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AVANT-PROPOS

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Le présent travail n’a pas la prétention d’épuiser ce qui peut être dit au sujet d’Alexandre Colin. C’est une simple notice, dont le seul objectif est de retracer les principales circonstances de la vie d’un artiste trop peu connu en Belgique, et de rattacher l’une à l’autre, par le lien continu de cette biographie, les représentations de ses œuvres, actuellement exposées dans les galeries du Musée.

Il faudrait maintenant que quelqu’un reprît notre tâche, non seulement en vue d’en combler les lacunes immédiates, mais pour en élever le niveau et lui donner son complément dans une analyse critique de l’œuvre de Colin.

Un tel travail réclame des compétences, d’ordre spécial, qui nous sont malheureusement étrangères, et il présente, d’ailleurs, une somme de recherches qui lui ferait dépasser les limites d’une œuvre courante.

L’étude que nous visons devrait avoir pour premier objet l’appréciation directe des œuvres de Colin et l’estimation de leur mérite intrinsèque: entreprise d’autant plus délicate que les avis, à cet égard, sont loin d’être unanimes.

Tel est le cas, par exemple, pour ce que l’artiste malinois produisit en matière d’architecture, spécialement dans l’édification de l’Otto Heinrichs-Bau, à Heidelberg.

La part que Colin prit à ces travaux a donné lieu à des divergences d’appréciation aussi tranchées que possible. Tels spécialistes prétendent qu’il n’y est intervenu que pour dénaturer, par ses pittoresques lourdeurs du nord, le caractère, primitivement italien et classique, de la construction; tandis que d’autres, et des plus autorisés, estiment que c’est à Colin, au contraire, que la façade de l’Otto Heinrichs-Bau doit sa principale beauté.

Cette question se lie naturellement à l’histoire générale de cette partie du célèbre château. Un jour, nous l’espérons, grâce au concours que nous apporteront, d’Heidelberg même, les hommes distingués qui nous ont déjà marqué leur sympathie pour ce travail, nous pourrons consacrer une exposition spéciale et plus complète à retracer l’évolution de cet édifice, un véritable type pour l’étude de l’art monumental au XVIe siècle. Ce sera l’occasion de dégager, du même coup, la vérité sur le rôle joué là-bas par notre compatriote. Le plus sage, en attendant, est de réserver tout jugement définitif à cet égard et d’enregistrer simplement les quelques faits, bien avérés, qu’on trouvera relatés plus loin.

L’accord est mieux établi en ce qui concerne les combinaisons architectoniques introduites par Colin dans la plupart de ses monuments, et dont on loue, presque sans réserve, l’ordonnance bien comprise et l’élégante harmonie. Ceux-là mêmes qui le critiquent à Heidelberg, lui concèdent un réel mérite sur ce terrain: ils admettent d’ailleurs qu’il ait eu, en matière d’architecture, des connaissances sérieuses et un goût véritable, mais sans avoir été capable d’en tirer davantage que des motifs de décoration pour des monuments d’échelle réduite.

Des jugements analogues ont, du reste, été portés également sur son œuvre sculpturale. Colin, disent certains critiques, triomphe dans le bas-relief épisodique, de faibles dimensions, principalement dans les compositions bourrées de personnages, en harnais de guerre, ou vêtus à la mode de son temps; il aborde parfois aussi, avec succès, la statue, mais à titre accessoire, ou à la condition d’avoir sous les yeux, pour s’y tenir, les lignes formelles d’un portrait. La grande sculpture n’est pas plus son fait que la grande architecture. C’est un maître délicat et habile, consciencieux et sage, un virtuose du marbre, mais qui n’est de premier ordre qu’à la condition de garder son caractère, qui le confine dans les œuvres de demi-genre.

Cet avis n’est pas, à vrai dire, celui de tout le monde et Colin compte des partisans qui n’hésitent pas à le ranger absolument parmi les maîtres.

En somme, la question ne nous paraît pas bien élucidée, et il serait souhaitable, nous l’avons dit, qu’elle fût reprise avec une compétence critique, dégagée, à la fois, de toute idée préconçue et de toute préoccupation connexe, susceptible de la faire dévier.

Au surplus, à côté du jugement à formuler sur les travaux de Colin, tels qu’ils s’offrent matériellement à nos yeux, il s’agirait de faire la lumière sur un point de fait, assez embrouillé, auquel on ne semble pas avoir consacré jusqu’ici toute l’attention voulue. Nous voulons parler de la part de mérite que Colin peut vraiment revendiquer comme sienne dans les œuvres nombreuses qui, sous le rapport de la conception, de la composition, voire même de l’exécution, ne sont point sorties complètement de son cerveau ou de sa main.

L’artiste, de nos jours, n’accepte qu’avec répugnance l’immixtion d’un étranger dans l’élaboration de l’œuvre à laquelle il se consacre. Il entend la concevoir à lui seul, la dessiner, l’exécuter tout entière; il croirait ne plus faire qu’œuvre servile en acceptant de suivre, à cet égard, les instructions d’un tiers.

