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LES FACTEURS DÉTERMINANTS DU CLIMAT

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Dans son traité sur les Airs, les Eaux et les Lieux, Hippocrate disait: «Celui qui se propose de faire des

«recherches exactes, en médecine, doit étudier l’influence

«des saisons, des vents, du sol et des eaux...» Ces mots, le titre même de l’ouvrage, indiquent toute l’importance que le Père de la médecine attachait à l’étude du climat.

Il est difficile de donner, du climat, une définition qui soit en même temps un programme d’études.

Fonssagrives, adoptant la définition de Humboldt, écrivait dans son remarquable article du Dictionnaire encyclopédique: «Un climat est l’ensemble des variations

«atmosphériques qui affectent nos organes, d’une

«manière sensible, la température, l’humidité, les changements

«de pression barométrique, le calme de l’atmosphère,

«les vents...»

Si l’on entend, sous le nom de climat, le milieu dans lequel vivent les êtres organisés, en un point déterminé de la surface du globe, il semble qu’il faille ajouter à ces recherches météorologiques, des considérations sur la latitude et l’altitude du lieu, l’étude du sol, des eaux, de toutes les conditions locales qui peuvent modifier les phénomènes atmosphériques et enfin rechercher la manière dont ce climat réagit sur la vie.

Nous allons essayer d’appliquer cette méthode à l’étude du climat sicilien.

Nous sommes obligés d’entrer dans un grand nombre de détails géographiques et météorologiques qui ne sont pas, à notre avis, inutiles; pour nous, ils constituent les bases sur lesquelles le médecin doit nécessairement s’appuyer pour apprécier la valeur d’un climat, son action sur l’homme et juger de son emploi, comme moyen thérapeutique.

La Sicile est la plus grande île de la Méditerranée. Située entre 36°37′ et 38°18′ de latitude Nord, elle marque, à peu près, le centre de la grande mer intérieure, par rapport aux trois continents qui l’entourent.

A cause de sa forme triangulaire, les anciens l’appelaient «Trinacria».

Au point de vue géographique et politique, la Sicile fait partie de l’Europe; mais son climat semble la rapprocher du continent africain et l’on a pu, avec raison, appeler la Sicile, la porte de l’Afrique.

Sa pointe Sud-Ouest, Marsala, n’est séparée du cap Bon que par un détroit de 120 kilomètres de large. Il est probable qu’à un moment donné de l’histoire du globe, la Sicile dut faire partie du continent africain, auquel l’unit un plateau sous-marin, recouvert, en moyenne, par 200 mètres d’eau.

La Sicile a une étendue de 9935 milles carrés. C’est, dans son ensemble, un plateau montagneux, moyennement élevé, qui, environ à 10 milles des côtes, s’abaisse en pente douce, vers la mer.

Elle possède le climat méditerranéen, dont les principaux caractères sont la chaleur, la douceur, l’égalité de la température, la clarté de l’atmosphère, une humidité modérée et une grande proportion de beaux jours.

Température. — La température de la Sicile peut être établie d’après les observations faites, sur différents points de son territoire. A Palerme la moyenne annuelle est environ de 18°,15, à Catane 180, à Syracuse, Girgenti 17°. On peut estimer la moyenne annuelle de l’île à 17°,5.

La différence de température, entre les saisons, les mois, enfin, entre les différentes parties du jour, est modérée; il y a rarement des oscillations thermiques brusques.

L’abaissement thermique qui se produit sur la côte d’azur, au moment du coucher du soleil, n’existe pas en Sicile.

Is. Owen affirme que pendant tout le mois de novembre il n’a pas remarqué de changement sensible de température, après le coucher du soleil. «L’air, jour et

«nuit, dit-il, est resté agréablement chaud.»

Les températures extrêmes sont exceptionnelles: le thermomètre ne descend presque jamais à zéro et le maximum thermique, noté par le capitaine Smith, fut de 32 à 37° pendant les jours de sirocco qui ne sont pas fréquents.

