Читать книгу Makossa Love. Tome 1 : La très amusante et passionnante recherche de la femme blanche, " Madame Visa ". Roman - Guy Dantse - Страница 5
C'EST AINSI QUE TOUT COMMENÇA
Douala, Cameroun, début de l'été 2005
Оглавление— Hé Rita, je viens juste de lire quelque chose de très intéressant sur internet.
Rita fit comme si elle n'avait rien entendu.
Elle en avait marre d'entendre toutes les annonces de Johnny Walker, qui s'avéraient n'être que du vent. De plus, aujourd'hui elle avait une raison supplémentaire d'être énervée contre lui.
— M'as-tu entendu, Rita ? Demanda Johnny.
— T'entendre ? Est-ce qu'internet paye les factures d'eau ou d'électricité ? La nourriture pour les enfants, Evarist ? Répondit Rita.
Johnny savait très bien, que lorsqu'elle l'appelait Evarist, elle était furieuse.
Johnny Walker n'était pas son vrai nom. Son vrai nom était Mendo choup ke joug Evariste Dieu ne dort. En raison de son attrait prononcé pour le whisky, ses amis l'avaient surnommé Johnny Walker, ou J.W., en référence à la marque de Whisky éponyme. Certains l'appelaient simplement Johnny Waka. Au Cameroun, on appelle Waka, une personne qui a de nombreux partenaires sexuels.
Oui, Johnny Walker était l'incarnation même d'un homme qui vivait à 100% : vivre pleinement, vivre simplement comme si le monde pouvait s'écrouler le jour même. Monsieur La Vie (Mister Life), comme on l'appelait dans tous les bars et toutes les discothèques de la ville, aimait la vie. Mais pas n'importe laquelle, il aimait la belle vie, agréable ! Il n'était pas moche, mais n'avait rien d'extraordinaire non plus. On se demandait souvent pourquoi J.W. avait autant de succès avec les femmes, bien que son porte-monnaie soit constamment vide.
J.W. avait 32 ans, mais quand est-il né exactement ? Personne ne le savait. Il jouait volontiers à propos de cela. Lorsqu'on lui posait la question, il répondait simplement : « Je suis né en 1973, pendant la saison de récolte du maïs ».
Il est né au Cameroun occidental, dans une belle région montagneuse, dans la ville de Bangangté. Bangangté se trouve dans le département du Ndé, en pays Bamiléké. Il se vantait de venir du Ndé. Les habitants de cette région considèrent que le nom « Ndé » est un sigle signifiant Noblesse, Dignité et Élégance. Et c'est ainsi qu'il essayait toujours de se conduire ; tout du moins en ce qui concerne l'élégance.
Alors qu'il n'avait que dix ans, ses parents furent mutés à Bafoussam. Bafoussam est le chef-lieu de la région Bamiléké. Le pays de la Terre Rouge. Il est fréquent au Cameroun, que les fonctionnaires d'état soient mutés de ville en ville afin que leurs services puissent être proposés à toutes les populations. C'est ainsi que l'unité du pays et le sentiment d'appartenance se renforcent.
Il est le dernier-né d'une famille de sept enfants, il a deux frères et quatre sœurs. On comprend aisément qu'il fut, de ce fait, très choyé. Il était le chouchou de la famille. Il n'a jamais appris à faire d'effort pour obtenir ce qu'il voulait. Tout lui était apporté sur un plateau d'argent et cette situation lui convenait parfaitement.
Après l'obtention de leurs baccalauréats, ses deux frères et trois de ses sœurs étaient partis étudier en Europe ou aux USA. Ils lui envoyaient régulièrement de beaux vêtements, des jeux récents, etc. Tous les enfants de la ville, garçons comme filles, voulaient être amis avec lui. On le surnommait à l'époque le « Hot Guy ».
Une soirée sans lui ne valait pas le coup. Il était le centre des événements de la ville.
Les jeunes passaient tous leurs mercredis après-midi ainsi que les samedis et dimanches sur le terrain de sport « La Pelouse », derrière la mairie de Bafoussam. Ces jours-là, des élèves de différentes écoles se retrouvaient, soi-disant, pour faire du sport. Mais en réalité, il s'agissait plus de faire le show, de savoir qui avait les chaussures les plus récentes, le téléphone le plus moderne et de draguer les filles.
Hot Guy était toujours le mieux habillé, il avait toujours quelque chose de neuf sur lui et souvent de délicieuses friandises en provenance d'Europe à distribuer. Elles lui étaient envoyées par ses frères et sœurs.
On aurait pu s'attendre à ce qu'il se vante. Mais étonnamment, Johnny n'était pas arrogant ou snob. Il était toujours de bonne humeur, toujours souriant. Il ne brusquait jamais ses amis et était très serviable. Il donnait aussi sans compter.
À l'époque, on pouvait déjà remarquer qu'il était très intelligent. Quand il avait quelque chose en tête, rien ni personne ne pouvait l'empêcher de le réaliser.
Il était sûr de lui, empli d'assurance. Déjà petit écolier, il dégageait un charisme irrésistible, bien qu'il ne soit pas le plus beau de sa classe.
Il finit l'école avec succès. Après son bac, qu’il a réussi avec la mention très bien, il partit étudier dans la capitale économique du pays : Douala.
