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CRITIQUE MUSICAL

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Berlioz était revenu de Rome depuis deux ans. Il était déjà presque célèbre: il avait fait exécuter l'ouverture du Roi Lear, l'ouverture des Francs Juges, la Symphonie fantastique et la Symphonie d'Harold. Mais il était pauvre. Son mariage avec Henriette Smithson avait encore augmenté sa gêne. Les articles qu'il donnait à quelques revues (Europe littéraire, Revue européenne, Monde dramatique, Correspondant, Gazette musicale), lui étaient médiocrement payés. Il ne savait plus «à quel saint se vouer»; c'est lui-même qui nous l'a conté.

Un jour de détresse, il rédigea une courte nouvelle intitulée Rubini à Calais et la fit paraître dans la Gazette musicale. Le 10 octobre 1834, ce petit récit fut reproduit dans le Journal des Débats, précédé d'une note où l'on vantait la «verve» et l'«esprit» du conteur.

Berlioz se rendit rue des Prêtres-Saint-Germain-l'Auxerrois afin de remercier Bertin l'aîné. Ce dernier lui proposa, séance tenante, d'écrire dans les Débats des chroniques sur la musique. Castil-Blaze venait de quitter le journal. Delécluse y conservait la critique des représentations du Théâtre Italien; il ne l'abandonna jamais à Berlioz qui, vraisemblablement, jamais ne la réclama. Jules Janin continuait de s'occuper de l'Opéra et de l'Opéra-Comique. Le domaine du nouveau feuilletoniste était donc assez étroit. On lui laissait les concerts et les «variétés musicales». Deux ans après, Jules Janin consentit à ne plus juger la musique dramatique, mais il garda sur le ballet «le droit du seigneur».

Ainsi commença la collaboration de Berlioz au Journal des Débats. Elle dura jusqu'en 1863. Pendant vingt-huit années, ce feuilleton fut pour le musicien un gagne-pain, une torture et une arme.

Berlioz a maintes fois décrit l'abominable supplice que lui infligeait son métier de critique. On se rappelle ce tableau presque tragique: l'infortuné musicien arpente sa chambre à grands pas, le cerveau vide; il s'arrête à sa fenêtre et se perd en rêveries devant le soleil couchant, puis revient à sa table et, à la vue de la page blanche, éclate de colère; d'un coup de poing, il défonce sa guitare; il considère longuement ses deux pistolets chargés, pleure comme un écolier qui ne vient pas à bout de son thème… jusqu'à ce que son petit garçon ouvre la porte en disant: «Père, veux-tu être z'amis». Et, l'enfant sur ses genoux, Berlioz s'endort1

L'enfant est devenu un homme; le père continue sa tâche détestée, et c'est à son fils qu'il écrit, le 14 février 1861: «Je suis si malade que la plume à tout instant me tombe de la main, et il faut pourtant m'obstiner à écrire pour gagner mes misérables cent francs et garder ma position armée contre tant de drôles qui m'anéantiraient s'ils n'avaient pas tant de peur. Et j'ai la tête pleine de projets, de travaux que je ne puis exécuter à cause de cet esclavage2

Il passe sa vie à maudire cet «esclavage». Il le maudit avec fureur: «Écrire des riens sur des riens! donner de tièdes éloges à d'insupportables fadeurs! parler ce soir d'un grand maître et demain d'un crétin avec le même sérieux dans la même langue!.. oh! c'est le comble de l'humiliation! Mieux vaudrait être… ministre des finances d'une république. Que n'ai-je le choix!» Il le maudit avec ironie: «J'ai une passion pour la critique, rien ne me rend heureux comme d'écrire un feuilleton, de raconter les mille incidents dramatiques, toujours piquants, toujours nouveaux d'un livret d'opéra: les angoisses des deux amants, les tourments de l'innocence injustement accusée, les spirituelles plaisanteries du jeune comique, la sensibilité du bon vieillard; de démêler patiemment les fils de ces charmantes intrigues quand je pourrais couper l'écheveau brusquement, etc.3»

Il le maudit sur tous les tons, mais il le supporte. Il a trop d'ennemis; l'originalité de son génie, le mordant de ses boutades, l'irritabilité de son caractère ont soulevé contre lui des haines implacables: s'il n'a le secours d'un journal puissant, s'il n'est en état de menacer ses adversaires de représailles, la bataille sera trop inégale. Grâce à son feuilleton, il trouve les directeurs moins arrogants, les artistes moins dédaigneux, ses confrères moins hostiles. – «Chaque heure consacrée à ces besognes est peut-être une heure d'immortalité qu'on se vole4…», disait mélancoliquement Théophile Gautier. Peut-être!.. Mais on se demande avec angoisse quelle eût été la destinée de Berlioz, s'il n'avait eu pour se défendre une plume redoutable et la fidèle amitié des Bertin.

D'ailleurs il ne faut pas se laisser duper par les hyperboles de Berlioz. Il dit vrai quand il rappelle les affres où le jetait, certains jours, l'obligation d'écrire. Mais il eut ses revanches et ses consolations. «La seule compensation, dit-il, que m'offre la presse pour tant de tourments, c'est la portée qu'elle donne à mes élans de cœur vers le grand, le vrai et le beau où qu'ils se trouvent.» Cette compensation lui fut largement donnée. Sa nature frénétique ne pouvait se passer d'effusions ni d'épanchements. Or il était libre de glorifier dans son feuilleton les chefs-d'œuvre, objets de son culte, libre de les venger des dédains du public ou de la malfaisance des pasticheurs. Quand il vient à parler de Gluck, de Beethoven, de Weber, de Spontini, il est tout à la joie d'écrire. La nécessité ne lui eût-elle pas imposé cette besogne de feuilletoniste, Berlioz, à trente ans, l'eût acceptée, pour acheter à ce prix la satisfaction de mettre le public dans la confidence de ses enthousiasmes.

A vrai dire, avec les années, ces occasions heureuses devinrent plus rares. Berlioz restait pieusement fidèle à ses dieux (sa très belle étude sur Alceste a paru en 1861). Mais, pour chanter leur gloire, il n'avait plus les transports de jadis. Au fond, il ne méprisait pas son œuvre d'écrivain autant qu'il l'a répété dans ses Mémoires; ouvrez sa correspondance, vous y surprendrez sans cesse l'éternel cri de l'homme de lettres: «Avez-vous lu mon article?» ou bien: «Lisez mon article de demain.» Mais, à la longue, la corvée du feuilleton le harassait.

Son œuvre de critique lui a donc donné des joies qu'il n'a pas toutes avouées. Mais il fut sincère quand, la vente de la partition des Troyens lui ayant assuré de suffisantes ressources, il s'écria: «Enfin, enfin, après trente ans d'esclavage, me voilà libre! Je n'ai plus de feuilletons à écrire, plus de platitudes à justifier, plus de gens médiocres à louer, plus d'indignation à contenir, plus de mensonges, plus de comédies, plus de lâches complaisances, je suis libre! Je puis ne pas mettre les pieds dans les théâtres lyriques, n'en plus parler, n'en plus entendre parler, et ne pas même rire de ce qu'on écrit dans ces gargotes musicales!5»

A l'allégresse de la liberté se mêlait le plaisir de contempler la mine désappointée des gens qui lui faisaient la cour: «Ils ont perdu leurs avances, ils sont volés6

* * *

Les centaines de feuilletons que Berlioz accumula pèsent moins pour sa gloire que vingt mesures de Roméo ou de la Prise de Troie. Si ces articles nous intéressent, c'est surtout parce qu'ils sont de la même plume qui a écrit d'admirables symphonies. Si nous les relisons, c'est que nous espérons découvrir dans les jugements du musicien le secret de son génie. Qui se soucie maintenant des opinions de Fétis et de Scudo, hors quelques curieux de l'histoire de la musique? Penserait-on à déterrer les chroniques enfouies dans la collection du Journal des Débats et signées d'Hector Berlioz, si ce même Berlioz n'avait été un des artistes les plus extraordinaires du XIXe siècle?

