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SCÈNE II

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Les Mêmes, GUTENBERG

Gutenberg fait un signe à Friélo, qui sort, par la droite.

HÉBÈLE[A].

Tu désires me parler, mon frère?

GUTENBERG, prenant la main d'Hébèle.

Ce que j'ai à te dire est grave, Hébèle. Il s'agit de tout mon avenir.

HÉBÈLE.

Tu sais, Jean, que depuis la mort de nos parents, je t'ai considéré comme le chef de la famille. Je suis persuadée que tu ne peux vouloir rien que de bon et d'honnête. Parle donc.

GUTENBERG.

Notre père, tu le sais, était praticien de la ville; mais il était sans fortune. En mourant, il ne nous laissa pour tout bien que cette maison, la maison du Taureau noir, et le nom, sans tache, de Gensfleisch. Dans notre libre cité de Mayence, la noblesse n'exclut pas le travail. Je n'ai donc pas hésité, pour soutenir notre famille, à choisir une profession; et je suis devenu orfèvre et bijoutier. Mon métier nous fait vivre; mais depuis deux ans, chère sœur, une grande ambition s'est emparée de moi: non cette ambition vulgaire, qui vise à des trésors ou à des honneurs, mais la noble et sainte aspiration de l'homme qui veut doter son pays d'un bienfait nouveau. Au lieu de fabriquer ici des bijoux inutiles, je veux, dès aujourd'hui, consacrer ma vie à une invention destinée à éclairer et à régénérer l'esprit humain.

HÉBÈLE.

Bien dit, mon frère!

GUTENBERG.

As-tu jamais songé à la triste vie de ces pauvres copistes, qui passent leurs journées courbés sur des parchemins, et dont l'existence entière ne suffit pas à transcrire une bible ou un psautier? N'as-tu jamais regretté qu'il n'y eût aucun procédé mécanique pour remplacer le travail de leur main?

HÉBÈLE.

Mais, mon frère, c'est impossible!

GUTENBERG.

Impossible! non! car je veux créer moi-même cet art nouveau.

HÉBÈLE.

Si cet art existait, le peuple pourrait lire et s'instruire; ce qui n'est aujourd'hui que le privilège des gens assez riches pour payer les manuscrits au poids de l'or.

GUTENBERG.

Sans doute! aussi cette idée me prive-t-elle de sommeil, de repos!... Depuis un an j'essaie toutes sortes de moyens pour reproduire les manuscrits par un art mécanique. À la mort de notre mère, je dus me rendre à Gutenberg, pour hériter de son petit domaine. Là, je trouvai, dans un grenier, une vieille presse à images; et l'idée me vint de l'employer à la fabrication des manuscrits. Le résultat que j'obtins dépassa mes espérances. J'ai résolu, dès lors, d'abandonner mon métier d'orfèvre, pour me vouer, corps et âme, à cette entreprise.

HÉBÈLE.

Mais songes-tu aux difficultés... aux dépenses?...

GUTENBERG.

Mon courage sera à la hauteur de mon œuvre... Mais tu le sais, il y a ici une jeune fille, noble, riche et dévouée, à qui j'avais donné mon cœur et promis ma main...

HÉBÈLE.

Annette de la-Porte-de-Fer.

GUTENBERG.

Je ne veux pas l'associer aux difficultés, aux dangers qui m'attendent dans l'accomplissement de ma tâche; je veux quitter Mayence et partir seul. Je viens donc te prier, chère Hébèle, de faire connaître à Annette de la-Porte-de-Fer le sacrifice que je suis obligé de faire de mon bonheur au succès de mon art.

HÉBÈLE.

Ce sera pour elle un coup cruel et inattendu... Mais je n'ai pas à discuter les motifs de ta résolution, ni à sonder les sentiments de ton cœur. La mission dont tu me charges, frère, je l'accomplirai.

GUTENBERG.

Merci, chère Hébèle, je n'attendais pas moins de toi... (Il fait passer Hébèle sur le seuil de la porte de la boutique d'orfèvre.) Et maintenant, rentrons. Je veux mettre sous ta garde ma vieille presse et mes premiers outils.

Ils rentrent dans la boutique.

Gutenberg, pièce historique en 5 actes, 8 tableaux

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