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II

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L'Air

Lorsqu'on parle aujourd'hui de la conquête de l'air, il faudrait ajouter qu'il s'agit de l'air respirable pour l'homme, ou que cette restriction soit sous-entendue, car l'être humain ne peut graviter pratiquement au delà de la couche atmosphérique, relativement bien basse, où sa respiration est assurée par une certaine proportion de divers éléments gazeux.

Au delà de 6.000 mètres, en effet, «quelques précautions que l'on prenne, la diminution de pression, la moindre quantité d'oxygène entrant dans les poumons à chaque inspiration force à les précipiter. On étouffe, des maux de tête et des maux de cœur surviennent», etc. (Bouquet de la Grye).

L'oxygène de l'air pénétrant dans les poumons y est absorbé par le sang. Ce véhicule l'entraîne dans l'organisme où, par une sorte de combustion lente, il brûle une partie du carbone des matières qui doivent être éliminées. Son rôle est donc capital dans l'existence humaine.

L'oxygène n'est d'ailleurs pas moins indispensable au moteur de l'aéroplane qu'à l'aviateur; sa rareté dans les hautes régions de l'atmosphère nous en interdit donc doublement l'accès.

Lorsque Berson et Suering atteignirent l'altitude de 10.500 m. en 1901, ils entretenaient artificiellement leur respiration à l'aide d'une réserve d'oxygène qu'ils avaient emportée, et le ballon sphérique où ils étaient n'avait pas de moteur à faire fonctionner pour les soutenir. Si, plus tard, des aéroplanes arrivent à dépasser l'altitude de 6.000 m. pour monter aussi haut que Berson et Suering, cela ne pourra être qu'à l'aide de dispositifs spéciaux, ou d'une carburation spéciale dans les moteurs, permettant d'y introduire les quantités d'oxygène nécessaires, puisqu'elles ne se trouveraient pas dans l'air ambiant.

On a déjà vu précédemment que le froid, qui augmente à mesure qu'on s'élève dans l'air, trace d'autre part aussi une limite aux ascensions humaines dans l'atmosphère. On peut prévoir que la congélation serait une gêne et peut-être un obstacle absolu dans le fonctionnement des moteurs à explosion, aussi bien pour la carburation que pour le graissage, à partir de certaines altitudes.

Si l'on suppose, en effet, un aéroplane quittant le sol à une température de + 15° et subissant un abaissement de température de 1° par 180 m. d'ascension, puisque cette proportion est celle que l'on tient pour constante, on voit qu'après avoir dépassé une hauteur de 10.500 m. comme Berson et Suering, il devra subir un froid de -44° (à 10.620 mètres exactement).

Le ballon-sonde Aérophile no 1, lancé le 21 mars 1893 de l'usine de Vaugirard à Paris, enregistra -51° à 15.000 m. d'altitude. En Allemagne, à Tempelhof, un autre ballon-sonde lancé atteignit 18.450 m. et enregistra -68°.

La décompression qui altère l'organisme humain aux altitudes supérieures à 8.000 m. aurait peut-être aussi des effets sur la marche des moteurs à de plus grandes hauteurs.

En résumé, pour l'homme et pour l'aéroplane le domaine de l'air est extrêmement réduit en hauteur, par rapport à l'épaisseur indéterminée de l'atmosphère, et il ne faut point imaginer que l'homme y montera un jour «aussi haut qu'il voudra monter».

Mais cette considération n'a rien d'affligeant, car ce n'est pas en hauteur que l'espace atmosphérique est une enthousiasmante conquête: c'est en étendue. À partir d'une très faible altitude, l'intérêt d'un voyage aérien décroît rapidement par suite de la faible portée visuelle, si l'on continue à s'élever.

Et, d'autre part, si la rapidité d'une traversée dans l'atmosphère doit devenir une supériorité de ce mode de locomotion grâce aux vitesses de 200 ou de 300 kilomètres à l'heure que l'on prédit déjà aux aéroplanes[11], il n'y aura jamais avantage à réduire la promptitude d'une translation par des ascensions élevées. Ce serait «s'attarder en route».

Pour l'aviation, l'étude des hautes régions de l'atmosphère est néanmoins indispensable parce qu'elles provoquent la plupart des perturbations qui agitent les couches inférieures.

Les vents, notamment, ces grands obstacles de la gravitation dans l'air pour les appareils aviants (et à fortiori pour les ballons dirigeables), viennent surtout de très haut.

À mesure qu'on s'élève dans l'atmosphère, on constate d'ailleurs que les courants qui la parcourent sont plus forts, plus étendus, plus rapides et ce régime constant incite encore, une fois de plus, l'aviateur à ne point viser le zénith.

Les nuages et l'électricité qui les accompagnent si souvent sont, en outre, des embarras ou des dangers que l'aviateur devra éviter.

Planant au-dessus des nuages, le pilote de l'aéroplane n'aurait plus de point de repère pour sa route; il serait obligé de se diriger à la boussole. Tout, dans la Nature, l'engage à se contenter du domaine des oiseaux.

