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XIX.

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Ne m’écrivez pas, Lélia; pourquoi m’écrivez-vous? J’étais heureux, et voilà que vous me rejetez dans les anxiétés dont j’étais sorti un instant! cette heure de silence auprès de vous m’avait révélé tant d’ineffables voluptés! Déjà, Lélia, vous vous repentez de me les avoir fait connaître. Et que craignez-vous donc de mon avide impatience? Vous me méconnaissez à dessein. Vous savez bien que je serai heureux de peu, parce que rien de ce que vous ferez pour moi ne me paraîtra petit, parce que j’attacherai à vos moindres faveurs le prix qu’elles doivent avoir. Je ne suis pas présomptueux; je sais combien je suis au-dessous de vous. Cruelle femme! pourquoi me rappeler sans cesse à cette humilité tremblante qui me fait tant souffrir?

Je comprends, Lélia! hélas! je comprends. C’est Dieu seul que vous pouvez aimer! C’est seulement au ciel que votre âme peut se reposer et vivre! Quand vous avez, dans l’émotion d’une heure de rêverie, laissé tomber sur moi un regard d’amour, c’est que vous vous trompiez, c’est que vous pensiez à Dieu, et que vous preniez un homme pour un ange. Quand la lune s’est levée, quand elle a éclairé mes traits et dissipé cette ombre favorable à vos chimères, vous avez souri de pitié en reconnaissant le front de Sténio, le front de Sténio où vous aviez imprimé un baiser pourtant!

Vous voulez que je l’oublie, je le vois bien! Vous avez peur que j’en garde l’enivrante sensation et que j’en vive tout un jour! Rassurez-vous, je n’ai pas goûté ce bonheur en aveugle; s’il a dévoré mon sang, s’il a brisé ma poitrine, il n’a pas égaré ma raison. La raison ne s’égare jamais auprès de vous, Lélia! Soyez tranquille, vous dis-je, je ne suis pas un de ces audacieux pour qui un baiser de femme est un gage d’amour. Je ne me crois pas le pouvoir d’animer le marbre et de ressusciter les morts.

Et pourtant votre haleine a embrasé mon cerveau. A peine vos lèvres ont effleuré l’extrémité de mes cheveux, et j’ai cru sentir une étincelle électrique, une commotion si terrible, qu’un cri de douleur s’est échappé de ma poitrine. Oh! vous n’êtes pas une femme, Lélia, je le vois bien! J’avais rêvé le ciel dans un de vos baisers, et vous m’avez fait connaître l’enfer.

Pourtant votre sourire était si doux, vos paroles si suaves, que je me laissai ensuite consoler par vous. Cette terrible émotion s’émoussa un peu, je vins à bout de toucher votre main sans frissonner. Vous me montriez le ciel, et j’y montais avec vos ailes.

J’étais heureux cette nuit en me rappelant votre dernier regard, vos derniers mots; je ne me flattais pas, Lélia, je vous le jure, je savais bien que je n’étais pas aimé de vous, mais je m’endormais dans ce mol engourdissement où vous m’aviez jeté. Voici déjà que vous me réveillez pour me crier de votre voix lugubre:—Souviens-toi, Sténio, que je ne puis pas t’aimer! Eh! je le sais, Madame, je le sais trop bien!

Lélia

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