Un an plus tard, son père mourut dans un accident mystérieux. Tout le monde parlait de magie noire, on disait que son père faisait partie d'une loge satanique. En Afrique, on ne meurt pas de causes naturelles. Il y a toujours une raison lorsqu'un homme meurt. On raconta beaucoup d'histoires à ce sujet : par exemple, un homme raconta que le père de Johnny devait mourir, car il n'avait pas voulu faire de sacrifices. Il n'avait pas voulu payer le prix pour son succès fulgurant malgré le pacte passé avec des esprits. En punition, il devait donc mourir dans un accident bizarre pour effrayer les gens dans la même situation. L'accident était effectivement très étrange. Il était en route entre Bafoussam et Douala, sur les plus belles routes du Cameroun qui serpentent entre les montagnes, dans un paysage magnifique, quand il eut l’accident de voiture, sans aucun dommage matériel ou physique. On a retrouvé sa voiture au milieu de la route, le moteur encore chaud, il était simplement assis derrière le volant comme s'il se reposait. Mais il était mort. Il y avait aussi un boa dans la voiture, qui était mort lui aussi. Voilà pour l'histoire.
Un boa ?! En pleine journée ?! Dans une voiture climatisée ?! Bien que personne n'ait vu le boa, et qu'il n'y avait aucune preuve de sa présence, cela suffit pour réveiller l'imaginaire des gens : « C'est un sectaire » (il fait partie d'une société secrète). « Maintenant on comprend pourquoi il avait tant d'argent » et « Oui, tous ses enfants sont en Europe », disaient les uns, « Oh oui et son frère qui est mort il y a cinq ans ! Peut-être l'a-t-il tué pour ce pacte… ? », disaient les autres. Il était donc clair que cet homme faisait partie d'une secte. Il avait gagné son argent par le sang et c'est pour ça qu'il était mort. Que ce soit vrai ou pas, n'intéressait personne. Seule l'histoire intéressait les gens.
Suite au décès de son père, les huissiers avaient pris possession de tous leurs biens à cause de prétendues dettes, cela n'était donc plus simplement des bruits de couloir, mais cela devenait tangiblement la vérité. Cet homme faisait partie d'un groupe mystique qui vénérait le diable. Tu peux avoir tout ce que tu veux : gloire, argent, succès... mais à un moment donné tu dois forcément en payer le prix et toutes tes richesses disparaissent simplement après ta mort, comme elles sont apparues.
Ces gens-là sont certes physiquement morts, mais ils continuent à vivre dans un autre monde, où ils devront travailler éternellement pour rembourser tout ce qu'ils ont pu avoir sur terre. C'est leur punition. C'est en tout cas ce qu'on raconte au Cameroun.
C'est ainsi que dans la culture et les croyances africaines, les morts ne sont pas vraiment morts. Ils continuent à vivre. C'est pourquoi le culte des morts est très important. Ils continuent à vivre, dans une autre dimension certes, mais voient tout ce qui se passe sur terre et on peut également entrer en contact avec eux. On entend de partout des histoires de gens, qui ont vu le fantôme d'un membre de leur famille africaine et qui ont pu discuter avec lui. C'est ainsi qu'on peut notamment connaître les raisons de sa mort.
Cette histoire a beaucoup marqué Johnny, car elle était fausse. Tout son monde s'est écroulé après la mort de son père. Il ne pouvait plus se payer le luxe et la belle vie qu'il menait jusqu'alors. Ses frères et sœurs en Europe et en Amérique avaient eux aussi leurs propres familles, ils ne pouvaient pas, et ne voulaient plus s'occuper de lui. Mais il tint le coup, courageusement.
Le temps passa, il avait désormais 32 ans. Assez vieux, pour découvrir le monde par lui-même. Entre-temps, le « Hot Guy » devint Johnny Walker à Douala. Il finit ses études de philosophie et de psychologie à 27 ans. Mais que pouvait-il faire de ça au Cameroun ? Être professeur et gagner 200 € par mois ? Non, cela était trop peu pour cet homme ingénieux. Il vivait de petits boulots et grâce à de riches femmes mariées qui cherchaient de beaux jeunes hommes pour prendre du plaisir.
Il était très étonnant de voir comment Johnny Walker s'était adapté à sa nouvelle réalité. Il ne s'était jamais plaint. Il n'avait rien perdu de sa dignité et de son élégance. Il développait des stratégies pour vivre. Certains appelleraient ça survivre, mais Johnny Walker ne faisait pas partie de ces hommes qui ne laissent rien transparaître quand quelque chose n'allait pas bien. Non, il était trop fier pour ça.
Il s'achetait des vêtements de marque venant d'Europe dans des magasins de seconde main. Il les faisait laver dans des laveries modernes et ils en ressortaient comme neufs, ainsi, il était toujours parfaitement habillé, comme avant.
Les femmes l'aimaient. Des bruits couraient que c'était un étalon au lit, mais qu'il était tendre, doux et attentionné. On disait, qu'il était désormais blacklisté de certains hôtels de passe lorsqu'il était en compagnie d'une femme. La raison en était les cris perçants des femmes qui dérangeaient non seulement les clients de l'hôtel, mais aussi le voisinage. La police avait dû intervenir plusieurs fois afin qu'il soit plus silencieux. C'est ainsi que, sans le vouloir, Johnny devint un coureur de jupons à Douala.
Il vivait dans un appartement 3 pièces, paisible, dans un quartier lambda du quartier de Bonaberi avec Rita et leurs deux enfants.