Il convient d'insister un peu sur ces caractéristiques de l'atmosphère parce qu'elles gouvernent l'aviation.

C'est parce que l'air n'est pas comme on le croyait jadis: «un élément impondérable, mais homogène dans toute l'étendue d'espaces sub-terrestres définis», qu'il constitue un milieu où les aéroplanes d'aujourd'hui peuvent prendre un point d'appui pour se déplacer.

Utilisée par l'homme depuis des siècles, la force du vent est connue de tout le monde. La résistance de l'air l'est infiniment moins, quoique nombre de détails, très vulgarisés de nos jours, l'aient mise en évidence, notamment: la forme des locomotives modernes à grande vitesse, les courses de bicyclettes et d'automobiles, etc.

Nos sens, en effet, ne perçoivent guère la résistance de l'air, parce que nos mouvements naturels ne sont pas assez rapides pour nous la faire sentir.

Lorsque nous nous déplaçons artificiellement à une grande vitesse, au contraire, nous commençons à sentir cette résistance, comme nous sentons naturellement la force du vent. Or, cette force du vent n'existe qu'en raison de la densité de l'air; il faut s'habituer à le concevoir pour comprendre le mécanisme de l'aviation.

Un vent de tempête arrache des toitures, renverse des arbres et des personnes; on se sent comme près d'être emporté, c'est-à-dire soulevé, par les fortes bourrasques d'un ouragan. Réciproquement, aborder l'air avec une rapidité d'ouragan produit les mêmes effets, à cause de la résistance de l'air; il faut se pénétrer de la connaissance de ce fait.

Si nous ne sommes pas positivement enlevés par un vent de tempête, c'est parce que notre volume est trop faible par rapport à notre poids; parce que nous avons trop peu de surface par rapport à notre pesanteur. Mais, présentons-nous au vent en tenant une surface deux ou trois fois seulement plus grande que la nôtre: planche, toile tendue sur un châssis, feuille de tôle ou tout autre objet de large surface, nous serons aussitôt renversés avec violence;—nous serions enlevés positivement si l'orientation et l'équilibre de cette surface étaient convenables. Ce fait résume et révèle le principe de l'aviation.

Un cerf-volant d'une surface suffisante enlève un homme. Ce moyen, préconisé pour des reconnaissances militaires, a été expérimenté avec succès. Les récents travaux du capitaine Taconnet et du capitaine Madiot l'ont rendu tout à fait pratique.

Par quelques évaluations fort simples, il est aisé de préciser un peu les idées à ce sujet:

La théorie et la pratique démontrent que la résistance de l'air est, à peu près, proportionnelle au carré de la vitesse.

Ce qui revient à dire, par exemple, que si un vent ayant une vitesse de 1 m. par seconde exerce une pression égale à celle d'un poids de 125 grammes sur une surface de 1 m. carré perpendiculaire à sa direction, cette pression sera quadruplée pour la même surface, si la vitesse du vent devient double.

La pression étant équivalente au poids de 125 grammes avec la vitesse de 1 m. par seconde, si le vent a une vitesse de 2 m. par seconde, la pression sera de 125 × 2 × 2 = 500 grammes.

Si le vent fait 20 m. par seconde, sa pression sur la même surface de 1 m2 sera de 125 × 20 × 20 = 78 kilogrammes et 125 grammes, pesanteur déjà supérieure à celle de bien des personnes.

L'aéroplane obtient les mêmes résultats par les mêmes moyens, mais en sens inverse: contre l'air, immobile, par exemple, il précipite une surface déterminée avec une vitesse également déterminée et si les déterminations sont bonnes, c'est-à-dire si la surface et la vitesse sont suffisantes, la pression en dépassant le poids de l'engin le soulève; l'essor de l'aéroplane est obtenu.

Il est encore plus facilement obtenu si l'air, au lieu d'être immobile, va contre l'aéroplane, en rasant le sol, dans le sens opposé à sa direction, parce qu'alors sa vitesse s'ajoute en quelque sorte à celle de l'appareil.

Dans le cas contraire, l'aéroplane doit pouvoir ajouter à la vitesse nécessaire pour son enlèvement, celle du vent dans le sens duquel il se dirige,—ou faire tête au vent pour s'élever car dès qu'il a quitté le sol, ce supplément de vitesse, égal à la vitesse du vent, ne lui est plus nécessaire pour se soutenir, la vitesse calculée pour sa marche en air immobile pourrait lui suffire, puisqu'il se trouve par rapport à l'air, dès qu'il est détaché du sol, dans une situation comme celle de l'aéronat.

L'aviation comporte encore d'autres considérations sur l'air, mais il convient de les ajourner pour simplifier ce début et parce qu'elles seront plus claires lorsqu'elles interviendront à propos des phénomènes expérimentaux qu'elles expliquent.

L'A. B. C. de l'aviation: Biplans et monoplans

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