Il serait donc puéril de surfaire cette littérature; on aurait l'air de vouloir dépouiller le compositeur au profit du critique. A la vérité, ce jeu absurde ne déplairait pas à tout le monde. Il y a vingt ans, artistes et amateurs furent saisis d'un fanatisme généreux et aveugle pour l'auteur si longtemps méconnu de la Damnation et des Troyens, et ils applaudirent tout dans son œuvre avec une égale ferveur, le sublime, le médiocre et le pire: aujourd'hui, d'autres amateurs et d'autres artistes – les mêmes aussi, peut-être! – font payer à Berlioz l'enthousiasme désordonné de ses admirateurs et sont prêts à déclarer qu'il ne reste pas grand chose à dire de lui lorsqu'on a vanté sa littérature. En musique, nos modes ont des caprices enfantins…

Berlioz naquit avec le don de l'écrivain. Ses premiers articles, après son retour de Rome, ont déjà de la couleur et du mouvement. Parfois encore la phrase gauchit et s'empêtre; la lourdeur de l'expression, l'impropriété des mots révèlent l'inexpérience d'un littérateur novice. Mais, d'année en année, la langue se fait plus sûre et plus souple; les jours d'heureuse inspiration, elle devient abondante, imagée, vivante. Alors – c'est sa grande originalité – la prose de Berlioz porte l'empreinte du génie musical. Le morceau littéraire est bâti presqu'à la façon d'un morceau de symphonie, avec des changements de rythme, des répétitions et des cadences. On pourrait souvent mettre en tête d'une page de Berlioz: allegro, ou bien andante, ou bien scherzo.

Pour rendre justice à ces qualités de style et de composition, il faut ne point se laisser rebuter par le tour vieillot et démodé de certaines élégances de style qui plurent sous le roi Louis-Philippe. De tous les âges de notre littérature, l'âge où écrivit Berlioz est celui dont la phraséologie nous est la plus odieuse: elle est déjà trop loin de nous pour ne pas nous sembler baroque et saugrenue, mais elle en est encore trop près pour que nous lui découvrions, avec une indulgence attendrie, le charme des choses surannées. Berlioz, journaliste, était parfois de cette «école parisienne» qu'il haïssait avec tant de force, dès qu'il était question de musique. Et comment y eût-il échappé? Il écrivait aux Débats, à côté de Jules Janin, le maître incontesté dont tous les feuilletonistes, tous les critiques, tous les chroniqueurs imitaient de leur mieux la désinvolture sautillante, le bavardage laborieusement décousu, les digressions ahurissantes et les ironies sans fin. Ajoutez le lyrisme de pacotille que les romantiques avaient introduit jusque dans le journalisme, la manie de la grandiloquence, des interjections et des apostrophes. C'était la manière de Lousteau et de Lucien de Rubempré. Ce fut quelquefois la manière de Berlioz.

Mais, cette vieille friperie une fois écartée, comment nier l'esprit, l'éloquence, la grâce des pages ou librement il se livre à la fantaisie de son esprit et à la fougue de ses indignations?

Ce goût du pittoresque et ce sentiment de la nature, dont l'union, plus rare que l'on ne croit, fait la beauté de ses grandes peintures musicales, on les retrouve dans ces jolis Reisebilder dont il aime à égayer le mélancolique compte rendu des opéras et des opéras-comiques. Son style ne vaut pas son orchestre, sans doute! Mais, que, pour retarder le moment fâcheux où il va falloir analyser et juger la Sirène7, il rappelle ses souvenirs des Abbruzzes, les moines, les bandits, les madones, les carabiniers, les pifferari, ou bien que le Lazzarone8 d'Halévy lui soit un prétexte pour évoquer la mer et la lumière de Naples, l'île de Nisida et les bateliers du Pausilippe, le coloris de ses esquisses est vif, sobre et juste.

Pour conter, louer, invectiver, sa verve toujours jaillissante fait merveille, à condition que le démon romantique ne le pousse pas aux dernières outrances. Sa phrase agile va un train d'enfer, frappe à droite, frappe à gauche, avec une sûreté, une dextérité qui révèlent la bonne éducation latine de l'écrivain. Prompte à l'éloquence, elle se plie à l'ironie. La violence de la passion rend parfois cette ironie trop lourde ou trop tendue. Mais quand – lassitude, dédain ou résignation – l'âme tourmentée s'apaise un instant, elle a, pour traduire ses dégoûts et ses aversions, des cris de sensibilité endolorie qui font penser à Henri Heine ou bien des traits légers, acérés, terribles.

Cet homme, dont la vie semble un perpétuel paroxysme d'amour, de haine, d'orgueil et de douleur, possède le sens du comique et de la bouffonnerie. S'il s'amuse à parodier le scénario d'un opéra qui a passé les bornes de la niaiserie consentie à ces espèces d'ouvrages, s'il enchâsse les perles qu'il a trouvées dans un «poème» lyrique, s'il veut se venger de l'ennui dont l'assomment la mauvaise musique et les méchants musiciens, il est fertile en inventions divertissantes. (Il faut lire certaine analyse du Caïd écrite en vers libres, en vers d'opéra9.) Ces drôleries ne sont pas toujours très finement ciselées: Berlioz montre pour les grosses facéties, les coq-à-l'âne et les calembours une prédilection propre aux hommes de génie. D'autres fois, il donne dans la gaieté romantique, la redoutable gaieté des Jeunes France qui, dociles à la parole de Victor Hugo, admiraient Shakespeare comme des «brutes». Oh! les plaisanteries shakespeariennes en français! Mais il a aussi l'autre veine, la veine gauloise. Car chez lui tout est alliage et complexité.

Par-dessus tout, il a le don de la vie. Il sait créer des personnages, les faire parler, les mettre en scène. Il excelle à composer de petits dialogues spirituels et passionnés où l'on surprend çà et là un peu de l'art de Diderot. Les soirées de l'orchestre, les Grotesques de la musique, les Mémoires contiennent un grand nombre de ces fragments de comédie, comme la visite de la «jeteuse de fleurs», madame Rosenhain, l'irruption des virtuoses chez le critique malade, les conversations avec Cherubini. Le jour de la première représentation du Faust de Gounod, Berlioz use du même procédé pour traduire les sentiments divers du public et il nous fait ainsi assister aux conversations de l'entr'acte10, «cliquetis d'opinions étranges et contradictoires».

Toutes ces qualités firent de Berlioz un merveilleux journaliste.

* * *

Lorsqu'en 1820 le prédécesseur de Berlioz au Journal des Débats, Castil-Blaze avait été chargé de la Chronique musicale, il avait ainsi caractérisé lui-même ses articles: «Cette chronique sera exclusivement consacrée à la musique. Les opéras nouveaux ou anciens y seront —uniquement sous le rapport musical– examinés, analysés avec soin et d'après les principes de la bonne école…» Sans rechercher ce que Castil-Blaze voulait dire par la bonne école, constatons seulement que pour le reste il tint parole: il étudia sous le rapport musical toutes les œuvres de théâtre, de concert ou d'église; il s'attira même une semonce de son collaborateur Hoffmann pour avoir imprimé que les gens de lettres, n'entendant rien à la musique, n'en devraient souffler mot. Comme il avait la déplorable mais lucrative manie de saccager les chefs-d'œuvre allemands et italiens sous prétexte de les mettre à la portée des Français, il insérait trop souvent dans ses chroniques l'apologie de ses crimes. Mais il fit aussi de beaux éloges de Gluck et de Mozart; il admira les Symphonies de Beethoven lorsqu'elles furent révélées aux abonnés du Conservatoire; il accueillit favorablement les premières Symphonies de Berlioz. Bref, il «inaugura dans la presse française la critique musicale des œuvres de musique11».

