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Un rival d'Érard
ОглавлениеCertains mécaniciens amateurs se livrent parfois à la fabrication des instruments de musique avec le plus grand succès. Ils font même dans cet art d'étonnantes découvertes… Ces hommes ingénieux, autant que modestes, dédaignent néanmoins d'envoyer leurs ouvrages aux expositions universelles, et ne réclament pour eux personnellement ni brevet d'invention, ni médaille d'or, ni le moindre cordon de la Légion d'honneur.
L'un d'eux vint un jour, en Provence, visiter son voisin de campagne, M. d'O… célèbre critique et musicien distingué. En entrant dans son salon: «Ah! vous avez un piano? lui dit-il.
– Oui, un Érard excellent.
– Moi aussi, j'en ai un.
– Un piano d'Érard?
– Allons donc! de moi, s'il vous plaît. Je me le suis fait à moi-même, et d'après un système tout nouveau. Si vous êtes curieux de le voir, je le ferai mettre demain sur ma charrette, et je vous l'apporterai.
– Volontiers.»
Le lendemain, l'amateur campagnard arrive avec sa charrette; on apporte le piano, on l'ouvre, et M. d'O… est fort étonné de voir le clavier composé exclusivement de touches blanches. «Eh bien! et les touches noires? dit-il.
– Les touches noires? Ah! oui, pour les dièzes et les bémols; c'est une bêtise de l'ancien piano. Je n'en use pas.»