Il n'était peut-être pas heureux de sa nouvelle situation, mais il avait su l’accepter. Il ne se plaignait jamais. Quand il avait de l'argent, il fêtait toute la soirée, dépensant jusqu'au dernier centime. Le jour suivant, sans un sou, il restait simplement à la maison à lire, sans déranger personne ou alors il passait du temps chez Wadjo, un musulman du nord du Cameroun qui tenait un petit cybercafé.
C'est ainsi que J.W. avançait dans la vie, toujours de bonne humeur, avec ou sans argent.
Toutes ses tentatives pour obtenir un visa pour l'Europe ou les États-Unis avaient échoué. Mais même ces désillusions n'ont pas pu avoir raison de son optimisme et de ses envies. Il savait qu'un jour son tour viendrait.
Il avait des centaines d'idées pour trouver de l'argent, mais n'en menait aucune au bout. Lorsque Rita lui rétorqua, déçue, que ses nouveaux espoirs n'étaient que du vent, il lui répondait toujours : « Rita, attend, un jour, je changerai ta vie. Sois patiente. Peu importe combien de temps dure la nuit, un jour le soleil se lèvera. Le soleil brille pour chaque homme et il brillera un jour pour nous ».
Et il répéta sa déclaration depuis le début : — Je te dis que j'ai lu quelque chose d'intéressant sur internet et cela ne t'intéresse même pas.
Rita jeta un coup d'œil dans sa direction, leva les yeux au ciel puis le dévisagea des pieds jusqu’à la tête comme seules les Africaines savent le faire, puis recommença à couper ses légumes pour le repas du soir.
Johnny Walker avait l'habitude de sentir ce regard désobligeant sur lui. Il savait très bien qu'il avait déjà fait beaucoup de promesses, suscité beaucoup d'espoirs et que, jusqu'à présent, rien n'avait fonctionné. Malgré tout, il ne doutait jamais qu'un jour, son tour viendrait. C'est pourquoi, il n'était pas surpris de voir Rita réagir ainsi.
Il s'en doutait. Il essaya encore une fois : — Rita, je te le dis, le savoir et l'information, c'est ça le vrai pouvoir, ça vaut plus que l'argent. Si tu as les bonnes informations et les connaissances requises, tu peux construire New York en un jour, lui dit-il avec un air très sérieux.
Rita ricana et dit : — Eh bien ! Avant de construire New York en un jour, je te remercie de bien vouloir payer la facture d'eau. L'eau a été coupée aujourd'hui, pour une facture de 15 € et toi, toi tu es assis des heures durant devant ton putain d'internet ou alors tu te tapes cette fille, si jeune qu'elle pourrait être ta fille. Et tu as le culot de venir ici, et de me raconter comment tu vas construire New York en un jour. Tu n'as pas réussi à ramener 15 € en deux semaines, mais tu veux construire New York en un jour. Je t'en prie, c'est du n'importe quoi.
J.W. n'était pas préparé à cela. Il semblait abasourdi. Rita n'était jamais allée aussi loin.
Il se demandait comment Rita avait découvert qu'il sortait avec une très jeune fille.
Johnny Walker était contrarié et en colère. Il essaya de se contrôler pour ne pas perdre sa dignité et lui rétorqua : — Hé toi, femme, pour qui donc te prends-tu ? Qu'est-ce que tu fais au juste, ici ? Va et cherche-toi un homme qui pourra s'occuper de toi. Est-ce qu'on t'a lié ou coupé les mains, que tu ne puisses pas financer ta propre vie ? Tu as deux jambes, comme moi, mais tu restes volontiers assise à la maison, à attendre que le prince charmant arrive. Et non, ce n’est pas comme ça que ça marche. J'ai du succès, même sans argent. Ne vois-tu pas toutes ces femmes qui me courent après ? Et une petite Tutsie comme toi pense qu'elle peut rivaliser avec moi ?
Il fit comme s'il était terriblement blessé. C'est ainsi que font beaucoup d'hommes africains, lorsqu'ils se sentent honteux, pour éviter de devoir s'expliquer.
Il se retourna et partit.
Il savait cependant que Rita avait raison. Et c'était d'ailleurs la raison pour laquelle il était si énervé. Rita avait ébranlé sa conscience. Il avait tellement honte, mais il ne voulait en aucun cas le laisser transparaître. Il pensait pourtant avoir bien caché sa relation avec la jeune fille. Comment Rita l'avait-elle su ? Combien de personnes le savait ? Seul Wadjo était au courant dans son quartier. Est-ce que Wadjo l'avait trahi ? Il savait que Wadjo avait eu des vues sur Rita. Mais en Afrique, les hommes savaient garder leurs arrangements secrets.
Il pensa à la facture d'eau : « Je sais bien que c'est vraiment irresponsable de ne pas avoir payé la facture d'eau et d'avoir dépensé l'argent avec la petite », reconnut-il.
Il retourna à l'intérieur, prit la facture d'eau sans daigner regarder ou adresser la parole à Rita. La facture était là depuis deux semaines. Il avait eu l'argent pour la payer, mais Johnny Walker ne serait pas Johnny Walker s'il n'avait pas utilisé l'argent pour acheter un cadeau à sa nouvelle flamme, Nicole, une étudiante de 18 ans.
À cause de Nicole, Johnny Walker était à court d'argent depuis quatre semaines. Il gagnait de l'argent auprès de femmes mûres et mariées et dépensait tout pour Nicole.
