ressources d'une mythologie que l'on avait cessé d'interpréter, et y substituer l'expression d'un sentiment religieux moins profond qu'exalté, mais moderne du moins, et, par certains côtés, sincère, telle était, dans ses traits essentiels, la doctrine poétique professée, je ne dis pas inventée, à vingt ans par le précoce auteur des Odes.
LES ODES ET BALLADES
Les Odes et Ballades marquent une date illustre dans l'histoire des lettres françaises.
La préface de 1822 contient ce mot qui est à lui seul toute une poétique: «La poésie c'est tout ce qu'il y a d'intime dans tout.» Ce premier recueil des Odes se réduit en effet à l'expression de quelques sentiments personnels, à la traduction de certains états d'âme. L'enthousiasme pour la cause royaliste s'exhale dans les pièces qui ont pour titre la Vendée, les Vierges de Verdun, Quiberon, Louis XVII, le Rétablissement de la statue de Henri IV, la Mort du duc de Berry, la Naissance du duc de Bordeaux, les Funérailles de Louis XVIII, le Sacre de Charles X. A relire tous ces morceaux de circonstance, il semblerait que l'ambition du jeune auteur fût d'être adopté comme un héraut du trône aux fleurs de lis, et qu'il y eût surtout en lui l'étoffe d'un «poète-lauréat.» On trouve même qu'il va loin dans cette voie de la louange; et si on l'excuse de définir en ces deux vers la carrière de «Buonaparte»:
Il passa par la gloire, il passa par le crime,
Et n'est arrivé qu'au malheur,
on ne peut guère s'expliquer qu'il arrache à l'usurpateur déchu le prestige de la victoire pour en décorer, à l'occasion d'une promenade aux frontières, le moins belliqueux des Bourbons.
Un catholicisme mystique anime et colore à des degrés divers le dialogue de la Voix et du Siècle qui a pour titre Vision, l'ode intitulée La Liberté avec l'épigraphe Christus nos liberavit, le Dernier chant, qui contient ces vers souvent cités:
Le Seigneur m'a donné le don de sa parole.