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§. Ier.

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Table des matières

Tous ceux qui ont voulu s’écarter de ce que Moïse nous a laisse dans la Génèse, se sont perdus dans leurs vains raisonnemens.

Dom PERNETY.

Fables Egyptiennes dévoilées.

LES Savans qui allèrent explorer l’Egypte, à la suite de l’armée que la France envoya dans cette partie du monde, étaient, en partie, de ces hommes nourris dans les principes de la philosophie à la mode: Credat ille judœus appella, non ego. C’ est ce mot d’Horace qu’ils jettent par la figure de toute personne qui s’étonne que des savans ne croient pas au récit de Moïse. Parlez leur de la création en six jours, du déluge, etc. etc.; ils vous répondront comme le Médecin malgré lui: Nous avons changé tout cela. Des preuves? Si vous leur en demandez, ils auront l’air de n’en pas manquer; ils vous citeront l’Astronomie des Chaldéens: ils vous citeront l’Histoire des Chinois; il vous citeront les Zodiaques Antédiluviens; ils vous citeront..... etc. etc.

Il paraît que le Médecin Pugnet pensait un peu comme ces Messieurs-là, lorsqu’il était à admirer les beaux restes des tombeaux des rois de Thèbes. Car il faut avoir l’esprit prévenu de quelque systême, et ne pas se soucier d’exactitude, pour avoir vu tant de choses, là où il est bien difficile de voir réellement quelque chose; à moins qu’on ne soit versé dans les matières de la haute Franc-Maçonnerie. Mr. Pugnet qui, je pense, ne s’amuse pas à rêver sur l’ se souvient que quelques auteurs anciens ont dit que l’homme avait été engendré par la fermentation que le soleil avait excitée dans Je limon du Nil, et croit voir l’emblême de ce système dans un tableau qui le frappe, qu’il copie, et qu’il nous interprête. Il y voit donc l’origine de tout le genre humain, suivant ce système obscur et presque ignoré, qui lui a plu, sans doute, parce qu’il était dans le sens des ZodiacoanUdiluvianisies Il y découvre, en outre, que les hommes blancs descendent des noirs par l’intermède des hommes rouges Cophtes, Caraïbes, Mexicains ou autres: découverte curieuse, qui certes eut été parfaitement accueillie dans le club des amis dss noirs Pugnet voit encore dans ce tableau l’origine de l’agriculture: un instrument ayant quelque figure de râteau lui fait penser que les autres petits caractères sont des bèches et des socs de charrue, etc. Enfin les lotus, achevant de le déterminer, lui font ajouter une troisième histoire aux deux précédentes, savoir: que les hommes ont compris, lorsqu’ils avaient faim, que pour avoir de quoi manger, il fallait cultiver la terre.

Si Mr. Pugnet eut voulu, en procédant ainsi en masse (car, à ces époques, tout se faisait en masse) il aurait vu dans son tableau beaucoup d’autres origines. Il s’arrête néanmoins tout court; ne cherche pas à appuyer les raisonnemens qu’il a pu faire d’après les attitudes et conformations des caractères du tableau, et ne daigne pas même nous dire s’il a compté pour quelque chose ces petits scarabées rouges qui sont au-dessus des noirs.

D’après une pareille méthode, on a bien droit de regarder l’interprétation de Mr. Pugnet comme suite d’idées confuses appliquées avec trop de précipitation; car il est de principe reconnus que dans toute écriture, soit par symboles, soit par caractères, rien d’inutile ne doit s’y trouver. Dans notre écriture française, par exemple, un accent penché à droite ne fait pas prononcer de même que s’il était penché à gauche. Ce n’est pas pour jouer, non plus, que nous posons des virgules et des points, des tirets, des parenthèses. Si l’on retranche une jambe d’un m elle devient n, et ce dernier caractère renversé est un u. p q d’b sont évidemment le même caractère, qui pouvant prendre quatre positions, dépendantes de sa forme, fournit quatre lettres.–Il en est de même dans l’écriture «symbolique, rien n’y est placé sans dessein, sans nécessité, sans expression: formes, situations, attitudes, lieux, nombres, volumes, proportions, relation, régularité, monstruosité, etc. tout doit être évalué par le traducteur. Or, Mr. Pugnet ayant méconnu ces principes, doit évidemment avoir manqué la véritable interprétation. –Mais enfin, examinons si celle qu’il donne peut être acceptée de quelque manière.

Si j’eusse été avec Mr. Pugnet à Denderah, et qu’il m’eut fait part de ses idées explicatives du tableau, je lui aurais rendu sa méthode si suspecte, qu’il aurait peut être renoncé à son projet d’interprétation.

