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NOTICE SUR M. JULES RENOUVIER.

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'est une tâche difficile & douce tout à la fois d'avoir à parler d'un savant auquel des goûts communs vous unissaient, & qui voulut bien vous témoigner une affectueuse bienveillance. M. Jules Renouvier, que la mort vient de ravir, avait une de ces organisations solides pour lesquelles le travail est en même temps la plus grande joie & la plus agréable occupation; ses études concouraient d'ailleurs toutes à un même but, la recherche du beau & du vrai. Né le 13 décembre 1804, M. J. Renouvier avait fait d'excellentes études à Montpellier, & loin de s'empresser de produire, il passa sa jeunesse à s'instruire, & ne songea à publier que lorsqu'il fut certain que ses travaux pourraient être de quelque utilité. Il mit au jour bien timidement, en 1835 seulement, deux brochures, Des vieilles maisons de Montpellier, & Notice sur les manuscrits de la commune de Montpellier. Brochures qui, sans avoir une importance considérable, ne laissaient pas que faire pressentir un esprit étendu & des vues élevées.

C'était vers l'étude de l'archéologie que les premiers travaux de M. Renouvier se portèrent de préférence, & c'est l'architecture qui attira tout d'abord son attention. Les époques de lutte étaient celles que M. Renouvier semblait affectionner; il pensait, & en cela il nous paraît être absolument dans le vrai, qu'après une commotion violente, en même temps que les hommes se renouvellent, en même temps que les idées changent ou se modifient, l'art, lui aussi, trouve une force nouvelle & inaugure volontiers une renaissance. A ces époques tourmentées de l'existence, l'artiste possède une audace que les temps de calme & de paix ne sauraient faire naître en lui. L'architecture gothique marque précisément une de ces époques révolutionnaires, elle naît à la suite de dissensions politiques, & tente avec succès de venir remplacer la barbarie dans laquelle l'art était plongé depuis plusieurs siècles[1]. Après des considérations générales sur l'architecture gothique, considérations dans lesquelles les connaissances approfondies de M. Renouvier apparaissent pleinement, l'auteur envisage spécialement le progrès de cet art dans le midi de la France, & publie le résultat de ses observations dans Les Anciennes Eglises du département de l'Hérault, dans Les Monuments de quelques anciens diocèses du Bas-Languedoc, dans Les Maîtres tailleurs de pierre & autres artistes de Montpellier[2] & même dans un ouvrage où la France n'est plus en jeu, Notes sur les monuments gothiques de quelques villes d'Italie (Pise, Florence, Rome & Naples), 1841.

[1] M. Renouvier allait encore publier un autre ouvrage relatif également à une époque de transition: l'Art pendant l'époque révolutionnaire. Ce soin est dévolu à sa famille.

[2] Cet ouvrage fut publié en collaboration de M. Ricard.

La révolution de 1848 détourna pour quelques instants M. Renouvier de ses chères études; les devoirs du citoyen passèrent avant les goûts de l'homme privé, & le savant archéologue accepta la place de Commissaire du Gouvernement provisoire qui lui fut offerte. Les hautes qualités du fonctionnaire public se firent jour immédiatement, & le Département de l'Hérault envoya M. Renouvier le représenter à l'Assemblée Constituante. Même au milieu des travaux que ses nouvelles fonctions lui imposaient, M. J. Renouvier n'oublia pas ses études antérieures; il fut chargé par la Commission de faire un Rapport sur le chapitre du Ministère de l'intérieur relatif aux Musées nationaux, rapport que nous n'avons pas eu l'occasion de lire, mais dans lequel, au dire de personnes bien informées, le goût éclairé de M. J. Renouvier se faisait toujours remarquer.

