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CABINET DE TRAVAIL
OPÉRA

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Mademoiselle Arnould (Sophie). – Fragment de mémoires autographes que j'ai donnés dans ma «Sophie Arnould» publiée chez Dentu en 1877.

Lettre autographe signée, à la date du 13 floréal an IX, où la chanteuse, déjà bien malade, écrit gaiement «qu'elle travaille à raccommoder son cuvier».

«Arnoldiana, ou Sophie Arnould et ses contemporains… Paris, 1813.»

Mademoiselle Bon10. – «Discours d'un ancien avocat général dans la cause du comte de (Suze) et la demoiselle (Bon), chanteuse de l'Opéra. Lyon, chez Sulpice Grabit, 1772.»

Il s'agit d'une obligation contractée en 1761 par le comte de Suze, au profit de la chanteuse, contrat de 50,000 livres, contre lequel le comte prenait des lettres de rescision.

Mademoiselle Camargo. – «Éloge de mademoiselle Camargo.» (Tiré du Nécrologe.)

Mademoiselle Cartou. – «Lettre de M. le Président D… à mademoiselle Cartou au sujet du code lyrique.»

Mademoiselle Carville. – «Sommaire signifié pour messire Jean Guillaume de Mazens, comte d'Arquian, chevalier des ordres royaux, militaires et hospitaliers de Notre-Dame de Mont-Carmel et de Saint-Lazare de Jérusalem, appelant contre Marie-Louise-Thérèse Carville, ci-devant danseuse à l'Opéra, intimée.»

Réclamation, par voie de rescision, du sieur d'Arquien contre deux contrats de rentes viagères de 600 livres chacun, «arrachés à la faiblesse du réclamant, dans le temps où la danseuse avait un pouvoir absolu sur son esprit», déclarant ledit réclamant, que «si la demoiselle Carville a eu des complaisances pour lui, elle a été payée par l'usage et la consommation de plus de 40,000 livres qu'il avait en effets».

Mademoiselle Coupée. – «Requeste présentée à Momus par les demoiselles Coupée et Desgranges, actrices de l'Opéra, tant pour elles que pour celles de leurs compagnes, qui se trouvent dans le cas de l'article XX du code lyrique ou règlement pour l'Opéra, imprimé au mois de juin 1743.»

Facétie faisant allusion au cas des requérantes, et commettant le sieur Soumain, le seul et unique accoucheur de l'Opéra, qui sera appelé à déclarer s'il doit être sursis aux exercices des requérantes.

Mademoiselle Dervieux. – Petite biographie manuscrite trouvée dans les papiers de Sophie Arnould.

– Une lettre autographe signée, adressée à madame Lacoste, dans laquelle elle dit:

«Madame et bien bonne amie, votre charmante lettre m'a fait éprouver le premier sentiment de plaisir que j'ai goûté depuis plus de huit mois. Une longue et cruelle maladie, suite des soins et des peines que Bellanger s'est donnés à l'occasion du mariage de M. le duc de Berry, l'a mis aux portes de la mort. Une fièvre catharale, bilieuse, quotidienne, etc., lui a fait garder le lit pendant trois mois; une rechute très grave et à sa suite une convalescence très longue, que le temps retardait encore, nous donnait encore les plus vives inquiétudes. Enfin, le ciel a exaucé mes vœux et je n'ai plus que des grâces à lui rendre pour le mieux sensible qu'éprouve mon mari…»

Le mari dont elle parle, est l'architecte Bellanger, l'ancien amant de Sophie Arnould, que la Dervieux lui avait enlevé.

La Duthé11. – Quatre lettres autographes, signées de la Duthé de 1786 à 1800, au banquier Perregaux.

Une danseuse appartenant plus à la grande prostitution qu'à l'Opéra12; une figure de courtisane dont j'étais tenté de faire, un jour, un médaillon, et sur laquelle j'avais réuni des notes, des lettres, des fragments de sa vie galante.

