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PRÉFACE

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L’étude des Arts a ce charme incomparable qu’elle est absolument étrangère aux affaires et aux combats de la vie. Les intérêts privés, les questions politiques, les problèmes philosophiques divisent profondément et mettent aux prises les hommes. En dehors et au-dessus de toutes ces divisions, le goût du beau dans les Arts les rapproche et les unit: c’est un plaisir à la fois personnel et désintéressé, facile et profond, qui met en jeu et satisfait en même temps nos plus nobles et nos plus douces facultés, l’imagination et le jugement, le besoin d’émotion et le besoin de méditation, les élans de l’admiration et les instincts de la critique, nos sens et notre âme. Et les dissentiments, les débats auxquels donne lieu un mouvement intellectuel si animé et si varié, ont ce singulier caractère qu’ils peuvent être très-vifs sans grande âpreté, que leur vivacité ne laisse guère de rancune, et qu’ils semblent adoucir les passions mêmes qu’ils soulèvent. Tant le beau a de puissance sur l’âme humaine, et efface ou subordonne, au moment où elle le contemple, les impressions qui troubleraient les jouissances qu’il lui procure!

Aussi les Arts ont-ils ce privilége qu’il peut leur échoir de prospérer et de charmer les hommes aux époques et dans les conditions de société les plus diverses. République ou monarchie, pouvoir absolu ou liberté, agitation ou calme des existences et des esprits, pourvu qu’il n’y ait pas cet excès de souffrance ou de servitude qui abaisse et glace la société tout entière, le goût et la fortune des Arts peuvent se développer avec éclat. Ils ont prêté leur gloire à l’Empire romain comme à la Grèce républicaine, et fleuri au sein des orageuses républiques du moyen-âge comme sous le sceptre majestueux de Louis XIV.

C’est de 1808 à 1814, pendant que la guerre bouleversait l’Europe, et que la France, à la fois trop lasse au-dedans et trop active au-dehors, ne songeait même plus à la liberté, que j’ai appris à admirer, à aimer et à comprendre les Arts dont notre gloire, en se promenant à travers le monde, avait conquis et rassemblé chez nous les chefs-d’œuvre. Je recueille aujourd’hui quelques-unes des études que j’ai faites alors à ce sujet: un Examen critique du Salon de 1810, l’une des plus brillantes expositions de notre École; un Essai sur les liens qui unissent et les limites qui séparent les Beaux-Arts; question fondamentale à une époque où l’esprit d’imitation, souvent irréfléchie et confuse, joue dans les Arts un si grand rôle; enfin la Description des tableaux d’histoire qui ont été gravés dans le recueil publié par M. Henri Laurent, sous le titre de Musée royal, et qui a fait suite au Musée impérial, publié par M. Robillard. J’aurais pu étendre plus loin cette dernière partie, et recueillir aussi la Description des tableaux de genre et de paysage que j’ai également donnée dans le Musée royal. Mais il ne faut pas avoir, pour ses propres souvenirs, tant de complaisance que de les reproduire tous indistinctement devant un public déjà bien éloigné du temps auquel ils appartiennent. J’ai choisi, parmi mes études sur les ouvrages des grands maîtres, celles qui, soit par la célébrité des tableaux mêmes, soit pour l’histoire de l’Art, m’ont paru conserver le plus d’intérêt. C’est assez sans doute, de nos jours surtout où les faits disparaissent et où les hommes oublient si rapidement.

GUIZOT.

Val-Richer, octobre 1851.

Études sur les beaux-arts en général

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