A ce point de vue, la critique de Berlioz ne fut donc pas une nouveauté. Mais c'était bien la première fois qu'en France un musicien de cette valeur était appelé à communiquer au public ses goûts et ses opinions. Castil-Blaze savait sans doute la musique; mais il était plus connu pour avoir estropié Don Juan, les Noces, le Mariage secret, Freischütz que pour ses œuvres musicales qui consistent, si les dictionnaires disent vrai, en Trios pour le basson et en un recueil de douze romances. Et, avant Berlioz, de grands musiciens avaient pris la plume pour défendre ou expliquer leurs œuvres. Gluck avait fait précéder Alceste d'une préface célèbre. Mais ce que l'on n'avait point encore vu, c'était un compositeur journaliste et juge de ses confrères. On l'a revu, depuis, quelquefois.

Berlioz n'abusa pas de sa compétence technique; elle était assez évidente pour qu'il pût se dispenser d'en faire parade. Beaucoup de critiques d'art hérissent leur prose de termes spéciaux, afin que l'on ne doute pas de leurs connaissances. Mais si ce vocabulaire particulier a peut-être l'avantage de nous donner quelque confiance, il nous inflige un tel ennui que le pauvre écrivain perd du même coup le bénéfice de sa science. A qui donc cet écrivain s'adresse-t-il quand il fait un article de journal? S'imagine-t-il, par hasard, que ses conseils seront écoutés du musicien lui-même? Tout artiste méprise la critique; s'il dissimule son mépris, il est un poltron qui, amoureux du succès, redoute l'influence du journal; si, par malheur, sa déférence est sincère, c'est qu'il ignore lui-même ce qu'il sent, ce qu'il veut, et n'est pas un artiste. C'est du public, du plus profane des publics que le critique doit être entendu et compris. Sans droit et sans pouvoir sur le créateur, il tâchera de faire partager à ses lecteurs ses aversions ou ses préférences; il y réussira s'il a de la verve, du bon sens, du goût, s'il aime l'art dont il traite et sait rendre sa passion contagieuse.

Tel fut Berlioz critique. Dans ses premiers feuilletons, il laissait encore traîner des expressions qui sentaient le professionnel; mais il s'aperçut vite que le pédantisme est le pire défaut d'un journaliste, et que, si l'on veut former ou réformer le goût du public, l'essentiel est d'émouvoir les imaginations, d'inspirer l'horreur du médiocre et l'amour des chefs-d'œuvre. Berlioz donna donc libre carrière à ses haines et à ses enthousiasmes.

Ses haines étaient vigoureuses et innombrables.

Il haïssait les directeurs de théâtre, les chefs d'orchestre qui ne respectent point le texte du musicien, les chanteurs qui réclament des airs de bravoure. Aux virtuoses «pianistes, violoncellistes, hautboïstes, flûtistes, saxophonistes, cornistes, triples violonistes, simples racleurs, chanteurs, roucouleurs et compositeurs», il montrait sur sa table deux pistolets chargés.

Il haïssait les opéras dénués d'ouverture. Il haïssait les vocalises, il ne les pardonnait point même à Mozart et toute l'admiration qu'il ressentait pour le Prophète ne l'empêchait pas d'écrire, s'adressant à Meyerbeer:

Vous savez si je vous aime et si je vous admire; eh bien, j'ose affirmer que dans ces moments-là, si vous étiez près de moi, si la puissante main qui a écrit tant de grandes, de magnifiques et de sublimes choses était à ma portée, je serais capable de la mordre jusqu'au sang12.

Il haïssait la fugue au point que la majesté du dieu Beethoven lui-même ne pouvait arrêter son indignation et qu'il écrivait un jour à propos de la Messe en ré:

Si au lieu de crier A-a-a-a-men pendant deux cents mesures, le chœur chantant en français s'avisait d'exprimer ses souhaits en vocalisant allegro furioso sur les syllabes Ain-ain-ain-si-i-i-i, avec accompagnement de trombones et de grands coups de timbales, ainsi que ne le manque jamais de faire un de nos plus illustres compositeurs de musique sacrée, il n'est pas un homme capable d'apprécier l'expression musicale qui ne se dit: «C'est un véritable chœur de paysans ivres se jetant les pots à la tête dans une taverne de village ou une carricature impie de tout sentiment religieux.» Je me rappelle avoir demandé à un professeur aussi savant que consciencieux, compatriote et ami de Beethoven, son opinion sur les amen vocalisés et fugués. Il me répondit franchement: «Oh! c'est une barbarie. – Mais pourquoi donc s'obstine-t-on toujours à en faire! – Mon Dieu! Que voulez-vous? c'est l'usage! Tous les compositeurs en ont fait.» N'est-il pas désespérant de penser que la routine ait conservé encore assez de puissance pour voir le front d'un Beethoven s'incliner un instant devant elle13?

Il haïssait les fabricants de pastiches, les arrangeurs, correcteurs et mutilateurs. Il les insultait, il les maudissait, il les ridiculisait14. Jamais personne n'a bafoué avec plus de force cette engeance – immortelle, car il suffit aujourd'hui d'assister à une représentation de Mozart à l'Opéra ou de Shakespeare à la Comédie-Française pour constater qu'il se rencontre toujours des «adaptateurs» prêts à faire au génie «l'aumône de leur science et de leur goût».

Et il haïssait encore une certaine musique «parisienne»… Mais, quand nous saurons son opinion sur les compositeurs de son temps, nous verrons mieux ce qu'il voulait dire par là.

Au fond, toutes ces haines de Berlioz sont la contrepartie de ses enthousiasmes. S'il déteste les virtuoses, c'est qu'ils altèrent et corrompent les chefs-d'œuvre; les arrangeurs, c'est qu'ils outragent les maîtres; les musiciens «parisiens», c'est que leurs ouvrages dépravent le goût public et le détournent d'une musique plus noble et plus fière.

Il exalte les œuvres de Beethoven, de Gluck, de Mozart, de Weber et de Spontini. Nous sommes enclins aujourd'hui à estimer qu'il y met parfois plus de ferveur que de pénétration. Mais n'oublions pas que ces articles étaient écrits en vue d'un journal quotidien. D'ailleurs, pour mesurer le progrès que Berlioz fit faire à la critique musicale, il n'est pas mauvais d'avoir lu quelques articles de Castil-Blaze.

Il publia de nombreux feuilletons sur Beethoven et il analysa les neuf symphonies15. Cédant à son propre tempérament, il a peut-être trop objectivé l'art de Beethoven; il en a donné une interprétation moins musicale que poétique. Mais qu'il y a de vivacité, parfois de délicatesse dans ces transcriptions littéraires! et qu'elles ont bien l'accent brûlant d'une passion juvénile!

Les études sur Alceste, sur Orphée, sur Obéron, sur le Freischütz, reproduites dans A travers Chants, manifestent le culte de Berlioz pour Gluck et Weber. L'esquisse biographique de Spontini (Soirées de l'Orchestre) est un acte d'adoration, un hymne à la déesse de la «musique expressive».