Car, d’abord je lui aurais fait les questions suivantes.

Quel est le caractère du tableau que vous prenez pour l’humidité de la terre? Le scarabée noir représente bien la terre; mais je ne vois aucun signe qui apprenne si elle est sèche ou humide.

Qu’est-ce que vous prenez pour l’emblême du besoin qui a instruit les hommes et les a déterminés, malgré leur paresse naturelle„ a cultiver la terre? Le besoin est bien tua être métaphysique personnifiable; mais je ne vois rien, dans le tableau, qui puisse être pris pour emblême de cet être-là.

Pourquoi dites-vous que les gros hommes noirs ont leurs extrémités supérieures appliquées sur les parties latérales du tronc? La figure que vous nous donnez, n’a pas le moindre délinéament d’extrêmités supérieures: il serait essentiel de savoir si c’est le graveur qui a mis cette différence entre la figure et le discours.

Comment avez vous pu juger que lors de la germination des hommes, ils sont sortis de la terre la plus voisine du soleil? pour avoir cette distinction, il aurait fallu que le symbole de la terre eut été double dans le tableau, et que la traînée de points fût partie de celui des deux scarabées qui aurait été le plus près du disque rouge; qui, comme vous le dites, est en effet l’emblême du soleil.

Si ces questions n’eussent pas déplu à Mr. Pugnet j’aurais continué de critiquer sa méthode d’interprétation, et je lui aurais dit:

Il paraît que vous ne vous rappeliez pas, Monsieur, que les hiéroglyphes des égyptiens étaient communément susceptibles de deux interprétations au moins, l’une scientifique et sacerdotale, l’autre populaire et réligieuse, () car vous n’avertissez pas de la nature de votre interprétation, relativement à ces deux systèmes.

Observez, Monsieur, lui aurais-je encore dit, que le gros homme noir interpose son corps horizontalement entre le soleil et la terre (le scarabée noir: ) donc celle-ci étant à l’ombre, n’est pas frappée des rayons directs du soleil. Elle est donc censée froide; ou, tout au plus, d’une température moyenne, incapable d’exciter le développement des germes animalisans. J’ai failli dire du principe animalogène.... Donc, au dire du tableau même, le rapport que vous établissez entre le soleil et la terre ne peut être admis.

Remarquez, Monsieur, que dans la rélation qui est entre le gros homme noir et le petit homme rouge, il n’est point question de génération. C’est justement pour prémunir le traducteur contre l’erreur que vous commettez, que le Prêtre égyptien compositeur du hiéroglyphe, a eu soin de ne pas donner des testicules à l’homme noir A cette note il n’y a pas mot à opposer: les Eunuques n’engendrent pas. Rien ne produit rien. Nihil a Nihilo, c’est le grand axiome; vous l’entendez mieux qu’un autre, vous qui êtes anatomiste.

J’aurais encore dit à Mr. Pugnet: le mot d’embryon dont vous vous servez pour qualifier ce petit homme rouge ne lui convient nullement: Embryon est un être non encore? achevé, et ce petit homme est parfaitement conformé de tous ses membres. Voyez comme ses bras et ses jambes sont en évidence, comme ils sont plies mollement à chaque articula lion; les doigts et les orteils sont même détachés. Le mot d’embryon conviendrait mieux à ce gros homme noir; car, il n’est en effet, qu’une ébauche du corps humain, sans bras, et les deux extrémités inférieures confondues en une, avec le pied arrondi et sans orteils. Or, je ne pense pas qu’il soit possible de faire accepter ce monstre noir, mutilé de tonte manière, pour le père du petit homme rouge, bien plus parfait que lui... La nature, dit-on, ne dérange pas les espèces; elles se déterriorent quelque fois par les effets de choses non naturelles; mais jamais elles n’augmentent en acquérant des qualités que le Créateur n’a pas assignées au genre auquel l’espèce appartient: les serpens n’engendrent pas des lezards qui sont visiblement des serpens quadrupèdes. Les hirondèles, qui volent si bien, ne descendent pas des pingouins, qui sont des oiseaux sans ailes.