Nicole était une fille magnifique, douce et noire comme l'ébène avec un superbe visage. Jennifer Lopez serait sûrement jalouse de son derrière : rond, mignon, soutenu par de longues jambes de mannequin. Ses seins étaient ronds, fermes et pointus avec de gros mamelons.
Johnny Walker l'avait rencontré dans un cybercafé d'un autre quartier, appelé Akwa. Elle l’avait totalement fasciné, mais elle ne l'avait même pas remarqué. Nicole, comme beaucoup de Camerounaises, était en train de tchatter sur un site de rencontre « vientetlaissetoiaimer.com » et espérait ainsi avoir la chance de rencontrer l'homme de ses rêves : Mr Visa pour l'Europe ! Elle entendait par là trouver un Européen assez âgé, ils discuteraient sur internet et apprendraient ainsi à se connaître, elle lui promettrait l'amour, l'épouserait et pourrait ainsi partir en Europe avec lui. Certains de ces hommes sont tellement insupportables, que les Camerounaises disparaissent dès qu'elles mettent leurs pieds en Europe. Beaucoup cependant, jouent le jeu jusqu'à ce qu'elles obtiennent leurs papiers puis elles les quittent du jour au lendemain.
La jeune fille plut beaucoup à Walker. Il la voulait.
Johnny Walker avait déjà une petite idée, comme toujours. Après être allé à la réception et avoir bavardé avec le caissier, il s'en alla rapidement sans être vu.
Le jour suivant, il retourna au cybercafé et le caissier lui remit un bout de papier et Johnny Walker disparut pour toujours de ce lieu.
Après sa dispute avec Rita, il erra dans le quartier, réfléchissant à comment il pourrait trouver de l'argent. Il ne pouvait même pas appeler une de ses maîtresses. Il n'avait aucun crédit de communication sur son téléphone portable. Mais il devait impérativement payer la facture d'eau. Il était primordial que la facture soit payée cet après-midi-là.
Il retourna voir Wadjo, le propriétaire du cybercafé. Après 5 minutes d’entrevue, il ressortit les mains vides. Wadjo ne voulait plus lui prêter d'argent. Il devait au moins, rembourser une part de sa dette avant de pouvoir à nouveau téléphoner ou surfer depuis le cybercafé.
Il était là, debout devant le café, sous la chaleur étouffante de Douala. Il faisait plus de 32 degrés à l'ombre. L'air était lourd et il se sentait tellement étouffé. Même sans bouger, on transpirait à grosses gouttes comme s’il pleuvait.
Soudain, tout le dérangea : cette circulation intense sous ses yeux, ce trafic sans aucune règle, la façon de conduire des automobilistes, les taxis jaunes se battant contre les motos-taxis et autres véhicules.
Il se rendit soudain compte à quel point la conduite était dangereuse à Douala. Les plus dangereux étaient les taxis-motos. Avec deux ou trois passagers sur la moto, ils coupaient la route ou essayaient de doubler les automobilistes sans avertissement, peu importe d'où ils venaient. Peu importe que cela soit possible ou non. On entendait constamment des klaxons de partout. Ils tournaient à gauche, puis à droite, sans jamais se demander si quelqu'un arrivait du même endroit. Les rues toutes cabossées rendaient la conduite digne d'une aventure en pleine jungle. Comme disait le dicton : « Je regarde devant moi et le destin veille sur mes arrières ».
Johnny Walker se demandait pourquoi il ne l'avait encore jamais remarqué. Il secoua la tête et se dit silencieusement : « De toute façon, je ne serai bientôt plus là, je serai bientôt loin de ce pays ».
Cette certitude qu'il quitterait bientôt son pays pour l'Europe - paradis de l'argent sur terre - lui redonna du courage et de la motivation.
N'ayant pas d'argent pour payer un taxi moto (15 cents), il se décida à marcher jusqu'au quartier de Bonanjo, où avec de la chance, il rencontrerait peut-être une nouvelle conquête dans un bar populaire. Cela faisait environ 5 à 8 km à marcher sous cette chaleur étouffante.
Alors qu'il s'apprêtait à quitter la terrasse du cybercafé afin de se rendre à Bonanjo, son téléphone sonna. Il s'extasia : « Dieu n'oublie pas ses enfants. Cela doit être une ces femmes mariées ».
Tout souriant, il essaya de sortir le téléphone de sa poche de jeans, mais, comme le plus souvent, il ne fut pas assez rapide. Il avait essayé malgré tout d'appuyer dans sa poche sur la touche verte pour décrocher comme pour signaler à son interlocuteur qu'il était bien là où pour le stimuler à le rappeler. Mais tout était déjà redevenu silencieux. Il jura à haute voix et était tellement énervé, car il venait certainement de laisser passer une belle opportunité de gagner un peu d'argent. Maintenant, il allait devoir marcher sous cette chaleur écrasante, sans être certain de pouvoir rencontrer une femme.
Wadjo, qui avait tout observé depuis le Cybercafé, se moqua de lui : — Johnny Waka, ainsi va la vie, Dieu n'oublie pas ses enfants, haha, haha !
Johnny l'ignora et regarda son mobile afin de voir qui l'avait appelé. Son pouls s'accéléra et il fit un signe de croix.
— Que se passe-t-il, J.W. ? Demanda Wadjo.
Très content, Johnny se retourna vers lui et dit simplement : — Tu as raison, Dieu n'oublie vraiment pas ses enfants ! Il s'en alla donc de bonne humeur vers Bonanjo.
