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PRÉFACE

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L'abbé de Condillac, si populaire pendant plus d'un demi-siècle où il représenta presque à lui seul la philosophie française, mérite assurément de figurer parmi les grands écrivains de notre pays. On sait peu de chose sur lui en dehors de ses ouvrages qui furent longtemps célèbres. Le hasard de son affection pour une nièce lui fit acheter pour elle une terre dans l'Orléanais. La fille de cette nièce épousa au milieu de la Révolution un gentilhomme du pays, dont le père, ancien gouverneur de Chambord, avait pu passer tout le temps de la Terreur près de Beaugency. Petit-fils de Louis-Joseph Bodin de Boisrenard et de Marie-Benoîte Métra de Sainte-Foy, j'ai pu recueillir sur mon grand-oncle des traditions orales, des pièces autographes, des portraits, des actes authentiques et nombre de livres lui ayant appartenu. De cet ensemble a été composée cette notice qui, dénuée de toute prétention philosophique, n'a d'autre but que de rappeler la mémoire d'un auteur assurément très remarquable par sa simplicité, sa précision, la pureté de sa langue, l'influence qu'il a exercée sur son époque. Condillac n'est point un esprit original; il n'invente rien. Mais doué d'une intelligence très observatrice et très réfléchie, il s'assimile facilement toutes les idées de son temps: il ne les devance pas; mais il les expose très clairement avant que tout le monde ne les ait comprises et acceptées. Au déclin du règne de Descartes, il se met à la tête des adversaires du grand philosophe français, adopte et présente les idées de Locke, en pousse à l'extrême les conséquences. Très attaché à la foi monarchique, il semble marcher d'accord avec tous les ennemis de la société d'alors. Déiste et même catholique, il se défend du matérialisme; mais son système philosophique y conduit les autres; il abandonne Paris quand il entrevoit la conséquence des doctrines que professaient ses amis. Arrive le mouvement économique de la fin du dix-huitième siècle, la vogue de Quesnay, de Turgot, de Lavoisier, des physiocrates: Condillac épouse leurs doctrines, d'autant que, dans la solitude de la campagne, il est devenu un passionné d'agriculture, dont-il encourage tous les progrès; mais en même temps, il laisse son frère Mably attaquer les bases du gouvernement et préparer la Révolution, qu'il aperçoit non sans terreur dans un avenir prochain. Précepteur d'un prince, il avait pris sa petite part des abus de l'ancien régime, ayant été vingt ans titulaire d'une abbaye en Lorraine dont il touchait les revenus et administrait les biens, sans jamais avoir daigné s'y rendre.

Et de même, sa philosophie répondait bien à son temps, par son apparence scientifique et par son absence de toute sanction morale. Une société corrompue n'aime pas qu'on lui rappelle qu'elle a des devoirs. Et quand elle a renversé ou oublié tous les principes sous lesquels elle avait longtemps vécu, un enseignement philosophique clair, élégant, facile à comprendre est bien ce qui convient aux nouvelles générations. De là, le succès presque involontaire de la philosophie de Condillac. Il fallut pour la détrôner tout le mouvement allemand venu à la suite de Kant et la réaction spiritualiste qui commença sous la Restauration avec l'éclectisme de Cousin. Mais ce néo-cartésianisme n'eut d'autre durée que celle d'un enseignement universitaire imposé aux maîtres et aux élèves. Le moindre changement d'orientation devait laisser le champ libre à de nouvelles doctrines, si multiples et si diverses qu'on serait bien embarrassé de dire aujourd'hui quelle est la vraie école de philosophie française.

Condillac devait gagner une nouvelle notoriété à ce mouvement d'idées. Depuis quelques années, on revient sinon à sa philosophie, du moins à l'étude de ses ouvrages. On a remis son Traité des sensations dans le programme des examens pour les grades universitaires. De nombreux travaux, français et étrangers, des thèses de doctorat ont pris pour sujet ses théories philosophiques. Il est devenu en quelque sorte un classique, et il a sa place marquée dans l'histoire de la langue et de la littérature. Au fond, l'esprit humain, quelque variés que soient ses moyens, quelques génies qu'il produise, ne saurait s'écarter des deux grandes lignes qui depuis Platon et Aristote, saint Anselme et saint Thomas, Descartes et Bacon ont toujours été suivies par les penseurs: le rationalisme ou l'empirisme, le spiritualisme ou le matérialisme, l'idéal ou la réalité, les deux principes ou les deux passions qui dominent le monde.

Condillac: sa vie, sa philosophie, son influence

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