Un buste de Houdon (vu chez M. Miallet au mois de mars 1865) nous fait revoir, en un marbre de Paros, ses paupières lourdes, sa petite bouche en forme d'arc, son ovale grassouillet aux fossettes souriantes, sa figure ingénieusement bebête sous le désordre de cheveux, où un repentir se mêle à une coiffure grecque, et encore un bout de sein s'échappant d'une dentelle de chemise, maintenue par une bandelette, et un morceau de bras nu, sur lequel le sculpteur a posé un papillon.

Un tableau de la vente de la duchesse de Raguse (décembre 1857) nous la représente d'une manière plus intime. Près d'un bonheur du jour, sur lequel repose un petit Amour en marbre blanc, un doigt sur la bouche, sur une ottomane bleu de ciel, chargée de livres de musique, la Duthé est agenouillée d'un genou, en train d'accrocher un tableau sous le dais d'étoffe du canapé. La courtisane est toute blanche, un fichu de gaze autour du cou, et habillée d'un pierrot blanc aux petites basques retroussées et sans manches, et noué lâchement par de larges rubans d'un violet pâle, dénoués sur la poitrine. Elle a des bas avec deux raies cerise, et des souliers jaunes aux talons rouges. Ses cheveux, dans lesquels est piqué un nœud de ruban blanc, libres et flottants, semblent blonds sous leur œil de poudre, et on lui voit des sourcils châtains, des yeux noirs brillants et sourieurs, un petit nez au méplat charnu, une bouche retroussée, un front très bas13.

Or ce portrait de la vente de la duchesse de Raguse venait de son père, qui était le banquier Perregaux, de chez lequel, vendus autrefois à la livre, sont sortis les seuls documents qu'on ait sur l'existence de la maîtresse du comte d'Artois: les lettres que la Duthé écrivit à son tuteur pendant son long séjour en Angleterre.

O le curieux contraste entre l'élégante apparition de ce marbre, de cette toile, et la teneur et l'orthographe des lettres de la femme représentée!

Ce que vous ne voudrés pas croire, écrit-elle au mois d'avril 1786, lors de son passage en Angleterre, c'est que je suis viairge, depuis que j'ai quitté Douvre… Malgré toute la foule de courtisans, je suis très sage, je vous jure, et ne veux prendre personne jusqu'à nouvel ordre…

Dans cette traversée, prend cependant naissance la grande liaison de la Duthé avec sir Lée, et j'ai eu entre les mains la lettre où elle parle «d'un jeune benêt d'Anglais qui lui tient la tête et qu'elle a appris être très riche». Mais, sur cette liaison, donnons les notes que j'ai pu copier sur un mémorandum, fourni par M. Henry Pimberton, parent de M. Lée:

Liaison de la Duthé et de Lée, née sur le bateau de Calais à Douvres. Lée soigne la Duthé, quoique malade lui-même. Liaison qui finit deux ans avant le retour de la Duthé en France. Sans doute, la Duthé descendit à Londres chez M. Lée qui demeurait Dover-Street.

Grand train de la Duthé. Revenu de non moins de cent soixante mille francs. L'éclat était pour elle tout, la simplicité rien. Livrée bleu et jaune. Toilette extravagante, robes extravagantes, jusqu'à huit jupes. Recherche de grands laquais, – peu importait le service, – mais de six et même de sept pieds. Son luxe, quatre grands escogriffes derrière son carosse; elle! vêtue de toutes les couleurs de l'arc-en-ciel 14 , souriant aux passants, ce qui dépitait Lée qui était très jaloux.

Elle voulut recevoir la haute aristocratie, mais certains refus, particulièrement du duc de Richmond, la dégoûtèrent de la ville, et pour la première fois elle alla passer six mois dans la campagne de M. Lée, où elle s'ennuya à la mort. Un jeune homme la consola; amourettes et rendez-vous pendant la chasse de Lée.