En été, de juin à la fin d’octobre, il fait généralement chaud, avec une moyenne thermique de 22° ; l’hiver est ordinairement doux avec une moyenne de 10° à 12°. La saison la plus agréable est le printemps, comprenant les mois de mars, avril et mai où il y a une moyenne de i3 à 18°.

L’influence de l’entourage méditerranéen est un des principaux facteurs qui déterminent le climat sicilien. La Méditerranée est une étendue d’eau comparativement chaude; comme le Dr Marcet l’a démontré, la température de la surface de la mer dépasse, en moyenne, de 120 Fahrenheit (6°,6 C.) la température minima de l’air.

La Sicile est ainsi baignée, de tous côtés, et en toutes saisons, par une mer relativement chaude, ce qui conserve sa température estivale jusqu’en novembre.

Il ne parait pas que les courants marins exercent une influence considérable sur le climat sicilien.

Tout au contraire, les conditions d’altitude, d’abri et d’exposition locale ont une influence remarquable sur la température de quelques points de l’île. Ainsi, Palerme doit, en partie, au cercle de montagnes qui l’entoure, la douceur et l’égalité de son climat.

Catane se ressent de la proximité des neiges de l’Etna et la constitution volcanique de son sol augmente la chaleur de ses étés. Girgenti fait face à la Tunisie et subit l’influence de l’Afrique.

Les vents. — Le vent est aussi un facteur qui influe fortement sur la température et le climat d’un pays.

D’une façon générale, en Sicile, les vents sont variables, en force et en direction.

Le vent dominant d’octobre à mars est l’O.-S.-O.; c’est un courant marin équatorial qui apporte la pluie. De mai à septembre, le courant polaire N.-E. domine et, pendant plusieurs semaines consécutives, il n’y a pas de pluie. Au moment des équinoxes, il y a lutte entre le courant équatorial et le courant polaire et le temps est variable.

Le siroco, vent du S.-S.-E., qui vient des déserts de l’Afrique, souffle en toute saison; mais il est rare en hiver et plus fréquent au moment des changements de saison. Par son passage au-dessus de la mer, il est amené à un degré de température supportable sur la côte Est, où il arrive d’abord. Mais il paraît acquérir une chaleur nouvelle en passant sur les terres et il devient très désagréable, à mesure qu’il s’avance vers l’Ouest.

Nous avons eu l’occasion d’observer à Palerme cette année, le 10 mars, le phénomène décrit par les journaux sous le nom de «pluie de sang» qui n’est autre que le siroco.

La veille, la journée avait été superbe; le ciel clair, l’atmosphère tiède et calme et rien ne pouvait faire supposer la perturbation atmosphérique du lendemain. Le 10 mars, à l’aube, un vent violent s’éleva, apportant avec lui des tourbillons de poussière rouge. Le ciel avait une teinte livide; les maisons, le sol et les arbres revêtaient une couleur rouge brique; l’atmosphère donnait une impression de chaleur desséchante très pénible.

Le baromètre était descendu à 750 millimètres, le thermomètre marquait 27° Réaumur (33°,75 C.), un brouillard dense obscurcissait l’air. Le vent dura 24 heures avec de très courtes accalmies, et le lendemain tout était rentré dans l’ordre.

Ces phénomènes, assez rares, ne dépassent guère comme durée 2 ou 3 jours au plus.

L’existence du siroco semble constituer un gros inconvénient du climat sicilien pour les malades.

Cependant le peu de fréquence et de durée de ce vent, la possibilité d’atténuer, dans une large mesure, ses effets nuisibles, en évitant de sortir pendant quelques heures, permettent d’affirmer qu’il ne peut être un obstacle au séjour des malades dans l’île.

Les médecins siciliens n’ont, d’ailleurs, remarqué aucune aggravation dans l’état sanitaire du pays au moment des périodes de siroco.

Régime des pluies. — Suivant le Pr Dove, l’Europe peut être divisée en deux zones, au point de vue du régime des pluies.