Il n’en était pas de même au XVIe siècle, notamment en Allemagne. C’était alors le régne des peintres de cour. On les voit intervenir partout, en matière, non seulement de peinture, mais d’architecture et de sculpture, et le jugement que l’on porterait sur ces branches de l’art, à cette époque, risquerait fort de s’égarer, si l’on ne tenait compte, dans une notable proportion, de ces influences latérales.

Colin, en particulier, eut à subir, pendant toute sa carrière, des interventions de l’espèce.

Dans le contrat qu’il passe à Heidelberg, en 1558, il est formellement stipulé que ses sculptures seront conformes aux dessins qui lui seront fournis.

Il en est de même pour ses travaux les plus réputés, à savoir les bas-reliefs du tombeau de Maximilien, à Innsbruck. Leur composition n’est pas davantage son œuvre originale; les dessins lui en furent envoyés successivement de Prague par le peintre de la cour, Florian Abel, lequel recevait, à son tour, d’un conseiller de l’Empereur, les indications relatives à la disposition des personnages et aux costumes dont ils devaient être revêtus.

La mort de Florian Abel n’interrompt même pas cette pratique; les trois derniers dessins, que cet artiste n’avait pas eu le temps d’exécuter, arrivent de Prague, a leur tour, composés par quelque autre peintre de la Cour, mais très inférieurs aux précédents, à tel point que la Régence d’Innsbruck s’en émeut, et que Colin doit rassurer les magistrats en leur promettant de corriger, dans l’exécution, ce que les projets offraient de défectueux.

Et ainsi de suite, durant toute la carrière du célèbre sculpteur, que de tels procédés ne semblaient pas offusquer autrement.

Celui-ci trouvait certes, dans le modelage, l’occasion d’interpréter, avec une certaine liberté, les lignes qu’on lui traçait et de s’élever ainsi au-dessus même du modèle fourni; mais il n’en est pas moins vrai qu’une partie très appréciable de ce qui nous charme dans ces œuvres extraordinaires d’Innsbruck, par exemple, nous oblige, en toute justice, à n’en pas rapporter complètement et exclusivement le mérite à Colin seul.

Ce n’est pas le cas, il est vrai, pour toutes les œuvres sorties du ciseau de l’artiste flamand. Certaines d’entre-elles furent entièrement son ouvrage, et les qualités qu’il y déploie tendraient à prouver que ces dessins qu’on lui fournissait, il eût été capable, au besoin, de les exécuter lui-même. Néanmoins le fait est là : dans nombre de cas, la composition première n’est pas de lui, du moins dans les grandes lignes.

Il importerait, à présent, de serrer ce fait de plus près et, reprenant les œuvres une à une, d’en dégager ce que Colin peut, à cet égard, revendiquer en propre. Il est fort possible qu’une telle analyse arrive à nous montrer l’artiste sous un jour assez différent de celui que bien des gens prennent pour le véritable.

L’exécution matérielle de ses sculptures devrait être soumise à un examen du même genre. Quelle part Colin y a-t-il prise par lui-même? Dans quelle mesure a-t-il taillé de ses mains ces marbres d’une si surprenante finesse; dans quelle mesure même en a-t-il modelé les sujets? Ces questions se rattachent directement à l’organisation des ateliers d’alors, où, sous l’œil du maître, des compagnons, parfois nombreux, prenaient part à ses travaux, jusqu’à devenir ses véritables collaborateurs artistiques.

C’est ce qui, de nouveau, se vérifia pour Colin, comme on pourra le voir dans la notice qui va suivre. Nous le trouvons, à Heidelberg, travaillant avec douze compagnons. Une partie des sculptures qu’il y avait entreprises fut donc certainement l’œuvre de ces derniers. Plus tard, à Innsbruck, ce fut la même chose. Les compagnons- apparaissent constamment comme une des graves préoccupations de l’artiste. Il entreprend plusieurs voyages dans les Pays-Bas pour embaucher des aides nouveaux; quand il les tient, il redoute que des concurrents les lui débauchent; il supplie qu’on lui donne des commandes pour pouvoir les retenir; il vante, dans certains cas, l’habileté exceptionnelle de certains d’entre eux et conseille aux princes de profiter de leur séjour chez lui pour passer à l’exécution de quelque œuvre délicate, tenue provisoirement en réserve, etc.

Il se dégage de tout cela une psychologie d’atelier qui heurte assez directement les façons de voir actuellement reçues. Nous ne voulons pas dire que le célèbre «faire» de Colin doive en éprouver un amoindrissement sérieux. On peut même affirmer que tous ces travaux, exécutés sous ses yeux, portent sa marque et que la façon dont il fit passer son âme dans celle de ses collaborateurs témoigne plutôt chez lui d’une puissance véritable. Néanmoins, ce côté de la question nous semble mériter d’être creusé davantage, non seulement pour réduire à de justes proportions ce qu’on a conté, par exemple, de l’étonnante rapidité de travail de l’habile sculpteur, mais pour arriver surtout à mieux définir l’esprit de ce travail.

Puisse notre tentative actuelle contribuer à faire ressortir l’importance de l’artiste dont nous nous sommes efforcé de rassembler les œuvres et susciter, par là même, l’étude définitive que nous appelons de nos vœux!

Exposition de photographies - Alexandre Colin

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