Elle revint à Londres et se mit en quête d'un autre entreteneur. Séduisit Sir Busham, un des plus nobles et des plus élégants cavaliers de Londres. Il lui donna une parure de diamants de 75,000 francs, six grands laquais, voiture, etc. Ça ne dura pas longtemps. Elle se mit à dépenser les restes de la générosité de Busham, soutenue d'ailleurs par ses revenus de France. Tantôt caprice avec un grand seigneur, tantôt avec un valet, Maison Clarges-Street. Grande prodigalité. Logeait dans sa maison trois ou quatre compatriotes, particulièrement une M lle Aurore, ancienne danseuse. Allait à l'Opéra et aux petits spectacles, quoiqu'elle ne comprît qu'imparfaitement la langue anglaise. M. Parks, peintre anglais distingué, fit son portrait, mais il le reprit, n'étant pas payé.

Le pied très mignon. Elle passait pour avoir une dent postiche, en ayant perdu une dans une rixe, à la suite d'une orgie, mais elle était si bien mise qu'on ne s'en apercevait pas. Le visage assez joli, mais les traits sans mobilité. Pas bête, mais l'esprit commun et n'excellant qu'à dire des grivoiseries, dont aurait rougi une fille du Ranelagh. Elle s'amouracha de Kemble au beau profil, qui la dédaigna; alors elle se consola avec un petit musicien d'Hay-Market, nommé Lewis.

Ce séjour en Angleterre, la Révolution et ses terreurs le prolongèrent de longues années, et, au mois d'août 1789, la peureuse courtisane écrivait avec une orthographe plus affolée que jamais:

Mon cher tuteur, malgré le desir que j'ai d'aller vous voir, je ne me sens pas assé Brave 15 pour m'i resoudre avant que vous ne m'ayé assuré que je puis m'i rendre sans dangé… J'ai mendé à Sanville que, si l'on trouvois six milles louis de ma maison, je la vendrois de bien Bon cœur, c'est-a-dir Argen comtent. Adieu mon bon tuteur. Je dérésonn à force de peure 16

Madame Gardel. – «Notice sur madame Gardel, par Amanton. Dijon, de l'imprimerie de Trautin, 1793.»

Mademoiselle de Lécluse. – «Mémoire pour messire Jean Louis de Lestandart, chevalier, marquis de Bully, Defendeur. Contre Edme-Élisabeth de Lécluse, dite de Mereuil, ci-devant actrice de l'Opéra. Demanderesse.» Un mémoire dans lequel la ci-devant actrice de l'Opéra fait tout à coup apparaître sur la scène un enfant de dix-huit ans, dont elle rapporte l'honneur de la paternité au marquis, factum spirituellement troussé, et donnant l'historique vrai d'une liaison de théâtre de ce temps, avec le premier souper, l'évanouissement feint ou fortuit de la demoiselle, ses apparentes velléités d'entrer au couvent, et finalement la tromperie de l'entreteneur avec son intendant.

Mademoiselle Lemaure. – «Manifeste de mademoiselle Lemaure, pour faire part au public de ses sentiments sur l'Opéra et des raisons qu'elle a de le quitter», manifeste dans lequel elle se plaint «de l'emprisonnement injurieux et tortionnaire de sa personne ès-prisons du Fort-l'Évêque».

– «Lettre au sujet de la rentrée de la demoiselle Le Maure à l'Opéra, écrite à une dame de province par un solitaire de Paris… A Bruxelles, 1740.»

La lettre raconte plaisamment la notification de la chanteuse à son directeur par laquelle elle se consacre à la piété, ses succès aux Ténèbres, sa conversion par l'abbé B… ses combats entre la dévotion et ses anciens goûts, enfin sa défaite par le diable, et sa rentrée triomphale à l'Opéra17.

Mlle Pélissier. – «Mémoires-anecdotes pour servir à l'histoire de M. Duliz et la suite de ses aventures après la catastrophe de celle de mademoiselle Pélissier, actrice de l'Opéra de Paris, Londres, 1739.»

Roman peignant, avec des traits connus des contemporains, la rapacité de la grande chanteuse de l'Opéra.

Mademoiselle Petit. – «Recueil de pièces pour et contre concernant l'affaire de mademoiselle Petit, actrice de l'Opéra de Paris. A Cythère, de l'imprimerie de Vénus, 1741.»