Le Nord qui comprend la partie septentrionale de l’Espagne, la France, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la Suisse et le Nord de l’Italie, a des pluies en toutes saisons.

Dans la zone du Sud, qui embrasse le Sud de l’Espagne, le Sud de l’Italie, la Sicile et la Grèce, il existe une véritable saison des pluies, comprenant les mois d’hiver.

En effet, la quantité moyenne d’eau tombée en Sicile dans l’année peut être évaluée à 0m,66, répartie en 90 à 100 jours environ, dont les deux tiers se comptent d’octobre à mars.

Les pluies, pendant la saison d’hiver, ont l’inconvénient d’amener parfois des abaissements sensibles de température. Mais elles ont l’avantage d’empêcher la formation de poussières et jointes à l’atmosphère marine qui entoure l’île, d’y entretenir un état d’humidité modérée.

État hygrométrique de l’air. — La moyenne de l’humidité de l’air est de 0,65 à Palerme, de 0,61 à Catane, de 0,72 à Syracuse. Plus élevée en hiver (novembre, décembre et janvier), elle s’abaisse en été, sans jamais dépasser, pendant les mois les plus chauds, un minimum de 0,60.

L’humidité est suffisante pour tempérer la chaleur, mais toujours éloignée du point de saturation. Cette considération jointe à la rareté des oscillations thermiques brusques, empêche la précipitation de la vapeur d’eau et la formation fréquente de brouillards.

Les brouillards, en Sicile, ne sont ni fréquents ni continus. Ils existent surtout en hiver et au printemps, au voisinage des côtes et dans les premières heures du jour: circonstance bien connue des navigateurs, le brouillard se dissipe ordinairement de 7 heures à 10 heures du matin.

L’absence de brouillards fréquents et continus explique à la fois l’ordinaire clarté de l’air et la grande proportion de beaux jours.

Il n’est guère de région, en Europe, si l’on en excepte les îles de l’archipel (où le brouillard est à peu près inconnu) où le ciel soit plus clair qu’en Sicile. On compte, en moyenne, en Sicile de 220 à 280 beaux jours par an.

Nature du sol. — La Sicile est de formation géologique relativement récente. La chaîne de montagnes qui la traverse du N.-E. au S.-E. est seule d’origine primaire et formée de roches cristallines. Elle semble être la continuation de la chaîne de l’Aspromonte en Calabre.

Les montagnes de la côte Nord et leurs ramifications sont composées de roches calcaires secondaires.

Le centre de la Sicile appartient à la formation tertiaire, calcaire et arénacée et se compose de montagnes rocheuses, coupées de profondes vallées.

La Sicile a peu de plaines très étendues: les principales sont celles de Catane, de Terra Nova et les Campi Geloi. Ces plaines sont de formation quaternaire et alluviale.

Le mont Etna est complètement séparé du système des montagnes de Sicile: de formation volcanique, il constitue la partie la plus récente de l’île.

La plus grande partie du sol sicilien est de formation calcaire. Ceci peut contribuer à l’élévation de la température de l’île.

Shübler a démontré le grand pouvoir absorbant calorifique du sol calcaire. La capacité d’absorption calorifique du terrain sablonneux et calcaire est représentée par 100 tandis qu’il n’accorde que 73 au gypse, 71 à l’argile compacte, 68,4 pour la terre argileuse, 49 pour l’humus.

La puissance d’absorption calorifique du sol est encore un des facteurs de l’égalité de température, sur laquelle nous avons insisté.

Les eaux. — Les rivières de Sicile, désignées sous le nom de «fiume», sont assez nombreuses, mais petites et la plupart du temps desséchées en été.

L’île abonde en eaux minérales et thermales. Le voisinage de la mer. la formation géologique du sol, l’activité volcanique de l’île font supposer qu’il doit exister un certain nombre de sources chaudes, principalement sulfureuses et chlorurées-sodiques.

