Читать книгу Gluck : sa vie, son système et ses oeuvres - Hippolyte Barbedette - Страница 4
PRÉFACE
ОглавлениеLe sujet que nous allons aborder a été traité bien des fois sans avoir été jamais épuisé.
La vie de Gluck a été racontée dans les plus grands détails par M. Antoine Schmid dans un livre publié à Leipzig sous le titre: Christophe Willibald, chevalier de Gluck, sa vie et ses œuvres musicales. Tout récemment, un érudit français, M. Gustave Desnoiresterres, a consacré à Gluck et à son rival Piccinni un volume des plus intéressants, qui résume à peu près tout ce que l’on peut savoir sur la grande querelle musicale du XVIIIe siècle.
La partie technique a été traitée en deux volumes in-8° par A.-B. Marx dans son livre intitulé : Gluck et ses œuvres (Berlin).
Il a été publié nombre de monographies très intéressantes et très complètes sur chacun des opéras français du célèbre compositeur; les études de H. Berlioz sur Orphée et Alceste comptent parmi les meilleures pages de critique musicale. M. Troplong écrivit, il y a neuf ou dix ans, dans la Revue contemporaine, une appréciation d’Armide qui fut fort remarquée; lors de la reprise d’Alceste au Théâtre-Lyrique, M. Gustave Bertrand, dans la Revue Germanique, consacra à cet opéra une analyse des plus remarquables, etc., etc.
Quant aux écrits innombrables qui parurent à Paris à l’époque où était engagée la lutte entre Gluckistes et Piccinnistes, ils sont aujourd’hui sans intérêt: ce sont des curiosités littéraires, rien de plus; quant à leur valeur esthétique, elle est médiocre. Marmontel, La Harpe, Suard et l’abbé Arnaud parlaient souvent ex professo de bien des choses qu’ils ignoraient, et nous entreprendrons de montrer qu’ils avaient porté le débat sur un terrain où il n’aurait pas dû être placé .
Nous avons cru utile de raconter brièvement, dans une première partie, la vie du chevalier Gluck et celle de son infortuné rival Piccinni. Les livres que nous venons de citer nous ont fourni les principaux éléments de ce récit .
Dans une seconde partie, nous exposons nos idées personnelles sur le système de Gluck.
Dans la dernière partie, nous faisons une analyse succincte des pièces qui composent le répertoire français de Gluck, c’est-à-dire d’Orphée, d’Alceste, des deux Iphigénie et d’Armide .
Dans un supplément, enfin, nous donnons le catalogue des œuvres, tant italiennes que françaises, de ce compositeur allemand qui, à part quelques poésies de Klopstock, ne mit jamais en musique de paroles allemandes.
Gluck faisait profession de foi de mépriser la frivolité française. Cependant le rêve de toute sa vie fut de plaire au public français; il fit une grave maladie parce qu’une de ses œuvres second aires avait été froidement accueillie, et il ne put se consoler de l’échec mérité d’Écho et Narcisse.
Ce phénomène s’est plus d’une fois reproduit chez les compositeurs allemands.
Mendelssohn n’aima pas la France, mais il pensa que quelque chose eût manqué à sa gloire s’il ne fût venu recueillir les applaudissements de Paris. — Richard Wagner pardonnera-t-il jamais au public français, dont il recherchait les suffrages, de l’avoir si peu compris?
Meyerbeer n’eut pas au cœur de semblables petitesses: il aima sincèrement la France, et nous pouvons dire que, si son corps est à la Prusse, son âme est à nous.
Libre aux Allemands de proclamer que la France est déchue; que nous ne sommes plus, ou même que nous n’avons jamais été une nation musicale. Nous leur reconnaissons le droit d’être sévères, parce qu’ils comptent parmi eux les plus grands génies musicaux; mais nous leur refusons celui d’être injustes, et, sans être injustes nous-mêmes, nous pouvons constater qu’il y a des supériorités qui leur manquent. Si leur musique est énergique et profonde, elle ignore ces charmants côtés scéniques qui sont le propre du génie français .
L’opéra comique est une création qui appartient, à la France: l’Allemagne n’a pas de noms à opposer à ceux de Monsigny, de Grétry, de Boïeldieu, d’Herold, d’Auber et de tant d’autres. — Dans le grand opéra, Halévy n’est pas sans gloire à côté de Meyerbeer, et les succès qu’obtiennent à l’étranger les œuvres de Félicien David, de Gounod et d’Ambroise Thomas disent assez que la musique française n’est pas morte.
Dans notre critique, nous croyons avoir été juste pour Gluck; mais l’admiration que nous professons pour les grands artistes étrangers ne nous fait pas oublier que la France, aussi, a son histoire musicale. Nous croyons que le moment serait venu d’écrire cette histoire, et nous eussions aimé à entreprendre une tâche de cette nature, si elle ne nous eût paru dépasser la mesure de nos forces.
H. B.