A propos de la révocation de cette danseuse, qui s'était laissé surprendre dans sa loge par sa camarade, mademoiselle Jaquet, dans le moment où elle avait des complaisances, la toile levée, pour un quidam.

Mademoiselle Prévost. – Mémoire pour la demoiselle Prévost en réponse à celui de M. l'ambassadeur de Malte (copie manuscrite du temps).

Le premier de ces mémoires, où la verve de style d'un avocat dans une affaire scandaleuse, commence à amuser la Cour, la ville et les provinces, et qui nous montre le coup de cœur du chevalier de Mesme devant la danse de Fanchonette, et son entrée dans la pauvre chambre où errent quatre chaises et une bergame, et son offre de se charger des mémoires du rôtisseur et du cabaretier. Puis changement de décoration. Voici le chevalier de Mesme, bailli de Malte, ambassadeur, et aussitôt beaux habits, bijoux, avec meubles et vaisselle plate, et maison montée, dont un jour Fanchonette, devenue Mlle Prévost, prie, d'un air digne, le bailli d'en sortir.

Saint-Huberty. – Papiers de famille.

– Recueil de lettres adressées à son amant et plus tard son mari, le comte d'Antraigues.

Ces papiers et lettres doivent paraître dans une biographie de la Saint-Huberty, sous presse.

10

Je ne trouve pas ce nom dans les almanachs de théâtre. Je crois Mlle Bon tout simplement une chanteuse d'opéra de province. Serait-elle par hasard la fille d'une Hollandaise nommée Gertrude Boon, qui a dansé, dans le commencement du siècle, aux foires Saint-Laurent et Saint-Germain, et dont je possède un mémoire imprimé en cassation de mariage avec un mauvais chanteur de l'Opéra, fils d'un pâtissier, nommé Gervais?

11

Son vrai nom est Catherine-Rosalie Gérard. Les Mémoires turcs de Godard d'Aucour lui sont dédiés dans une épître ironique.

12

M. Hervey, très bien renseigné sur les choses du théâtre, la donne dans son catalogue d'autographes comme attachée à l'Opéra; pour moi, je n'ai trouvé son nom sur aucun état.

13

La peinture était attribuée à Mme Lebrun, mais je la crois plutôt d'un peintre anglais. La Duthé parle, dans une lettre à Perregaux, de l'envoi de son portrait que peint dans le moment un peintre anglais. Serait-ce le portrait de Parkes que signale plus loin sir Pimberton, et qu'elle se serait décidée à payer?

14

Cette affirmation est contraire à tous les témoignages français. L'élégance de sa toilette, la Duthé la cherchait dans une certaine simplicité, et l'on connaît la gageure qu'elle fit d'être la femme la plus remarquée à Longchamps en la mise la plus simple, et elle gagna avec une toilette faite dans de la toile à torchon.

15

Dans une autre lettre adressée à Perregaux, le 15 juillet, elle écrit: Mon cher tuteur, je comptois partire hier pour Paris, mes le courié nous a aporté des nouvelles si effreiantes que mon dépar est suspendu. Mendé-moi, je vous prie, tout de suite s'il y a du dangé pour les effets qui son dans ma maison. A ce cas, vous auriès la bonté de les mettre en lieux de surtée inci que mon arjeanterie. Recommandé bien à Sanville de ne pas trop s'absenter de la maison, et d'avoir soin de faire fermer les portes, je ne vous envoi pas aujourd'hui mon sertificat de vie, parce qu'on m'a dit que le payements des rente étoit suspendu…»

16

La Duthé mourut en France en 1826. (Voir le Figaro, octobre et novembre 1856.)

17

Une note perdue dans le Code de Cythère dit: «La célèbre et la divine demoiselle M… cette chanteuse sans parangon pour la voix, qui a fait les délices et l'admiration de tout Paris, dont le corps et la taille semblent avoir été moulés pour former une actrice inimitable et unique, passe chez elle son temps dans son lit; elle y mange, elle y boit, elle y gronde, et sûrement je ne dis pas tout. C'est la Cendrillon de M. Perrault.»

La maison d'un artiste, Tome 2

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