On a parfois reproché à Berlioz d'avoir méconnu Mozart. Cela n'est pas exact. Dans un merveilleux feuilleton contre les «arrangeurs» de la Flûte enchantée16, il appelle Mozart «le premier musicien du monde». Se réjouissant du succès de Don Juan17 à l'Opéra il félicite le public de «goûter sans ennui une musique fortement pensée, consciencieusement écrite, instrumentée avec goût et dignité, toujours expressive, dramatique, vraie; une musique libre et fière qui ne se courbe pas servilement devant le parterre et préfère l'approbation de quelques esprits élevés (suivant l'expression de Shakespeare) aux applaudissements d'une salle pleine de spectateurs»… Je ne prétends pas que ces éloges soient très chaleureux: ce ne sont pas des cris d'admiration. Berlioz traite autrement Gluck ou Beethoven. Mais l'honneur du critique est sauf: il a loué Mozart.

* * *

Si Berlioz n'avait eu qu'à dauber sur des pianistes ridicules, invectiver contre les fabricants de «pastiches» et exalter les maîtres du passé, il se fût résigné de bon cœur à son métier. Mais il avait aussi la charge de juger les vivants.

Cette partie de sa tâche lui avait causé tant de tracas, tant d'ennuis que jamais il ne fit réimprimer les chroniques où étaient prononcés les noms de ses contemporains. Dans ses volumes il a repris des fantaisies ou des essais théoriques publiés à propos de certains opéras. Mais il ne voulut point exhumer ce qu'il avait écrit sur les œuvres de son temps. Peut-être hésitait-il à signer une seconde fois des éloges de complaisance arrachés à sa lassitude. Il fit une exception pour son célèbre article sur Wagner et la musique de l'avenir; on put le relire dans A travers chants.

Nous n'avons aucune raison de partager ces scrupules. Berlioz, du reste, s'est fait une singulière idée de notre clairvoyance s'il nous a cru incapables de discerner sa vraie pensée à travers les formules laudatives ou courtoises que mille nécessités lui imposaient. «A quels misérables ménagements, disait-il dans ses Mémoires, ne suis-je pas contraint! que de circonlocutions pour éviter l'expression de la vérité! que de concessions faites aux relations sociales et même à l'opinion publique! que de rage contenue! que de honte bue! Et l'on me trouve emporté, méchant, méprisant! Hé! malotrus qui me traitez ainsi, si je disais le fond de ma pensée, vous verriez que le lit d'orties sur lequel vous prétendez être étendus par moi n'est qu'un lit de roses, en comparaison du gril où je vous rôtirais!..»

Assurément il ne put toujours livrer à ses lecteurs le fond de son cœur. Il dut quelquefois trépigner de colère à l'instant de décerner quelques vagues compliments à des compositeurs qu'il eût voulu déchirer. Il lui fallut sacrifier ses dégoûts tantôt à de chères amitiés, tantôt à ses propres intérêts: on n'est pas impunément candidat à l'Institut, puis académicien; de dures servitudes pèsent sur le journaliste, même le plus indépendant de caractère; enfin, si l'on est musicien, on ne saurait faire exécuter sa musique sans le concours d'artistes, de directeurs, de cantatrices, de chefs d'orchestre, etc… et il serait téméraire de vouloir conquérir leur dévouement à force d'injures. Berlioz courba quelquefois la tête, afin de conserver, malgré tout, le droit de dire ou d'insinuer la vérité, quand il lui semblait indispensable de le faire pour la dignité de l'art ou pour sa propre défense.

De ce droit il a usé souvent, plus souvent que lui-même ne l'a dit. Je citerai trois feuilletons où, sans circonlocutions, sans rien concéder aux relations sociales ou à l'opinion publique, il a exprimé sa pensée tout entière. Le premier de ces articles a été écrit en 1835, le second en 1849, le troisième en 1861. On voit que, durant sa longue carrière de journaliste, Berlioz a toujours su, quand l'occasion l'exigeait, exprimer ses indignations, sans ménager personne.

Sa première victime fut Hérold. L'Opéra-Comique venait de reprendre Zampa. Berlioz qui n'avait pas encore à s'occuper des représentations de ce théâtre, fit simplement une étude de la partition. «Hérold, sans avoir un style à lui, n'est cependant ni Italien, ni Français, ni Allemand. Sa musique ressemble fort à ces produits industriels fabriqués à Paris d'après des procédés inventés ailleurs et légèrement modifiés: c'est de la musique parisienne.» Tel était le thème de ce feuilleton qui fit scandale18. Les admirateurs d'Hérold ne le pardonnèrent jamais à Berlioz. Quand celui ci mourut, Jules Janin prétendit en laver la mémoire de son collaborateur et déclara qu'il était lui-même l'auteur du fameux article sur… le Pré aux Clercs. L'intention était charitable. Mais Jules Janin confondait le Pré aux Clercs avec Zampa. L'article était bel et bien de Berlioz. Il est assez lourdement rédigé, avouons-le. Mais peu de personnes trouveront aujourd'hui déraisonnable le jugement du critique de 1835 sur Zampa.

Quand parut la Fille du Régiment, ce fut au tour de Donizetti d'être étendu sur le «lit d'orties». Berlioz affirma que la musique de cette pièce avait déjà servi au compositeur italien pour un petit opéra imité ou traduit du Chalet d'Adam et représenté en Italie: «C'est une de ces choses comme on en peut écrire deux douzaines par an, quand on a la tête meublée et la main légère… Lorsqu'on est sur le point de produire une œuvre écrite per la fama19, comme disent les compatriotes de M. Donizetti, il faut bien se garder de montrer un pasticcio esquissé per la fame. On fait en Italie une effrayante consommation de cette denrée chantable, sinon chantante… Et cela n'a pas beaucoup plus d'importance dans l'art que n'en ont les transactions de nos marchands de musique avec les chanteurs de romances et les fabricants d'albums… Tout cela est per la fame, et la fama n'a que peu de chose à y voir… La partition de la Fille du Régiment est donc tout à fait de celles que ni l'auteur ni le public ne prennent au sérieux… L'orchestre se consume en bruits inutiles; les réminiscences les plus hétérogènes se heurtent dans la même scène, on retrouve le style de M. Adam côte à côte avec celui de M. Meyerbeer20…» Et le feuilleton tout entier est de cette plume rapide et incisive. Berlioz montre tous les théâtres de Paris envahis à la fois par Donizetti. Il se demande ce que penserait ce dernier s'il voyait Adam accaparer ainsi toutes les scènes de Florence, pour y faire représenter des œuvres méprisées à Paris et il imagine les doléances du public florentin devant le déballage de cette pacotille. – Donizetti se fâcha. On ne sait ce qu'Adam pensa de cette ironique fantaisie. Berlioz fut un peu moins cruel quelques semaines plus tard pour les Martyrs de Donizetti. On ne cesse de jouer la Fille du Régiment à l'Opéra-Comique. Les Martyrs ont eu des destinées moins heureuses.

En 1861, c'est contre la bouffonnerie d'Offenbach que se déchaîne Berlioz. L'Opéra-Comique vient de jouer Barkouf. Le critique s'abandonne à une exaspération qui nous fait aujourd'hui un peu sourire. Il s'indigne, avec le public, car Barkouf était tombé, de voir le genre «trivial, bas, grimaçant», envahir la scène de l'Opéra-Comique et il s'écrie: «Décidément, il y a quelque chose de détraqué dans la cervelle de certains musiciens. Le vent qui souffle à travers l'Allemagne les a rendus fous. Les temps sont-ils proches? De quel Messie alors l'auteur de Barkouf est-il le Jean-Baptiste21?..»