Ce n’est pas ici le lieu de traiter complètement la question des eaux thermales en Sicile, puisque nous nous occupons spécialement de climatologie; mais nous ne pouvons nous empêcher d’étudier sommairement tout au moins un type de source chlorurée-sodique: Termini; deux sources sulfureuses: Sciacca et Aci Reale.

TERMINI-IMERESE, situé sur la côte Nord de l’île à 37 kilomètres de Palerme, comprend deux sources chaudes.

L’eau de la source S.-O., limpide à l’émission, se trouble par une exposition prolongée à l’air.

Sans couleur et sans odeur, elle a un goût salé.


Le chlore est présent, sous forme de chlorure de sodium principalement, accessoirement de chlorure de calcium et de magnésium. C’est une eau chlorurée sodique forte.

L’eau de la source N.-E. est limpide et ne se trouble pas à l’air. Sa température est de 42°,5, son poids spécifique 1,115. Sa composition chimique ressemble à celle de la source S.-O.; c elle contient en outre un peu de chlorure et de bromure de potassium et une petite quantité de silice.

SCIACCA est située sur une éminence, en face de la mer, sur la côte Ouest de Sicile.

La ville, qui compte 22000 habitants, est bâtie non loin de l’emplacement où s’élevaient, jadis, les thermes fameux de Sélimonte.

Dans une vallée, entre la ville et le mont San Calogero, se trouvent des sources nombreuses et de composition variée.

Source sulfureuse. — A une température de 52°.

Elle contient par litre: Hydrogène sulfuré 1gr,5;

Chorure de sodium 8gr,026.

Acqua Santa. — Sa température varie de 30° à 32°. Sa composition ressemble à celle de l’eau de Vichy, elle renferme un gramme d’acide carbonique, par litre.

Acqua Ferrata. — 28°, est riche en carbonate de fer 0gr,83 par litre et contient en outre une grande quantité d’acide carbonique libre.

On voit combien sont riches les sources de Sciacca, les bains de vapeurs des grottes du mont San Calogero ajoutent encore à ces ressources.

ACI REALE est une ville riche de 25000 âmes, bâtie à 160 mètres au-dessus du niveau de la mer, sur les coulées de lave de l’Etna.

Les thermes de Santa Venera permettent d’utiliser les sources sulfureuses, chlorurées et iodurées.

Les eaux contiennent par litre: hydrogène sulfuré 10 centimètres cubes, acide carbonique 95 centimètres cubes, chlorure de sodium 2gr,68 et des quantités appréciables de sulfure et d’iodurc de sodium, de chlorures de magnésium et de lithium.

Cette étude sommaire permet de se faire une idée de la richesse de la Sicile en eaux minérales et de la valeur thérapeutique de celles-ci.

A Termini et à Aci Reale qui possèdent des établissements bien organisés, on peut soigner tout ce qui se rapporte à la scrofule, aux diathèses arthritique et rhumatismale.

A Sciacca, on trouve une variété de composition, peu égalée, dans les célèbres sources du continent.

Tout d’abord, une source chlorurée-sulfurée, comparable aux eaux d’Uriage, Challes, Aix-la-Chapelle, la source d’Acqua Santa dont la composition ressemble à celle de l’eau de Vichy, enfin la source dite; Acqua Ferrata, qui se rapproche, par sa richesse en carbonate de fer, de la source Saint-Victor de Royat et qui possède à un haut degré cette qualité importante, la présence d’acide carbonique libre qui favorise l’assimilation du fer.

Outre les eaux minérales thermales, dont nous venons de parler, la Sicile possède de nombreuses sources d’eau potable.

Dans ces dernières années, les villes siciliennes ont fait de louables efforts pour se procurer des eaux potables de bonne qualité.

Palerme, en particulier, a fait capter les sources de Scillato dans les montagnes de la Madonia à 70 kilomètres de la ville.

Ces eaux sont claires, fraîches, bien aérées, modérément minéralisées, ne contiennent pas de matières organiques.

Elles doivent leur pureté à la nature du sous-sol formé d’une couche de craie non contaminée.

La Sicile : études climatologiques et médicales

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