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LYSISTRATA.

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Quelle différence! l'homme, à son retour, eût-il des cheveux gris, trouve aisément une jeune femme. Mais la saison d'une femme est courte, et, si elle la laisse passer, elle ne trouve plus de mari, et reste assise, à consulter le sort…

La vérité de ce dialogue et de ces peintures n'est-elle pas admirable?

Battue par le raisonnement comme par les armes, la police se voit forcée de céder. Les femmes chantent victoire. Ensuite, par la bouche de leur coryphée, elles donnent à la ville d'utiles conseils. Et pourquoi pas? «Que je sois née femme, qu'importe? si je sais remédier à vos malheurs! je paye ma part de l'impôt en donnant des hommes à l'État!»

C'est là un argument très-sérieux, quoique jeté dans une comédie. Michelet ne dira pas mieux: «Qui est, plus que les mères, intéressé dans la société, où elles mettent un tel enjeu, l'enfant? Qui, plus qu'elles, est frappé par le désordre ou par la guerre[43]?»

Il a été souvent question en Angleterre et en France de conférer aux femmes le droit électoral. C'est une opinion qui a pour elle de graves partisans.—Le gouvernement de Moravie a décidé récemment que les veuves payant des impôts auraient à l'avenir le droit de voter dans les élections municipales[44].

Mais poursuivons notre analyse.

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Vainement les femmes ont vaincu les hommes, elles ne peuvent se vaincre elles-mêmes. La plupart d'entre elles, lorsqu'elles ont prêté le cruel serment exigé par Lysistrata, ne l'ont fait qu'à contre-cœur. L'occasion ne s'est pas encore présentée de le tenir, ce serment redoutable, et déjà elles ont des démangeaisons de se parjurer. Péripétie piquante et naturelle, tirée des caractères et des tempéraments.

Quelques-unes désertent: celle-ci sous prétexte d'aller visiter sa laine, qui se mange aux vers; celle-là, son lin à teiller; une troisième fait semblant d'être sur le point d'accoucher.—«Mais tu n'étais pas enceinte hier!—Je le suis aujourd'hui…»—Leur continence est sur les dents, hors de combat, avant la lutte. Lysistrata, l'intrépide générale, tient bon et ranime les moins défaillantes. «Vous regrettez vos maris! croyez-vous qu'ils ne vous regrettent pas? Je le sais, moi, ils passent des nuits cruelles[45]. Courage, mes braves amies, patientez encore un peu…»

En effet, bientôt, selon les prévisions de Lysistrata, les hommes arrivent, dans un état… que vous dirai-je? pitoyable, ou monstrueux? Comment vous indiquer la chose?… Il y a un ancien ballet, de Noverre, intitulé: l'Enlèvement des Sabines, dont le libretto contient l'indication suivante: «Ici les Romains témoignent par leurs gestes qu'ils manquent de femmes.» Eh bien! dans cette scène d'Aristophane, les hommes témoignent la même chose, mais de la façon la moins ambiguë.

En un mot, cette scène, d'un bout à l'autre, est une véritable phallophorie,—moins le sérieux qui pouvait, sous couleur de religion, faire passer les phallophories proprement dites.—Comme les matassins avec leurs seringues poursuivent M. de Pourceaugnac, les hommes ici, et les vieux tout d'abord, se mettent à poursuivre les femmes; et tous les jeux de scène sont indiqués, et l'on ne sait, des actions ou des paroles, lesquelles sont les plus cyniques.

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L'un d'eux se détache du groupe: c'est le pauvre Cinésias, mari de la gentille Myrrhine,—je dis gentille, quoiqu'elle aime le vin;—mais beaucoup de jeunes Anglaises l'aiment aussi, et n'en sont pas moins belles: seulement, au bout de quelques années, leur teint éblouissant se couperose, leur joli nez bourgeonne comme un printemps: le madère, le sherry et le porto s'y épanouissent en boutons; c'est le printemps de la laideur, après celui de la beauté.

Pour le moment, Myrrhine est à croquer.—Son mari est un homme entre deux âges, maigre comme le poëte Philétas de Cos, qui, dit-on, s'attachait des boules de plomb aux jambes, de peur d'être enlevé par le vent.

Ici commence entre le pauvre homme et son espiègle femme, stylée par Lysistrata, une scène très-comique, mais très-indécente. Elle est développée avec beaucoup d'art; mais, que cette scène et la précédente aient jamais été représentées sur un théâtre public, c'est ce qui peut à peine se comprendre, même lorsqu'on se rappelle la sicinnis et le cordax, origines de la comédie, et qu'on se figure ce que pouvaient être les chœurs de Chèvres et de boucs ou les Androgynes de Cratinos.

Voici quelques passages de cette scène capitale, qu'il est aussi difficile de citer que d'omettre, quand on est résolu à ne pas éluder l'étude sincère du grand poëte comique athénien.

Etudes sur Aristophane

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