Voilà le Berlioz des jours de complète franchise.

Comment traitait-il les gens qu'il voulait «ménager»?

«La violence, disait-il, que je me fais pour louer certains ouvrages, est telle que la vérité suinte à travers mes lignes, comme, dans les efforts extraordinaires de la presse hydraulique, l'eau suinte à travers le fer de l'instrument.» La vérité suintait souvent. Tout le monde s'en apercevait, les auteurs des opéras et les lecteurs des feuilletons. Un jour que l'on avait représenté un ouvrage de Billetta, professeur de piano à Londres, Berlioz écrivait à son ami Morel: «Ne croyez pas un mot des quelques éloges que contient sur cette musique mon feuilleton de ce matin, et croyez, au contraire, que je me suis tenu à quatre pour en faire aussi tranquillement la critique22…» Vraiment ni Morel ni personne n'avait besoin d'être averti.

On est surpris au premier abord des louanges accordées par Berlioz aux œuvres d'Halévy, d'Auber et d'Adam. On est un peu scandalisé de trouver sous sa plume cette appréciation du Shérif d'Halévy: «Jamais M. Halévy ne s'est montré si abondant, si riche et si original. Cette œuvre a une physionomie tout à fait à part. Elle m'a fait éprouver, presque d'un bout à l'autre, ce plaisir rare que donnent aux musiciens les compositions hardies, nouvelles et savamment ordonnées23.» Et Halévy n'était pas le seul à bénéficier de cette belle indulgence. Attendez pourtant! Voici ce qu'il écrit, une autre fois, du même Halévy, à propos du Val d'Andorre: «Le succès du Val d'Andorre, à l'Opéra-Comique, est un des plus généraux, des plus spontanés et des plus éclatants dont j'aie été témoin. Les quatre-vingt-dix-neuf centièmes des auditeurs applaudissaient, approuvaient, étaient émus. Une fraction cependant, une fraction imperceptible, mais qui contient encore des esprits d'élite, ne partageait qu'avec des restrictions l'opinion dominante sur la haute valeur de l'ouvrage; d'autres, dès la fin du second acte, se montraient déjà fatigués d'entendre dire: «Que c'est charmant!» O Athéniens, vous avez pourtant bien peu d'Aristides! Pour moi, j'ai franchement approuvé et admiré; j'ai été impressionné vivement sans songer en écoutant les clameurs enthousiastes de la salle, à appliquer à M. Halévy ce mot antique: «Le peuple applaudit: aurait-il dit quelque sottise?..» Mot plus spirituel que profond, car le peuple applaudit même les belles choses quand elles sont à sa portée et qu'elles ne dérangent pas brusquement le cours de ses habitudes et de ses idées24.» Un long «éreintement», comme nous disons aujourd'hui, eût-il valu ces lignes délicieuses et perfides?

La mansuétude qu'il témoignait à Auber était assez intermittente: «Il y a un nombre prodigieux de motifs de contredanse dans cette partition (Les Diamants de la couronne). La première reprise est ainsi toute faite, il ne s'agira plus que d'en ajouter une seconde et les quadrilles surgiront par douzaines. Évidemment, c'est le but que s'est proposé M. Auber; il a cru plaire davantage par là au public spécial de l'Opéra-Comique, et lui plaire d'autant plus que ces thèmes courants seraient moins originaux. La durée du succès peut seule démontrer si ce but a été atteint25.» Encore cette fine et charmante ironie: «M. Auber a écrit sur ce livret (L'Enfant prodigue) une riche partition, brillante, animée, vive, joyeuse, souvent touchante et complètement privée de ces beautés terribles qu'accompagne l'ennui26.» De tels traits sembleraient maintenant inoffensifs. En ce temps-là, on savait encore goûter les sous-entendus, comprendre les allusions.

Berlioz fut donc moins féroce qu'on ne l'a dit; mais il fut moins indulgent qu'il ne l'a lui-même prétendu.

* * *

Il a sincèrement aimé les œuvres de quelques-uns de ses contemporains. Prenons ici – cette réserve est indispensable – le mot de sincèrement dans le sens atténué qu'il faut toujours lui attribuer s'il s'agit d'un artiste jugeant les productions de ses rivaux ou de ses disciples heureux. Un musicien dénué de toute jalousie, étranger à toute malice, joyeux de succès qui ne sont pas les siens, ce prodige s'est une fois rencontré: César Franck fut un saint. Berlioz n'en était pas un: il aima qui l'aimait et célébra volontiers les œuvres dont la réussite lui semblait un gage de sa propre revanche. Cependant l'accent de certains feuilletons trahissait une chaleur de sentiment à laquelle ne pouvaient pas se tromper les compositeurs gratifiés la veille de louanges banales: ces jours-là, le critique était heureux que la reconnaissance, l'intérêt et la prudence lui permissent d'admirer librement ce qu'au fond du cœur il jugeait admirable.

Il a pieusement glorifié la musique de son maître Jean-François Lesueur27. Son grand dégoût de l'italianisme ne l'empêcha pas de répéter vingt fois que le Barbier était un chef-d'œuvre et de reconnaître «la sensibilité profonde» de Bellini, «son expression si souvent juste et vraie… sa simplicité naïve28». Pour l'amour de la symphonie, il combla de louanges les pauvres symphonistes de cette époque: Heller, Reber, Litolff.

De tous les musiciens de son temps, celui qu'il loua avec le plus d'ardeur, ce fut Meyerbeer. Ce goût déconcertant gêne quelques-uns de ses fervents: ils voudraient mettre au compte des complaisances nécessaires les éloges décernés par le musicien des Troyens au compositeur du Pardon de Ploërmel: simple gratitude de Berlioz, disent-ils, pour un maître illustre, auditeur assidu et bienveillant de toutes ses symphonies et de tous ses opéras. A leur avis, si l'on veut savoir sa véritable opinion, il faut s'en tenir à cette boutade rapportée par M. Adolphe Jullien29: «Meyerbeer n'a pas seulement le bonheur d'avoir du talent, il a surtout le talent d'avoir du bonheur.»

Berlioz a pu lâcher cette méchanceté dans un instant d'humeur. Ce n'était point son opinion intime. Tels passages de ses œuvres (ce ne sont pas les meilleurs), notamment le finale de la Réconciliation, théâtral épilogue de la belle symphonie de Roméo et Juliette, prouveraient que l'admiration de Berlioz pour Meyerbeer ne fut que trop réelle… Mais, rien qu'à lire ses feuilletons, nous en sommes déjà convaincus. Qu'il s'agisse de l'auteur des Huguenots ou de celui de la Juive, l'éloge sonne d'une manière différente.

En 1836, Berlioz avait publié une analyse de la partition des Huguenots, très longue et très chaleureuse30. On a lu plus haut un fragment d'un de ses articles sur le Prophète. A la suite de la représentation de l'Étoile du Nord, il disait: «C'est merveilleux de vérité, d'élégance, de fraîcheur d'idées, d'originalité, d'audace et de bonheur. A côté des plus jolies, des plus coquettes chatteries musicales, on y trouve des combinaisons effrayantes de complexité, des traits d'expression passionnée d'une vérité saisissante31.» – Pour le Pardon de Ploërmel, mêmes louanges32. Et si l'on conserve un doute, malgré tous ces témoignages publics, il faut ouvrir les Lettres intimes à Humbert Ferrand: on y lit ceci (28 avril 1859): «Que la musique d'Herculanum est d'une faiblesse et d'un incoloris (pardon du néologisme) désespérants! Que celle du Pardon de Ploërmel est écrite, au contraire, d'une façon magistrale, ingénieuse, fine, piquante et souvent poétique! Il y a un abîme entre Meyerbeer et ces jeune gens. On voit qu'il n'est pas Parisien. On voit le contraire pour David et Gounod.»

