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REGARDS VERS L’EST

En observant les trajectoires qu’ont connues les pays et les régions d’Europe centrale et orientale (ECO) au cours du siècle écoulé, nul ne peut douter que tout ou presque est possible. Durant cette période relativement brève, en effet, ces pays ont reconquis leur indépendance, ils ont subi les affres de la Seconde Guerre mondiale, puis de régimes communistes totalitaires et autoritaires, et ils ont finalement intégré l’Europe, s’extrayant de leur rang périphérique pour s’installer à la « semi-périphérie » du monde développé. Si la « fin de l’histoire » pouvait paraître une hypothèse plausible pour l’avenir des pays d’ECO (PECO) dans les premiers temps de leur appartenance à l’Union européenne, une constellation de phénomènes inattendus a récemment fait vaciller ces espoirs et dressé de nouveaux obstacles sur la route de ces derniers arrivés parmi les États membres.

Ces obstacles revêtent une importance particulière sur deux terrains : la politique et l’économie. Après une phase initiale de convergence institutionnelle, une vague de mouvements populistes de droite a déferlé il y a quelques années dans la majorité des PECO, à tel point que les valeurs européennes de démocratie délibérative et d’État de droit s’en sont trouvées balayées par une centralisation croissante, une atteinte à l’ordre constitutionnel, et même une émergence de manifestations occasionnelles d’un pouvoir autoritaire. Tous les PECO étant en désaccord avec la position de l’UE en la matière, la crise migratoire de 2015-2016 a encore exacerbé ces troubles. À l’heure actuelle, le bien-fondé d’un élargissement vers l’Est, même s’il n’est pas encore ouvertement contesté, semble relever d’un choix géopolitique moins évident qu’il y a dix ans seulement.


EN MARS 2020, LE 55e FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM DE KARLOVY VARY, L’UN DES PLUS ANCIENS FESTIVALS DE CINÉMA AU MONDE, A ÉTÉ ANNULÉ À CAUSE DE LA PANDÉMIE DE CORONAVIRUS.

Tout récemment, la pandémie de coronavirus a ajouté à l’ensemble son lot de difficultés économiques. Il faut se souvenir que les PECO doivent dans une large mesure leur réussite économique à leur intégration dans les chaînes de valeur mondiales et à l’installation de nombreuses industries qui ont quitté l’ouest de l’Europe. L’investissement direct à l’étranger (IDE) a été le principal vecteur du transfert d’innovation et de technologie vers les PECO. La récession mondiale induite par la pandémie a cependant gravement ébranlé les réseaux d’approvisionnement dont les économies des PECO sont fortement dépendantes. De même, la crise sanitaire a mis à mal le secteur de poids du tourisme dans les économies d’ECO.

Les deux terrains difficiles évoqués présentent une dimension régionale manifeste. À l’évidence, les changements politiques fragilisent les autorités locales et régionales qui, dans certains PECO, jouent d’ores et déjà un rôle substantiel dans l’ordre institutionnel de la gestion publique. La crise économique pourrait bien frapper les métropoles formant le cœur des PECO qui, depuis la fin du socialisme, sont devenues les moteurs essentiels de la transformation en attirant un IDE dans les services modernes à haute valeur ajoutée et à forte intensité de connaissances. Le passage au télétravail pourrait porter préjudice à l’emploi métropolitain en ECO, de nombreux bureaux neufs étant désertés, à l’instar des hôtels, appartements et services touristiques à l’arrêt dans les plus grandes villes d’ECO. Dans la même veine, l’affaiblissement des réseaux industriels pourrait compromettre le développement de plusieurs régions industrielles d’ECO qui avaient pourtant réussi leur restructuration, en particulier grâce à l’injection de capitaux en provenance d’Europe occidentale (sur lesquels pèse maintenant la pression protectionniste de plusieurs gouvernements européens).

Faut-il se résigner au pessimisme ? Probablement pas, car les PECO ont prouvé au cours de ces cent dernières années qu’ils sont capables de surmonter les difficultés, même les plus ardues. De surcroît, ils peuvent aujourd’hui bénéficier d’un soutien, d’une protection et d’une aide de l’Union européenne, à laquelle leur société civile accorde une immense estime, même si certaines élites politiques tiennent parfois un discours aux accents eurosceptiques (excepté toutefois lorsqu’il est question de transferts financiers).

Regards vers l'est – Analyse régionale

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