Si rien n’avait troublé ce monologue, j’aurais continué de parler dans le même sens, et j’aurais dit à Mr. Pugnet;

Les groupes de petits instrumens, ou caractères, parmi lesquels vous voyez des outils aratoires ne doivent pas avoir le moindre rapport à l’agriculture: on ne laboure pas, on ne sème pas, et rien ne végète parmi des charbons ardens: les pinces de foyer que le compositeur du tableau a eu soin de placer dans chaque groupe, sans en excepter un seul, quoique tous ne soient pas exactement semblables, annoncent bien clairement qu’il est ici question d’opérations qui se font avec le feu., ... Quant aux lotus () ils ne peuvent être là pour exprimer que les premiers hommes furent contraints de cultiver la terre pour en tirer des productions alimentaires Les premiers égyptiens ne songèrent pas à cultiver une plante que la nature leur offrait par tout spontanément, et qui, d’ailleurs, ne pousse et ne produit que dans des terreins noyés, submergés, vaseux, c’est-à-dire, sur des sites incultivables surtout au râteau et a la charrue.

Et ces petits scarabées rouges dont vous ne tenez pas le moindre compte, sont pourtant là pour exprimer quelque chose. Quant à moi, je crois que chaque scarabée rouge est l’un des caractères les plus importans du tableau: sa position et sa couleur lui supposent des rapports avec tous les autres grands emblêmes qui l’environnent.

Enfin ne croyez pas, aurais-je dit à Mr. Pugnet, que ces couleurs rouge et noir aient des rapports avec la peau des hommes. Les deux scarabées, dont l’un est noir et l’ autre rouge, sont suffisans pour démontrer, par cette différence de couleur, que le ronge et le noir sont ici des emblêmes secondaires, et doivent exprimer des choses qui ne se rapportent pas à la couleur de la peau des hommes.

J’aurais terminé là mes observations critiques de la méthode que le médecin Pugnet a suivie pour expliquer le tableau de Denderah, et je pense que je n’aurais pas déplu à ce voyageur parce que je le connais pour être d’un caractère qui devrait être celui de tous les savans; car il ne tient pas à ses opinions avec entêtement; et sait apprécier la franchise du philosophe sans prétention. Je crois qu’enfin cet auteur serait convenu lui-même, que j’avais démontré que son interprétation n’était pas admissible; et que son hiéroglyphe ne dit rien qui puisse s’appliquer contradictoirement au récit de Moïse; ni rien qui soit même acceptable dans quelque systême de génération que ce puisse être; ni rien dans quoi l’on puisse voir des affinités avec l’agriculture.

Sans doute, d’après ma critique, M. Pugnet aurait voulu savoir si je serais en état d’interprêter son table au d’une manière plus satisfaisante que la sienne. Je lui aurais repondu que je n’entendais rien aux systêmes popu-la ires et réligieux; mais, qu’à la faveur d’une teinture d’érudition hermétique dont j’etais pourvu, je pourrais tirer, de son tableau, une interprétation assez satisfaisante, suivant le système sacerdotal. Et alors, s’il avait voulu m’ecouter, je lui aurais exposé cette interprétation telle qu’on va la trouver dans le paragraphe suivant,

On y va voir, dans ce paragraphe, que le tableau dont il s’agit offre une des plus grandes et des plus claires leçons que les Égyptiens ayent jamais donné, dans leurs hiéroglyphes, sur la science hermétique; sur l’art que cultivaient, en secret, les Prêtres d’Egypte; et que cultivent également en secret, parmi nous, les Adeptes; c’est-à-dire, les Chimistes chercheurs de pierre philosophale.

A ce mot de pierre philosophale vous avez froncé le sourcil, cher lecteur; je vous le pardonne. Cependant je vous rappellerai que, puisque vous n’avez pas rejetté mon écrit après en avoir lu l’avant-propos, vous avez contracté l’obligation de le lire jusqu’au bout; ce ne sera qu’après l’avoir lu que vous pourrez, avec justice, former votre opinion sur mon écrit, sur mon caractère, sur les chercheurs de pierre philosophale, sur l’idée que je donne de l’objet de leurs recherches, sur le degré de blâme ou d’applaudissement qu’on peut leur départir, et enfin sur la confiance qu’on peut accorder aux interpréteurs d’hiéroglyphes.

Comme l’explication que je vais proposer est dans le sens de ce systême égyptien, dont la plupart de mes lecteurs n’auront jamais entendu parler, je suis obligé d’en donner une idée suffisante: Je suis contraint aussi de donner une certaine connaissance de cette classe de physiciens qu’on appelle des Alchimistes; et, en même temps, une espèce d’introduction à l’art qu’ils cultivent, sans quoi mon interprétation ne pourrait avoir le sens commun: ainsi je demande grace pour beaucoup de choses que l’on va trouver avant d’en être à la description interprétative.

Les monumens de l'Égypte, considérés dans le sens hermético-maçonnique

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