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Fig. 25.
ОглавлениеDans les fouilles faites sous la direction de M. Samokvasov dans le gouvernement de Tchernigov (petite Russie au nord de Kiew), on a trouvé deux cornes de ces chèvres du Caucase appelées tours, cornes enrichies de garnitures d'argent, gravées, dont les figures 24 et 25 donnent une portion. Ces objets étaient réunis, dans une sépulture, à un casque de fer, à une cotte de maille et à deux monnaies byzantines d'or du IXe siècle. L'une de ces garnitures A (fig. 24) montre des ornements curvilignes entrelacés dont l'origine asiatique est des mieux caractérisées; l'autre B (fig. 25) présente des animaux entrelacés, deux chasseurs armés, des oiseaux et quadrupèdes dont on ne peut méconnaître de même le style oriental. Si vous rapprochez ces gravures A de certains entrelacs persans, l'analogie est frappante; il en est de même des animaux B. Mais aussi cette ornementation A rappelle les incrustations d'argent sur des plaques de fer mérovingiennes[45] et celles B des dessins scandinaves d'une époque plus récente.
Évidemment cette ornementation asiatique est de première main et n'est pas inspirée des produits de Byzance. Il serait plus exact de dire que les artistes byzantins ont été puiser aux mêmes sources, mais à une époque beaucoup plus récente. Et, pour nous expliquer plus clairement, les populations slaves qui gravaient ces ornements au IXe siècle les possédaient évidemment longtemps avant que l'art byzantin n'eût composé son ornementation gréco-persane.
La rudesse sauvage, mais empreinte d'un puissant caractère, de ces gravures, indique assez que ce n'est pas là un art de seconde main.—Cette fleur d'arum, reproduite par la figure B, se retrouve dans l'ornementation hindoue à toutes les époques, et nous la voyons gravée avec une énergie primitive que les Byzantins ont affaiblie.
Mais, pour en revenir aux manuscrits, nous avons dit qu'à ces éléments,—qui semblent être adoptés dans l'ornementation russe pendant les XIIe et XIIIe siècles sans passer par Byzance, puisqu'alors l'art byzantin ne les reproduisait pas sur ses peintures et vignettes de manuscrits,—il se joignait d'autres influences d'un caractère différent appartenant à la race mongole touranienne.
Telles sont, entre autres, ces vignettes (pl. V) d'un manuscrit du XIIIe siècle[46].
L'ornementation A ne rappelle, ni par sa forme ni par l'harmonie des tons, l'art byzantin, persan ou arabe, mais l'art qui appartient aux races jaunes de l'Asie centrale. L'ornement B conserve quelques traces de l'art persan dans sa forme, tandis qu'il est touranien par l'assemblage des tons.
On peut, jusqu'au XVe siècle, c'est-à-dire jusqu'à la chute de l'empire d'Orient, constater dans les manuscrits russes: d'une part l'influence byzantine pure, ou plutôt le travail des artistes byzantins; puis, dans les œuvres vraiment russes, cette influence byzantine singulièrement mélangée d'un élément slave asiatique et d'un apport touranien, et cela dans des proportions très-variables.
Mais ici il se présente un fait singulier.
Nous possédons en France des manuscrits qui appartiennent au XIIe siècle, et qui montrent dans leurs vignettes ces entrelacs bizarres d'animaux et d'ornements. Des manuscrits dits anglo-saxons, mais qui devraient bien plutôt être désignés comme anglo-normands, puisque leurs vignettes sont profondément empreintes de l'art Scandinave, montrent des compositions analogues et datent également du XIIe siècle. Or, parmi les manuscrits russes, il s'en trouve qui rappellent aussi ces compositions, mais qui datent du XIVe siècle. Est-ce par la Scandinavie que cette nouvelle influence s'est produite, ou en allant quérir à une source commune orientale?—Car n'oublions pas que rien ne change en Orient et qu'un élément d'art, qui a pu aux époques reculées être introduit par les Aryas scandinaves au nord de l'Europe, pouvait encore fournir au XIVe siècle des exemples conservés à travers les siècles.