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Introduction
ОглавлениеVers 1840, Edgar Allan Poe, poète et romancier américain, commençait à devenir célèbre dans son pays.
Peu de temps après, sa renommée parvint dans le nôtre et voici selon Barbey d’Aurevilly et Remy de Gourmont les circonstances qui révélèrent le nom de Poe en France.
« En 1846, une adaptation du conte d’Edgar Poe, The Murders of the Rue Morgue, donnée comme une production originale, quoique non signée, parut dans la Quotidienne, sous le titre de l’Orang-Outang. Peu de temps après, le Commerce publiait, en lui rendant son vrai titre, une traduction intégrale du même conte : ce traducteur, qui avait signé Old-Nick, était E.-D. Forgues, qui devait, le 15 octobre suivant, faire connaître Edgar Poe par une étude donnée à la Revue des Deux Mondes. Il y eut procès, ou du moins querelle, entre les deux journaux et le nom de Poe fut écrit pour la première fois en France... Ce fut le commencement de sa gloire européenne : il y a presque toujours, au début des grandes renommées littéraires, même les mieux justifiées, un scandale, un procès, un bruit extérieur à l’œuvre. C’est pourquoi on peut retenir avec indulgence et même avec reconnaissance le nom du premier traducteur ou arrangeur d’Edgar Poe. C’était une dame Isabelle Meunier, femme d’un publiciste scientifique, né en 1817. Madame Meunier devait donc être toute jeune lorsqu’elle eut l’heureuse idée de traduire le Double assassinat. Elle continua à faire connaître à un public d’ailleurs peu enthousiaste, les plus curieux contes de Poe jusqu’au moment où Baudelaire s’empara du grand écrivain dont il devait être le collaborateur autant que le traducteur.
« Baudelaire qui n’avait pu lire l’Orang-Outang sans ressentir une commotion singulière (lettre à Armand Fraine) suivit la querelle et dès qu’il connut le nom de Poe s’enquit de ses œuvres... C’est en juillet 1848, un an avant la mort de Poe, qu’il donna, dans la Liberté de penser, sa première traduction, Révélation magnétique. » (Remy de Gourmont, Promenades littéraires.)
« Les Histoires extraordinaires, publiées pour la première fois dans le Pays, en feuilletons éparpillés, produisirent un effet de surprise que l’audace imprudente de leur titre ne put diminuer. Présenté au public français par un traducteur de première force, Charles Baudelaire, Edgar Poe cessa tout à coup d’être, en France, le grand inconnu dont quelques personnes parlaient comme d’un génie mystérieux et inaccessible à force d’originalité. Grâce à cette traduction supérieure qui a pénétré également la pensée de l’auteur et sa langue, nous avons pu aisément juger de l’effet produit par l’excentrique Américain. L’étonnement fut universel. » (Barbey d’Aurevilly, Les Oeuvres et les Hommes.)
Il nous paraît impossible en parlant de l’œuvre de Poe d’en séparer Baudelaire.
« La biographie de Poe n’est plus à faire, déclare Stéphane Mallarmé. Qui avec lui n’admire le suprême tableau à la Delacroix, moitié réel moitié moral, dont Baudelaire a illustré la traduction des contes, ce chef-d’œuvre d’intuition française ? »
Nous avons donc cru ne pas pouvoir mieux faire pour présenter l’œuvre de Poe que de la laisser précéder de la préface de Baudelaire, dont nous donnons la plus grande partie. Nous y avons ajouté quelques renvois, notes provenant de recherches plus actuelles, prises sur des documents plus sûrs que ceux où puisa Baudelaire. À cette époque, en effet, la presque unique source d’informations était le Mémoire de Griswold. Exécuteur testamentaire de Poe, il trahit ignominieusement son ami en se faisant l’affirmateur des accusations d’intempérance et d’indélicatesse morale dont la rumeur publique avait chargé le malheureux Poe. « Il n’y a jamais eu dans la liste des hommes de lettres un biographe aussi méprisable que Rufus Griswold ; il n’y a jamais eu une aussi grande victime posthume que le pauvre Edgar Poe ! » Ainsi s’exclame le capitaine Mayne Reyd, dont le nom est populaire parmi les lecteurs français, et qui fréquentait chez Poe à Philadelphie. Baudelaire, qui avait senti tout ce qu’il y avait de mensonger dans la biographie de Griswold sans que toutefois lui fût révélée toute l’infamie du biographe, s’efforça courageusement de défendre la mémoire de Poe. Après lui, beaucoup de ceux qui connurent Poe apportèrent leur témoignage à l’œuvre de réhabilitation morale que Baudelaire avait entreprise, et aujourd’hui il est avéré que les accès d’intempérance dont Poe se rendit coupable furent rares et causés par les souffrances d’une misère profonde et de tragiques préoccupations.
Edgar Poe, Les plus beaux contes, traduction de Ch. Baudelaire, Paris, les Éditions G. Crès, et Cie.