En chemin, il se demanda ce qu'il aurait fait s'il avait décroché le téléphone. Nicole était bien la dernière personne qu'il souhaitait voir aujourd'hui. Il était bel et bien un enfant béni, se dit-il. Il était vraiment heureux de ne pas avoir réussi à sortir assez vite le téléphone de sa poche. Aujourd'hui, il ne devait pas voir Nicole. Il devait tout d'abord trouver de l'argent, puis payer la facture, et enfin, ramener un petit cadeau à Rita pour se faire pardonner.
Rita était réellement une femme adorable, patiente, maternelle, mais elle avait une très forte personnalité. Les hommes étaient toujours incertains quand ils se trouvaient à ses côtés. Mais elle faisait tellement de bien à Johnny, et surtout elle était toujours là pour l’épauler.
Johnny Walker changea de trottoir afin de pouvoir marcher à l'ombre des arbres. Il était trempé de sueur ; sous sa chemise qui lui collait à la peau, on pouvait deviner son corps musclé. J.W. aimait prendre soin de son corps et faisait régulièrement du sport. Il était conscient que son corps était son gagne-pain. Un capital qu'il devait bien entretenir afin de bénéficier des intérêts. C'était exactement ce qu'il avait compris sur internet aujourd'hui. Dommage que Rita n'eût rien voulu entendre.
Tout d'un coup, un taxi moto freina juste devant lui, sans prévenir, avec trois passagers sur la moto. Johnny Walker réussit à l'esquiver de peu et tomba sur le sol sableux. Il se retrouva dans un état pitoyable. Sa chemise blanche était toute tachée de rouge. Son jean était déchiré au niveau de l'entrejambe. « Il ne me manquait plus que ça ! », pesta-t-il à haute voix.
Le motard ne ralentit même pas, il dérapa à gauche, à droite, plusieurs fois de suite et réussit à reprendre à temps le contrôle de l’engin alors qu'un bus bondé sortait de ce côté-là. Il entendit juste le son de la voix du conducteur, qui avait dit quelque chose du genre : « Et connard, veux-tu me vendre ? Cherche-toi quelqu'un d'autre, imbécile ! » Vendre quelqu'un au Cameroun, signifie sacrifier une personne pour devenir riche ou puissant.
Toute la scène était incroyable. Le motard était en tort, il risquait sa vie et celles de ses passagers, mais c'était lui qui se plaignait. Aucune remise en question. La moto était déjà loin. « Typique pour le Cameroun », dit Johnny. « Que vaut la vie d'un homme ici ? Ils conduisent comme s'ils étaient immortels ».
Il se releva, regarda à quoi il ressemblait et comme à son habitude, il rigola à nouveau. Il avait un plan pour expliquer aux femmes qui pourraient le voir dans cet état, la raison de sa tenue misérable. Une situation qui semblait si difficile aux yeux de n'importe qui, n'était qu'une belle opportunité pour Johnny Walker de se mettre encore en avant.
Il continua donc son chemin, avec toute sa dignité. Juste avant d'arriver dans la rue où se trouvaient les bistros et les bars, son téléphone sonna à nouveau. Il hésita et réfléchit rapidement. Qui pouvait bien l'appeler ? Il espérait que ce ne soit pas Nicole. De toute façon, il n'allait pas décrocher son appel. « Cette Nicole commence lentement à m'énerver », dit-il, sachant pertinemment qu'il était en tort si la situation entre eux était ainsi.
Il ne pouvait pas se passer de Nicole et de son magnifique corps, si sensuel (rien que le fait de penser à elle lui provoquait une superbe érection).
Le problème était qu'il s'était présenté à Nicole comme un riche New Yorkais. Il s'était présenté comme Johnny Fuck Me Walker. Cela sonnait tellement américain. Il prétendait n'être là que pour passer quelques semaines de vacances et en profiter pour acheter quelques biens immobiliers.
Maintenant, Nicole pensait avoir tiré le gros lot. « Il n'est pas seulement mon visa pour l'Amérique et un homme riche, non, en plus, c'est un Africain, un Camerounais. Oui, un homme comme lui, on peut l'aimer, et il le faut », racontait-elle partout.
Sa chance était parfaite. Du moins, le pensait-elle. Une vilaine surprise l'attendait. Mais tout ce récit dramatique sera développé dans un autre livre : « Johnny Fuck Me Walker, le riche New Yorkais et mon prince rencontré sur internet en Afrique ».
La personne qui appelait n'avait pas envie d'abandonner si vite. Après plusieurs appels, il se décida à savoir de qui il s'agissait. Son cœur se mit à battre plus vite, un énorme sourire illumina son visage.
— Allô, ma chérie, mon amour de tous les jours, entendit-il dire.
— Où es-tu ?
— Je t’aime à en mourir, sans toi que deviendrait ma vie ? Je pense à toi sans cesse, alors je me suis mis en route en espérant te voir à Dubaï.
— … C’est vrai je te dis, mon miel, et en marchant avec ton image qui me fait perdre la tête, oubliant que j’étais sur une route, une moto m’a renversé. Viens vite, je suis assis au bord de la route et je t’attends, je n’en peux plus. Pourquoi dois-je autant souffrir ? Dois-je souffrir autant par amour pour toi ?
Sa gestuelle et ses mimiques représentaient exactement ce qu'il disait. Par exemple, lorsqu'il dit qu'il était assis au sol, il le fit également et s'assit au sol.
