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ОглавлениеLa Jeunesse de Puget
LA NAISSANCE. — LA FAMILLE. — DE LA RUE DU PETIT-PUITS A L’ESTAQUE-RIO. — LE «CABANON» FAMILIAL. — CHEZ LE PÈRE ROMAN. — A L’ÉCOLE DES MAITRES ITALIENS. — LE JEUNE PUGET CHEZ BERNIN. — LE BERCEAU DE SA GLOIRE.
Pierre Puget naquit le 15 octobre 1620, rue du Petit-Puits, anciennement rue de la Sainte-Trinité, à côté du couvent de l’Observance, où il fut inhumé.
Entre le berceau et le tombeau, si rapprochés l’un de l’autre et aujourd’hui disparus, quel chemin parcouru sur la route âpre de la vie et dans le domaine de la sculpture française, où il occupe le premier rang!
Il était le troisième et dernier fils de Simon Puget, surnommé Vilasse, maçon, tailleur de pierre, et de Marguerite Cauvin, dite Cauvine. La petite ville de Trets peut s’énorgueillir d’avoir donné le jour aux aïeux de Puget, comme à ceux de Christophe Veyrier, son neveu, et de Clérion, son concurrent.
L’étymologie du nom de Puget est la même que celle de Puy, Puig, Pey (latin podium), qui implique une idée de grandeur et d’élévation. Jamais il ne fut mieux porté que par l’auteur du Milon de Crotone. Quant à son prénom, il le tenait de son parrain Pierre de Corps.
Après la mort de son père, survenue en 1622, il habita à l’Estaque, avec sa mère et ses frères Jean (né en 1611) et Gaspard (1615), chez un de ses oncles paternels. Ses oncles étaient Jean, son tuteur, Gaspard et Jacques, tous trois propriétaires au quartier de l’Estaque (Marseille). Il grandit dans une prosaïque atmosphère familiale, où il était plus souvent question de maçonnerie et d’entretien de terres que de la culture des Beaux-Arts.
Le cabanon, situé sur un monticule argileux et hérissé de bauques, se compose de quatre corps de bâtiment formant noue et s’appuyant les uns contre les autres, comme pour mieux se soutenir. La façade principale est de couleur chair parcheminée et la toiture de rose fané. Elle est percée de deux fenêtres, pareilles à deux yeux chassieux, et d’une porte rectangulaire à laquelle on accède par quelques marches frustes. Sur la toiture en pente s’érige une cheminée coiffée d’un chapeau de tôle. A droite, en retraite, se trouve une bâtisse où rampe une vigne vivace. Un pan de mur est troué à sa base d’une grande baie ombreuse. C’est l’entrée souterraine de l’écurie. Au bord du talus, se dresse un petit rempart en maçonnerie devant lequel se cabrent deux oliviers fouettés par l’haleine brutale du mistral, tandis qu’à gauche et au fond, court un mur que décorent les nuages verdoyants des arbres. En face, la mer s’étend à l’infini .
C’est dans ce décor que s’écoula sa prime jeunesse. Son cerveau se grisait de soleil et d’azur. Son âme d’enfant s’épanouissait au souffle du large. A ses pieds, il trouvait l’argile et pétrissait ses rêves, trop souvent captifs entre les murs du monotone logis.
Après avoir reçu une instruction très rudimentaire, il entra à l’âge de quatorze ans chez un constructeur de galères, nommé Jean Roman. On sait combien la construction navale a été florissante à Marseille, où la première galère française fut construite. En 1487, Charles VIII, voulant avoir une flotte chargea son grand écuyer, Pierre d’Urfé, d’y faire construire un certain nombre de galères.
C’est évidemment dans ce champ de l’activité locale que Puget devait fourbir ses premiers ciseaux. Le père Roman ne tarda pas à reconnaître chez son jeune apprenti des dispositions exceptionnelles; il fut tellement satisfait de ses progrès, que l’année suivante il lui confiait le soin de diriger la construction et de sculpter les principales pièces de la Réale.
Le jeune Puget, qui devait avoir son génie créateur pour maître et la nature pour modèle, comprit bien vite qu’il n’avait plus rien à apprendre chez son patron et le quitta, malgré les propositions alléchantes dont il fut l’objet de sa part.
Il se rendit alors à Florence, Livourne et Rome, n’ayant le plus souvent, pour moyen de locomotion, que ses robustes jambes de jeune homme. A Florence et à Livourne, en proie à la misère, il dut vendre ses outils et ses vétements. Il éprouva combien est rude à parcourir la route de la vie. Sa qualité de Français lui fermait la porte des ateliers. Sans la pitié qu’il sut inspirer à un puissant protecteur , il eût connu le désespoir, précurseur des pires catastrophes.
Dans la Ville Éternelle, où il va se documenter, il est reçu par Pierre de Cortone, qui lui enseigne la peinture. Le peintre toscan, comme le constructeur de galères, fut émerveillé de ses dispositions naturelles, de son tempérament à la fois fougueux et mesuré, de ses conceptions hardies, et quand il manifesta l’intention de le quitter, il n’est pas de séductions qu’il n’employa pour le retenir auprès de lui; il alla même jusqu’à lui proposer la main de sa fille; mais, pour sculpturale que fût sa beauté, Puget, hanté par des rêves de gloire, refusa cet honneur et s’en retourna à Marseille, puis à Toulon, où il séjourna, si longtemps que les auteurs d’une Histoire de Provence destinée à l’enseignement ne craignent pas de le faire naître dans cette ville, qui fut le berceau de sa gloire, non celui de sa naissance, grâce aux Cariatides de l’Hôtel de Ville, qui excitèrent l’admiration du Bernin à un si haut degré que le célèbre sculpteur italien, mandé en France par Louis XIV, en 1665, ne put s’empêcher de s’écrier à la vue du premier chef-d’œuvre de Puget: «Je ne comprends pas qu’on m’appelle en France, quand on possède un artiste tel que Puget».
En 1665, Puget était à Gênes, n’ayant pu trouver dans son pays un travail digne de lui!
Saluons le visage de Puget dans le David de Bernini : témoignage du sculpteur italien envers son jeune confrère français.
Bernini était dans son atelier. Au moment où il songeait à faire la tête de son David, Puget entra. Frappé par son visage plein d’énergie et de caractère, il l’invita à poser. Et voilà le jeune sculpteur marseillais en train de personnifier le vainqueur de Goliath. N’est-ce pas par la pierre que Puget vainquit toujours? Il était alors âgé de vingt ans.
En examinant ce visage juvénile, on pressent déjà la tête du vieillard.
Le poète toulonnais, Jean Aicard, ne l’a pas fait naître à Toulon, comme les deux auteurs classiques, lorsqu’il s’est écrié :
C’est qu’il sut le devoir, ce beau fils de Marseille,
C’est qu’il avait le cœur d’un héros de Corneille!