Berlioz traite ici avec un peu d'amertume ces deux jeunes gens. Il avait pourtant salué leurs débuts avec une évidente sympathie. Pour Félicien David, sympathie est trop peu dire. L'article sur la première audition du Désert ressemble à un sacre, à une apothéose: un grand compositeur vient d'apparaître; un chef d'œuvre vient d'être dévoilé. «Arrière toutes les tièdes réticences, toutes les réserves ingrates sous lesquelles se cache la lâche crainte de trouver des railleurs, ou celle plus misérable encore et plus mal fondée de voir les travaux futurs du nouvel artiste ne pas répondre à l'attente que son premier triomphe fait concevoir!.. Ah! prudents aristarques, vous ne savez pas de quelle nature est l'émotion qui fait battre le cœur de l'artiste dont l'œuvre est reconnue belle! Ce n'est pas de la vanité, ce n'est pas de l'orgueil, ce n'est pas la satisfaction d'avoir vaincu une difficulté, la joie d'être sorti d'un péril, ce n'est rien de tout cela, détrompez-vous, c'est de la passion, c'est une passion partagée, c'est l'enthousiasme pour son œuvre multiplié par la somme des enthousiasmes intelligents qu'elle a excités… L'amour du beau remplit seul tout entière l'âme du poète; ce qu'il désire, c'est d'avoir, autour de lui, quand il chante, un chœur de voix émues pour répondre à sa voix: plus elles sont belles, savantes et nombreuses et plus sa vie rayonne et se divinise, plus il est heureux33…» Pauvre Berlioz! Il livrait le secret de ses plus cruelles rancœurs, lorsqu'il peignait avec tant de feu les joies du poète applaudi; de toute son âme il aspirait à l'ivresse du triomphe, au délire qui «divinise» la vie; mais un destin avare lui marchandait cette félicité: ce fut son désespoir. Pauvre David! la gloire lui avait souri trop tôt. Ces «aristarques prudents» dont les scrupules et les réserves indignaient son panégyriste, n'étaient peut-être pas si mal avisés. Il justifia leur prudence, et Berlioz lui-même écrivit sur Herculanum un article d'une sévérité mitigée où le dépit d'avoir été mauvais prophète se mêlait à la crainte que tout le monde n'eût pas perdu le souvenir des solennels enthousiasmes de naguère.

Quant à Gounod, le feuilleton de Berlioz sur Sapho contient de sévères admonestations mais aussi de grands éloges. Il mérite d'être relu. C'est un de ceux où Berlioz a exprimé sa pensée, toute sa pensée, avec le plus de franchise et de liberté. Après avoir vanté le poème d'Émile Augier comme un «magnifique texte pour la musique», il ajoute que Gounod l'a très bien traité dans certaines parties. Mais d'autres passages de l'œuvre l'ont révolté: «Je trouve cela, dit-il, hideux, insupportable, horrible.» Et s'adressant au musicien: «Non, mon cher Gounod, l'expression fidèle des sentiments et des passions n'est pas exclusive de la forme musicale… Avant tout il faut qu'un musicien fasse de la musique. Et ces interjections continuelles de l'orchestre et des voix dans les scènes dont je parle, ces cris de femmes sur des notes aiguës, arrivant au cœur comme des coups de couteau, ce désordre pénible, ce hachis de modulations et d'accords, ne sont ni du chant, ni du récitatif, ni de l'harmonie rythmée, ni de l'instrumentation, ni de l'expression. Il arrive dans certains cas au compositeur d'être obligé par son sujet à des espèces de préludes dans lesquels se montrent à demi les idées qu'il se propose de développer immédiatement après; mais il faut qu'enfin il les développe, ces idées, il faut que l'espoir de voir le morceau de musique commencer et finir ne soit pas continuellement déçu34…» Après cette vive mercuriale, il met en lumière toutes les beautés de la partition, surtout la dernière scène, dont il dira quelques mois plus tard, en rendant compte d'une reprise de Sapho:

«L'art est si complet qu'il disparaît. On ne songe plus qu'à la sublimité de l'expression générale sans tenir compte des moyens employés par l'auteur. C'est beau!.. mais très beau, miraculeusement beau35

J'ai déjà cité les vivants dialogues par lesquels débute le feuilleton sur Faust. Quand, dans le même article, Berlioz prend ensuite la parole pour son compte, il s'efforce d'être équitable; mais le cœur n'y est pas. Comment ne serait-il pas blessé des inventions saugrenues des librettistes? comment, surtout, pourrait-il écarter de sa pensée le triste destin de sa Damnation? A son avis la partition de Gounod a «de fort belles parties et de fort médiocres36». Il loue de son mieux les premières. Quant aux secondes, il use d'ingénieuses prétentions: «Je ne puis me rappeler la forme ni l'accent du petit morceau chanté par Siébel cueillant des fleurs dans le jardin de Marguerite.» Quatre heures de musique l'ont tellement fatigué qu'il a gardé seulement un «souvenir confus» du trio final37.

Avant que Berlioz renonçât à la critique musicale, deux jeunes compositeurs français dont les noms furent depuis glorieux. Georges Bizet et Ernest Reyer, avaient fait représenter à Paris leurs premiers ouvrages. Berlioz leur rendit justice.

Ce fut l'auteur de la Statue qui occupa dans les Débats la place abandonnée par l'auteur des Troyens. Il continua la glorieuse tradition de son maître. A son tour, pendant plus de trente années, il prodigua dans d'innombrables articles les fantaisies, les malices, les ironies de son esprit alerte et mordant, les boutades de son humeur indépendante, et les jugements de son goût libre, sûr et délicat.

* * *

La suite des feuilletons de Berlioz forme donc une histoire complète de la musique à Paris de 1835 à 1863. On n'y relève qu'une grave omission: Berlioz n'a point prononcé le nom de César Franck. Mais il faut observer que la seule œuvre de Franck exécutée pendant ce laps de temps fut Ruth et Booz et qu'alors (4 janvier 1846), Berlioz voyageait en Autriche. Ce fut Delécluze qui rendit compte de ce concert dans les Débats38; il loua le nouvel oratorio et fit écho à l'enthousiasme du public, car la première œuvre de César Franck remporta un éclatant succès.

Je n'ai rien dit de l'attitude de Berlioz à l'égard de Wagner. On a si souvent conté la querelle du musicien français et du musicien allemand39! Autrefois beaucoup de personnes s'imaginaient, sur la foi de Scudo, que Berlioz et Wagner étaient «de la même famille… deux frères ennemis… deux enfants terribles de la vieillesse de Beethoven»; et, comme cette opinion était acceptée non seulement par les détracteurs mais aussi par certains admirateurs de Berlioz et de Wagner, une telle dispute de famille étonnait les uns et attristait les autres. Aujourd'hui que les grandes haines sont éteintes et que les grands engouements sont calmés, aujourd'hui que l'on ne goûte plus en applaudissant, soit Wagner, soit Berlioz, la joie de passer pour révolutionnaire, on comprend mieux que Berlioz ne pouvait pas aimer Wagner, sans désavouer une partie de son œuvre, sans blasphémer ses dieux.