Mais comme nous l'avons déjà dit, Johnny Walker était maître dans l'art de planifier, même dans des situations où beaucoup auraient perdu leur patience. Son plan allait bientôt débuter. Il savait très bien qu'Amina allait accourir rapidement. Ses mots avaient fait leur effet. Il en était certain.
Ce n'est pas comme si les Camerounaises ne savaient pas que ces magnifiques mots, ces poèmes d'amour, n'étaient que des jeux. Elles le savent et elles aiment ça. Elles font la même chose. Sur le moment, on profite simplement des mots, on se réjouit d'être quelqu'un de spécial, d'être adulé. Ce sentiment fait du bien, détend l'atmosphère et rend heureux. Quand on veut passer quelques heures ensemble et se sentir bien. On fait un compliment à l'autre et on profite du spectacle, surtout entre deux amoureux. La flatterie fait partie du jeu. « On ne vit qu'une fois », disent les Africains.
C’est aussi vraiment le cas que les Africains sont avares de mots lorsqu'il s'agit du vrai amour. Johnny n'aurait jamais parlé ainsi si Amina était sa femme ou sa petite amie officielle. Il faut donc faire attention lorsqu'un homme commence à vous conter fleurette. On peut facilement en déduire, qu'on n'est qu'un simple « passe-temps » pour cette personne et qu’il ne faut sûrement pas perdre la tête.
Amina arriva très vite à ses côtés. C'était une femme très attirante, milieu de la quarantaine, mariée avec un homme riche de la ville et mère de quatre enfants. Elle récupéra rapidement J.W., et roula rapidement avec lui ailleurs, dans un endroit discret où on ne les verrait pas ensemble.
— Oh, mon chou, qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? Demanda-t-elle.
— À cause de toi mon bonbon, à cause de toi, dit seulement Johnny qui s'affala sur le siège passager en fermant les yeux.
C'est la première fois qu'Amina le voyait faible et impuissant. « Il est encore plus mignon ainsi », pensa-t-elle tout en ressentant une envie immédiate de faire l'amour avec lui.
Ils roulèrent sur l'imposant pont du Wouri dans le quartier de Bonaberi. Amina gara sa Porsche Cayenne derrière le cybercafé, mais laissa le moteur tourner pour garder la climatisation allumée et l'air frais dans la voiture.
Johnny Walker descendit et rentra aussi vite que possible chez lui. En entrant, il découvrit trois bidons remplis d'eau. Rita avait demandé de l'eau au voisin. Il eut tellement honte de prendre un peu de cette eau pour se laver les mains et la tête. Puis il passa rapidement et rentra silencieusement tel un chat dans sa chambre. Rita était en train de se doucher et fit comme si elle n'avait entendu personne rentrer dans la maison. Cinq minutes plus tard, Johnny avait fini de s'habiller, il ressemblait à nouveau à Johnny Walker : élégant comme une star de cinéma.
Tandis qu'il allait quitter l'appartement sur la pointe des pieds, une voix retentit des toilettes. « Malheur à toi si tu ne vas pas payer la facture aujourd'hui. Je te préviens Evarist Dieu ne dort ». La voix de Rita était claire et déterminée. Il savait par expérience que quand elle l'appelait par son vrai nom, qu’il était dans de beaux draps et qu’il devait faire attention. Il entendit comment il avait dit « Oui » comme un enfant avant de disparaître. Il ne comprenait pas d'où les femmes camerounaises trouvaient cette force et cette audace. Et dire qu'on les appelait le sexe faible. Connerie ! Pensa-t-il. Ce ne sont que des balivernes pour mieux dominer les hommes, se dit-il alors qu'il était à nouveau dans la rue.
Une fois dans la voiture, il discuta longuement avec Amina puis les deux se rendirent au « Snec », l'administration des eaux où Johnny a effectivement réglé sa facture. Cependant, il y eut un problème. L'eau, plus précisément le compteur, devait être ramenée sur place. Mais l'employé qui avait retiré le compteur, avait malencontreusement oublié de le ramener au bureau. Au Cameroun, lorsque vous ne payez pas votre facture d'eau ou d'électricité, on vous enlève entièrement le compteur.
Une discussion houleuse se tint dans le bureau de la Snec : — Comment a-t-il pu oublier d'amener le compteur ici ? Ce n'est qu'une escroquerie afin d'obtenir plus d'argent !
La réceptionniste l'ignora littéralement et pria le client suivant de rentrer. Johnny dit : — Je ne bougerai pas d'ici. Tant que vous n’aurez pas remis mon compteur en place, personne d'autre ne sera servi.
La réceptionniste le regarda avec dédain et lui dit : — Monsieur, cela m'est bien égal. Si ça ne tient qu'à moi, vous pouvez bien passer toute l'après-midi et toute la nuit ici. Je n'ai pas à servir quelqu’un, et elle disparut dans l'arrière-boutique.
Des querelles débutèrent maintenant entre les autres clients, qui souhaitaient, eux aussi, payer leurs factures. Certains s'en prenaient à Johnny, d'autres témoignaient de la compréhension à son égard : — Il a payé, on doit bien lui remettre l'eau. C'est son droit, disait une femme. Un homme lui répliqua : — Oui, mais s'il avait payé à temps, son compteur serait encore à sa place, dans sa maison. Est-ce que nous aussi, nous devons voir nos compteurs retirés parce que nous ne pouvons pas payer notre facture ? Il ne doit pas être égoïste.