Rendu bientôt à la vie civile, M. Renouvier se mit en devoir de continuer ses études de prédilection, & l'histoire mal connue encore de l'art de la gravure attira ses instincts curieux. Il se mit à l'œuvre avec l'ardeur d'un néophyte, poursuivit ses recherches avec passion, & composa le meilleur ouvrage qui ait paru jusqu'à ce jour sur les graveurs & sur les gravures, Des Types & des manières des maîtres graveurs, depuis l'origine de cet art jusqu'en 1648 (1853-1856).

Doué d'un esprit investigateur & possesseur d'une érudition variée, M. J. Renouvier rassembla tous les documents qui pouvaient concourir à son œuvre. Il mit à contribution toutes les Bibliothèques de l'Europe, examina avec soin les collections particulières, qu'on était toujours heureux de lui ouvrir, &, fort de ces notes prises dans un but sagement conçu & bien défini, il sut se prémunir contre le désir trop commun de paraître érudit. Plus que personne, cependant, il possédait une érudition complète, mais il sut précisément se servir de cette érudition pour en tirer un jugement net sur les types & les manières des maîtres graveurs. Il faut un peu avoir étudié les mêmes questions que M. J. Renouvier pour se rendre un compte exact du savoir nécessité pour rédiger ces quatre volumes in-4o; au premier abord, ils pourraient paraître composés facilement & presque sans labeur, tant l'érudition est cachée à l'ombre d'une critique sage & mesurée. Quiconque a tenté d'élucider un point de l'histoire, si minime qu'il soit, connaît les difficultés immenses qui se présentent à chaque pas: les documents absolument contradictoires, les renseignements faux dont fourmillent tous les ouvrages parus antérieurement, paraissent destinés à rebuter les plus courageux; M. Renouvier semble s'être roidi contre tous ces obstacles: il a demandé aux œuvres elles-mêmes leur nationalité & leur origine, & guidé par son goût, il a su assigner à chaque artiste le rang qu'il mérite réellement; il a comparé la manière de l'un avec la manière de l'autre, & a établi un ordre, une classification qui restera comme un monument.

Depuis la publication de ce précieux ouvrage, chaque année M. Renouvier mettait au jour quelque opuscule intéressant: Une Passion de 1446, Gérard de saint Jean de Harlem, des gravures sur bois dans les livres d'Antoine Vérard & quelques autres brochures furent publiées à Montpellier ou à Paris. Il y a deux mois à peine, il apportait avec lui à Paris un nouveau volume qui devait, hélas! être le dernier. C'était une Histoire de l'origine & des progrès de la Gravure dans les Pays-Bas & en Allemagne, jusqu'à la fin du quinzième siècle. Que de recherches il a fallu pour découvrir tous ces documents épars en France & en Angleterre, à Leipsic, à Amsterdam, à Vienne, à Cologne & à Bale! Quelle science d'assimilation il avait fallu déployer pour grouper, pour ainsi dire de mémoire, les artistes d'un même terroir, les graveurs d'une même contrée. M. Renouvier se tira à son grand honneur de cette tâche difficile[3]; il sut attribuer à chacun une part d'éloges & une part de blâme convenable; il sut tenir compte des obstacles surmontés & des victoires remportées, & il se disposait à nous donner un travail analogue sur la France & sur l'Italie, lorsque la mort est venue le ravir à sa famille, à ses amis & à la science. Perte fatale & irréparable! Arrivé à tout l'épanouissement de son savoir, M. Jules Renouvier, que son abord bienveillant avait rendu sympathique à tous, eût pu continuer longtemps encore à faire profiter de son érudition les amis de l'art; il eût pu mettre à exécution les nombreux travaux qu'il préparait de longue date, &, grâce à lui, la Gravure longtemps délaissée par les historiens de l'art, eût pris dans l'histoire la place importante qu'elle est digne d'y occuper.

[3] Ce mémoire fut couronné par l'Académie royale de Belgique, dans sa séance du 23 septembre 1859.



Jehan de Paris varlet de chambre et peintre ordinaire des rois Charles VIII et Louis XII

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