Il rédigea une solennelle profession de foi, un véritable credo et jeta l'anathème à la «musique de l'avenir». Plus tard, des griefs personnels se mêlèrent à ses répugnances artistiques; sa colère s'exaspéra quand il vit l'Opéra recevoir Tannhäuser, tandis que le sort des Troyens demeurait incertain. Le lendemain de la première représentation, il allait, dans ses lettres, jusqu'à féliciter les Parisiens de leurs rires et de leurs sifflets; il trouvait bon que la foule, sur l'escalier de l'Opéra, eût traité tout haut Wagner «de gredin, d'insolent, d'idiot»; il ne pouvait réprimer ce cri pitoyable: «Je suis cruellement vengé40». Cependant tout n'était pas rancune assouvie et jalousie satisfaite dans le plaisir que lui procurait la chute du Tannhäuser. Il faut se reporter à l'article que, dix années auparavant, il avait consacré à la Sapho de Gounod, pour saisir les causes lointaines et profondes de son hostilité contre la musique de Wagner.

* * *

«Esthétique! maugréait Berlioz, je voudrais bien voir fusiller le cuistre qui a inventé ce mot là.» – Le vocable est disgracieux, disons-le avec Berlioz. Mais celui-ci avait des raisons particulières de haïr l'esthétique. Sa devise était celle du romantisme: Désordre et Génie. On ne discipline pas le Désordre; on ne définit pas le Génie.

Après avoir parcouru livres et feuilletons de Berlioz, nous gardons le souvenir d'un chaos d'invectives et de dithyrambes, d'un étrange pêle-mêle de folie et de bon sens, d'amour et de haine, d'emphase et d'esprit, mais où rien ne ressemble à un système. Il est sans doute puéril de réclamer d'un artiste créateur un ensemble de règles et de préceptes: ces législations sont jeux de pédants. Mais, sachant les objets de ses préférences et de ses aversions, nous pouvons, en général, restituer sa poétique, c'est-à-dire déterminer avec plus de précision et de sûreté les caractères de son génie: un artiste qui se mêle de critique confesse au public ses propres ambitions.

Nous connaissons bien la doctrine morale de Berlioz, son «éthique» professionnelle: elle est très belle et très claire: le musicien doit se garder de toute trivialité, mépriser le vulgaire, le médiocre, le «parisien», se moquer de la fortune, respecter les maîtres et ne rien céder de son idéal.

Mais quel fut l'idéal de Berlioz? quelle son esthétique?

On découvre sans peine dans les livres de Wagner la genèse des idées qui devaient aboutir à la fondation de Bayreuth, les influences sous lesquelles s'est élaborée, achevée la conception du drame lyrique. Quelques phrases éparses en des lettres familières suffisent à dévoiler la pensée intime de Mozart sur la musique et l'opéra. Avec Berlioz, nous sommes en pleines ténèbres. Il a entassé des milliers de pages de critique; on possède les lettres qu'il adressait à ses amis; lui-même n'a jamais été avare de confidences sur ses œuvres et sa vie; cependant il nous est impossible de nous orienter au milieu de la diversité de ses théories et de ses tendances.

Wagner a entrevu la cause de ces décevantes inconséquences: «Du fond de notre Allemagne, dit-il, l'esprit de Beethoven a soufflé sur lui, et certainement il fut des heures où Berlioz désirait être un Allemand; c'est en de telles heures que son génie le poussait à écrire à l'imitation du grand maître, à exprimer cela même qu'il sentait exprimé dans ses œuvres. Mais dès qu'il saisissait la plume, le bouillonnement naturel de son sang de Français reprenait le dessus, le bouillonnement de ce sang qui frémissait dans les veines d'Auber, lorsqu'il écrivit le volcanique dernier acte de sa Muette… Heureux Auber, qui ne connaissait pas les symphonies de Beethoven! Berlioz lui, les connaissait; bien plus, il les comprenait, elles l'avaient transporté, elles avaient enivré son âme… et néanmoins c'est par là qu'il lui fut rappelé qu'un sang français coulait dans ses veines. C'est alors qu'il se reconnut incapable de faire un Beethoven, c'est alors aussi qu'il se sentit incapable d'écrire comme un Auber41

La remarque de Wagner est pénétrante, mais elle ne touche qu'à l'écriture musicale; elle n'éclaire pas encore tous les aspects du génie de Berlioz. Il faut pousser plus loin si l'on veut deviner quel combat terrible tourmenta cette âme divisée contre elle-même.

«J'ai mis au pillage Virgile et Shakespeare…», écrit Berlioz au sujet des Troyens. Virgile et Shakespeare! Voilà en deux mots l'origine des incertitudes, des contradictions, des incohérences parmi lesquelles se débattait son imagination inquiète et douloureuse. Pas un seul jour il ne se douta qu'il adorait deux divinités ennemies et que servir l'une, c'était renier l'autre. Il ne s'en douta pas; mais les divinités se vengèrent.

Il était classique d'intelligence, classique d'éducation, classique jusqu'aux moelles.

Le premier poète qu'il a lu, senti, aimé, c'est Virgile42. Enfant, l'agonie de Didon l'a fait pleurer et frissonner. Plus tard, Gluck excite les premiers transports du musicien et lui dicte sa vocation, Gluck qui, même en évoquant les héros d'Euripide ou du Tasse, reste par-dessus tout virgilien, c'est-à-dire profondément classique au sens français çais du mot, Gluck si voisin de l'art de nos tragiques par sa robuste sobriété, sa science de la passion, sa pompeuse élégance, Gluck qui, dans ses chefs-d'œuvre, a continué, sans le surpasser, Rameau, «le plus français des Français de France43». Mais, pour son malheur, le temps de ses premières œuvres et de ses premières amours est celui où la bourrasque romantique se déchaîne sur la France. Tout dans les promesses de l'école nouvelle séduit sa nature brûlante: les règles brisées, les conventions abolies, la passion glorifiée, la révélation d'une beauté inconnue. Il devient donc romantique; mais sa sensibilité est seule atteinte; son goût demeure classique.

Quand Berlioz part pour Rome, le poison est déjà dans ses veines: c'est Byron qu'il lit au Colisée, ce sont des chœurs de Weber qu'il chante avec des peintres allemands en revenant, le soir, de ses promenades à travers la campagne romaine. Égaré par les prestiges romantiques, il n'est plus capable d'écouter la leçon des ruines et du ciel. Mais ni les fées, ni les sorcières, ni Satan, ni les dieux du Nord ne peuvent fermer son oreille à la voix de Virgile, qui lui parle sans relâche sur la terre du Latium. Des vers de l'Énéide se réveillent à tout propos dans son esprit; et, près de Subiaco, s'accompagnant de sa guitare, il chante, dans la solitude, la mort du jeune Pallas et le désespoir du bon Évandre. Ces souvenirs, rien ne les effacera jamais; ils se mêleront à toutes les joies, à toutes les souffrances, à toutes les admirations de Berlioz. Ce sera le convoi de Pallas qu'il croira voir passer, quand il entendra la marche funèbre de la Symphonie héroïque. Tous ses écrits sont parsemés de citations de Virgile; ses feuilletons les plus moroses en sont émaillés. Il est torturé, tenaillé, à la pensée de débrouiller un scénario de Scribe: un vers des Églogues traverse sa mémoire, et le voilà qui sourit sur le chevalet. Le poète latin a inspiré son premier essai: la Mort d'Orphée, et sa dernière œuvre: les Troyens.