Une dispute commença entre les gens qui voulaient payer et Johnny. La réceptionniste revint s'asseoir sur sa chaise et commença à lire le journal, pour montrer encore plus son indifférence. Le ton monta encore et une personne de la sécurité finit par venir voir ce qu'il se passait.
La réceptionniste lui expliqua l'histoire et il se dirigea immédiatement vers Johnny : — Monsieur, dégagez, lui dit-il sur un ton qui ne laissait place à aucun doute, si besoin il utiliserait la force pour le mettre dehors.
Johnny demanda seulement : — Pourquoi ?
La réceptionniste se leva soudainement et dit à haute voix : — Eh Monsieur, déguerpissez, vous n'avez pas honte ? Puis elle continua : — Vous laissez votre compteur se faire enlever pour 15 € et vous osez venir râler ? Je vous le jure, tant que je travaillerai ici, vous n'aurez pas votre compteur avant une bonne semaine. Vous pouvez aller vous plaindre au président du pays, car mon chef n'aura pas son mot à dire.
Johnny répondit : — Ah, oui, encore une Camerounaise avec une grande bouche ! Qui es-tu ? Pauvre simple employée de rien du tout ? Tu crois que je peux sortir avec toi ? Avec ton cul si gros qu'on pourrait faire tenir un enfant dessus sans aucun appui. Tu veux vraiment faire comme si tu avais du pouvoir ? Analphabète. Mon amie peut t'engager comme femme de ménage pour sa voiture et elle te payerait alors dix fois plus que ce que tu gagnes ici.
La femme ne se laissa pas impressionner et répondit : — Ah oui, vraiment, vous rentrez ici en costume comme si vous étiez quelqu'un. Mais en réalité vous n'êtes personne. Vous êtes fauché comme un rat d’église. Et vous vivez aux dépens de cougars, qui ont tout loupé dans leur jeunesse et pensent pouvoir s'acheter tous les hommes avec de l'argent. Vous êtes un gigolo, mieux un misérable bordel et je vous préviens : un simple appel et mon mari vous fait enfermer. Raté, couille molle, bordel - sortez tout de suite si vous...
C'est à ce moment-là que même l'homme de la sécurité intervint pour calmer la femme : — Ma sœur, laisse tomber, où bien y a-t-il autre chose ? Est-ce qu'il s'agit vraiment encore du compteur ?
La femme continua : — Non, grand frère. Les hommes comme lui doivent être remis à leur place. Il a de la chance que je sois bien lunée aujourd'hui, sinon...
Et elle le pensait réellement. Johnny était impressionné et se demandait comment elle serait si elle était hors d'elle ?
Johnny Walker, le grand Johnny Walker n'avait jamais rien vécu de tel. Il dit simplement : - Eh, Madame, excuse-moi. As-tu rêvé de moi cette nuit ?
Il savait que lorsqu'il s’agit d’avoir la langue bien pendue, on ne peut pas rivaliser avec les femmes africaines. Elles sont beaucoup trop fortes et invincibles en la matière. Et il pensa encore une fois à Rita. Est-ce qu'on appelle encore ces femmes le sexe faible ? Non ! Peut-être en Europe, mais certainement pas ici. « Les hommes en Afrique devraient s'émanciper », pensa-t-il.
Intelligent comme il l'était, il savait qu'il valait mieux ne pas envenimer encore plus les choses et il sortit. Oui, on est au Cameroun. Et chacun est président de l'endroit où il se trouve. Que devait-il faire ? Il ne pouvait pas rentrer à la maison, voir Rita sans le compteur et donc sans eau. Mais il savait aussi qu'au Cameroun tout était possible. Cela dépend simplement de l’engagement.
Tandis qu'il réfléchissait à ce qu'il pourrait faire, l'homme de la sécurité vient le voir et lui dit : — Mec, tu connais bien nos femmes avec leurs grandes bouches. Ça ne sert à rien d’entrer en conflit avec elles. Elles vont t’anéantir. Cette fois-ci tu as perdu, comme un petit chien la queue entre les jambes. Laisse-moi donc parler avec elle, et voir ce qu'il est possible de faire.
Johnny acquiesça d'un signe de tête et tandis que l'homme retournait à l'intérieur, il disparut rapidement dans la voiture d'Amina pour lui raconter l'histoire. Lorsqu'il réapparut, l'homme sortait à nouveau du bureau.
— J'ai l'impression qu'elle pourrait t'aider. Mais elle est encore en colère. C'est mieux que nous y allions ensemble. Tu essayes d'abord de t'excuser avec tes blablablas. Ensuite demande lui, comme un cobra qui vient d’être vaincu et qui s’est rendu, ce qu'elle peut faire pour toi, pour que tu puisses encore avoir accès à l’eau aujourd'hui. Montre-lui qu'elle a gagné
Johnny Walker savait exactement comment ça se passait à Douala. Il savait très bien que cette dispute, malgré l'aspect très dur, n'était rien du tout. Les Camerounais sont ainsi, très loquaces, mais peu rancuniers.
Il retourna à l'intérieur aux côtés de l'homme de la sécurité. Dès que la femme l'aperçut, elle l’attaqua immédiatement.
— Monsieur, je ne vous reçois plus, sortez !