Berlioz a aimé aussi, hélas! formidablement aimé ce fétiche barbare que les artistes d'alors nommaient Shakespeare, ayant appris, par les traductions de Letourneur, que le poète anglais, détesté de Voltaire, ignorait la règle des trois unités, peuplait la scène de fantômes et introduisait le calembour dans la tragédie. Le shakespearianisme des romantiques français est une des mystifications les plus plaisantes de l'histoire littéraire. Berlioz, lui-même, nous a fait là-dessus des aveux bons à retenir. Il venait d'assister avec une émotion poignante à la représentation de Roméo et Juliette donnée à Paris par la troupe anglaise dont Henriette Smithson faisait partie; «Il faut ajouter, dit-il en rappelant cette heure de sa vie, que je ne savais pas alors un seul mot d'anglais, que je n'entrevoyais Shakespeare qu'à travers les brouillards de la traduction de Letourneur et que je n'apercevais point en conséquence la trame poétique qui enveloppe comme d'un réseau d'or ces merveilleuses créations. J'ai le malheur qu'il en soit à peu près de même aujourd'hui. Il est bien plus difficile à un Français de sonder les profondeurs du style de Shakespeare qu'à un Anglais de sentir les finesses et l'originalité de celui de La Fontaine et de Molière. Nos deux poètes sont de riches continents. Shakespeare est un monde.» Avec les autres romantiques, il adora donc ce poète inconnu. Shakespearien devint pour lui comme pour eux le mot qui excuse toutes les folies. Shakespeariens, les effets «foudroyants» pour lesquels il décuple les sonorités de l'orchestre; shakespearienne, l'obsession du colossal, du titanique; shakespearien, le mélange du trivial et du sublime dans la symphonie; shakespearien surtout, ce mépris des conventions qui tiennent à l'essence même de l'art, l'imprudente ambition d'amalgamer des sons, des couleurs et de la littérature.

Dans ses premières œuvres, la passion romantique domina presque souverainement; mais elle ne put en bannir la finesse, l'élégance et la tendresse virgiliennes. La «scène aux champs» de la Symphonie fantastique, le début de la Damnation de Faust, d'autres fragments encore attestaient la persistance du goût classique. Puis, un jour, par cette sorte de régression qui, vers le milieu de la vie, ramène les hommes à leur véritable nature, aux instincts qu'ils ont hérités de leur race et de leur famille, Berlioz se détourna du romantisme. Alors il composa l'Enfance du Christ, Béatrice et Bénédict, les Troyens: à son insu, il rentrait dans sa voie. Quand il fit exécuter l'Enfance du Christ, quelques personnes soutinrent qu'il avait modifié son style et sa manière. Il haussa les épaules: «J'aurais écrit, dit-il, l'Enfance du Christ de la même façon, il y a vingt ans.» C'était vrai: il eût pu l'écrire; mais il avait écrit la Symphonie fantastique! Nul artiste ne fut aussi inconscient des mouvements de son génie. Jamais il ne s'aperçut qu'en lui même son goût et sa sensibilité se livraient bataille. Il souffrit tragiquement de ce conflit, mais ignora la cause de son mal.

Combien de poètes et d'artistes romantiques subirent le même tourment pour avoir, dans un moment de bravade, refusé d'entendre le cri de leur propre nature! Combien ont pu répéter le cantique de Racine:

Hélas! en guerre avec moi-même

Où pourrai-je trouver la paix?


La paix, c'est-à-dire l'heureux accord de toutes les facultés d'une âme humaine, sous la loi de la tradition.

ANDRÉ HALLAYS

1

Mémoires, II, p. 159.

2

Correspondance, p. 274.

3

Journal des Débats, 9 juin 1849.

4

Théophile Gautier, Notices romantiques, Hector Berlioz.

5

Mémoires, II, p. 383.

6

Correspondance, p. 306.

7

Journal des Débats, 30 mars 1844.

8

Ibid. 3 avril 1844. – On retrouve ces impressions d'Italie dans les Mémoires.

9

Journal des Débats, 7 janvier 1849.

10

Journal des Débats, 26 mars 1859.

11

Livre du Centenaire du Journal des Débats.– Étude de M. Ernest Reyer sur la critique musicale.

12

Journal des Débats, 27 octobre 1849.

13

Journal des Débats, 25 janvier 1835.

14

Quand on a lu tout ce que Berlioz a écrit contre les «arrangeurs», on est abasourdi de l'audace d'un entrepreneur de spectacles qui, ayant travesti en opéra la Damnation de Faust, ne craint pas de protester de son respect pour le génie du musicien.

15

Ces analyses ont été recueillies dans A travers Chants.

16

Journal des Débats, 1er mai 1836.

17

Ibid. 15 novembre 1835.

18

Journal des Débats, 27 septembre 1835.

19

L'Opéra s'apprêtait à représenter les Martyrs du même Donizetti.

20

Journal des Débats, 16 février 1840.

21

Journal des Débats, 2 et 3 janvier 1861.

22

Correspondance p. 249.

23

Journal des Débats, 5 septembre 1839.

24

Journal des Débats, 14 novembre 1848.

25

Ibid. 12 mars 1841.

26

Journal des Débats, 9 décembre 1850.

27

Journal des Débats, 21 novembre 1835 et 15 octobre 1837.

28

Ibid. 16 juillet 1836.

29

Hector Berlioz, sa Vie et son Œuvre, p. 291.

30

Journal des Débats, 10 novembre et 10 décembre 1836.

31

Journal des Débats, 21 février 1854.

32

Ibid. 10 avril 1859.

33

Journal des Débats, 15 décembre 1844.

34

Journal des Débats, 22 avril 1851.

35

Journal des Débats, 7 janvier 1852.

36

Lettre à Humbert Ferrand, 28 avril 1859.

37

Journal des Débats, 26 mars 1859.

38

Journal des Débats, 20 janvier 1846.

39

L'article de Berlioz se trouve dans A travers Chants. La réponse de Wagner, publiée dans les Débats, a été reproduite par M. Georges Servières dans son livre: Wagner jugé en France.

40

Correspondance, pp. 225 à 280, passim.

41

Cette étude sur Berlioz a été écrite par Wagner en 1841. Elle a été traduite par M. Camille Benoît dans Musiciens, Poètes et Philosophes.

42

«J'ai passé ma vie avec ce peuple de demi-dieux; je me figure qu'ils m'ont connu, tant je les connais. Et cela me rappelle une impression de mon enfance qui prouve à quel point ces beaux êtres antiques m'ont tout d'abord fasciné. A l'époque où, par suite de mes études classiques, j'expliquais, sous la direction de mon père, le douzième livre de l'Énéide, ma tête s'enflamma tout à fait pour les personnages de ce chef-d'œuvre: Lavinie, Turnus, Énée Mezence, Lausus, Pallas, Evaudre, Amata, Latinus, Camille, etc., etc.; j'en devins somnambule, et, pour emprunter un vers à Victor Hugo:

Je marchais tout vivant dans mon rêve étoilé.

Un dimanche, on me mena aux vêpres: le chant monotone et triste du psaume: «In exitu Israël» produisit en moi l'effet magnétique qu'il produit encore aujourd'hui et me plongea dans les plus belles rêveries rétrospectives. Je retrouvais mes héros virgiliens, j'entendais le bruit de leurs armes, je voyais courir la belle amazone Camille, j'admirais la pudique rougeur de Lavinie éplorée, et ce pauvre Turnus, et son père Daunus, et sa sœur Juturne; j'entendais retentir les grands palais de Laurente… et un chagrin incommensurable s'empara de moi, je sortis de l'église tout en larmes…» – (Lettre d'Hector Berlioz à la princesse Caroline Sayn, – Wittgenstein, 20 juin 1859).

43

Le mot est de J. – J. Weiss.

Les musiciens et la musique

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