Johnny regarda l'homme de sécurité d'un air embarrassé, comme pour dire : « Je fais quoi maintenant ? »
L'homme de sécurité sourit à la réceptionniste, avec un air flatteur, se gratta un peu les cheveux et dit : — Oh oui, Mama, tu es vraiment une femme de poigne, une Dame de fer, oui, oui, c’est bon. Ce serait bien que les femmes règnent enfin sur le Cameroun, non que dis-je, sur toute l'Afrique. Ainsi, plus aucun homme blanc n’aura plus rien à nous proposer et nous voler nos richesses.
Elle sourit et dit : — Et toi, grand frère, arrête avec tes flatteries et ne m'énerve pas. Sinon on va avoir un problème, toi et moi. Hommes blancs, vols... balivernes. Est-ce que ce sont des hommes blancs au pouvoir à Yaoundé ? Je n'en ai encore jamais vu qui soit ministre ou directeur d'une société étatique. Et pourtant nos richesses sont volées chaque jour.
L'homme de la sécurité ignora simplement cette réponse pertinente. — Sœur, aide mon frère ici. Oui, il sait qu'il t’a mal parlé et il en est désolé, sur ces mots, il se tourna vers Johnny et fit comme s'il le grondait : — Allez, dis-lui toi, excuses toi simplement. Quand vous venez ici et parlez comme si vous étiez Paul Biya, vous mettez les gens en colère. Tu as énervé la Dame. Elle t'aidera uniquement grâce à moi, tu comprends, grâce à moi, mais dis-lui à quel point tu es désolé. (Paul Biya est le président du Cameroun).
Johnny regarda la dame et lui dit, comme on le lui avait conseillé, qu'il était désolé.
La femme resta toujours agressive : — Tu as de la chance que le grand frère soit là. Je te le jure, sinon tu n'aurais pas eu d'eau même après une semaine. Est-ce toi qui m’as embauchée dans ce service ? Hé, me connais-tu ? Hum, je te dis juste que tu as de la chance. Donne-moi le papier là ». Johnny savait déjà qu'elle s'était calmée. Pour la première fois depuis le début de la conversation, elle l'avait tutoyé.
Sa chance ne fut que de courte durée. La femme revint et lui rendit le papier sans le regarder en lui disant : — L'installateur est trop occupé en ce moment et ne peut venir que demain. Reviens donc demain. Nous ouvrons à 7 h 30.
L'homme de la sécurité intervint de nouveau : — Grande sœur, pourquoi es-tu si dure comme cela ? » et il continua : — Et qu'est-ce qui se passerait, s'il…, il se tourna vers Johnny et hocha la tête pour faire comprendre à Johnny qu'il devait accepter, — … S'il payait le trajet de l'installeur en plus d’un extra ? Peut-être qu'il pourrait aller voir chez lui après la fin de sa journée de travail ?
La femme fit mine de ne pas être d'accord. L'homme de sécurité ajouta : — Oui, grande sœur, je sais que ce n'est pas ton travail d'appeler l'installateur. Ça te coûte du temps et de l'argent, mais…, il se tourna à nouveau vers Johnny, — ... Mais, il te paiera sûrement une bière de toute façon, ok ? Tu vois, il a dit oui. Il parlait en son nom, sans même demander l’avis de Johnny.
Il fit à nouveau appel à la femme : — Appelle-le donc et demande-lui s'il est d'accord et tu auras sûrement ta bière, sœur. Oui, grande sœur, je t'aime, je t'aime plus que tout mais dommage que je ne sois pas ton homme.
— La ferme, grand frère. Tu vas tout faire foirer avec tes belles paroles. Elle partit téléphoner et revint deux minutes plus tard, elle parla tout bas avec l'homme de la sécurité qui cherchait constamment à garder un œil sur Johnny. Puis, il rigola pour montrer à Johnny que tout était ok, mais qu'il devrait payer.
Il revint vers Johnny et lui parla. Quelques minutes plus tard, il retourna voir la dame et lui tendit la main, comme pour la saluer. C'est ainsi que quelques billets changèrent de mains. Et Rita aurait son eau aujourd'hui.
— Et ben ! Soupira Johnny soulagé, c'est une bonne manigance qu'on ne voit qu'au Cameroun pour soutirer un peu plus d'argent aux clients. Faire comme si on aidait les gens bénévolement, mais pour finalement bien gagner de l’argent.
Il connaissait parfaitement cette logique. La femme touchait une part, l'installateur aussi, l'homme de la sécurité également et Rita avait son eau. Le capitalisme communiste à la Camerounaise. Un service en vaut un autre. Mais il ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même. S'il avait payé sa facture à temps, il n'aurait pas dû sortir un centime de plus.
Cependant, le point le plus important dans cette histoire, c'était qu'il avait gagné de nouveaux amis aujourd'hui. La femme, l'homme de la sécurité et l'installateur. Ils seront désormais amis pour la vie et la prochaine fois, il n'aura pas besoin de payer de supplément. C'est ainsi que les choses se passent au Cameroun. C'est ainsi ici. Les gens ne font que vivre, ils vivent seulement.
À la fin, il était satisfait et à nouveau heureux.
Tout fut réglé en une heure environ, après quoi, il remonta en voiture avec Amina, qui l'avait attendu tout le temps dans sa voiture, avec le moteur en marche. Il sonnait presque 16 h.
Ils se réjouissaient tous les deux du bon moment qu'ils allaient passer ensemble.
Ils ne devraient pas traîner, car l'installateur serait là vers 17 h 30. Juste le temps de trouver un hôtel à proximité.