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M*** A MADEMOISELLE LA QUINTINIE, AU CHATEAU DE TURDY

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Chambéry, 7 juin 1861.

Je m'inquiète un peu, non de cette joie que vous avez éprouvée en apprenant l'arrivée de monsieur votre père, mais de l'empressement que vous avez mis à quitter mademoiselle de Turdy le soir même. J'ai trouvé la bonne tante tout en émoi de vous savoir seule sur les chemins à dix heures du soir. Ses braves serviteurs sont bien vieux, ses vieux chevaux bien lents, et ce lac à traverser… Comment avez-vous fait, si, comme il est à craindre, votre barque ne vous attendait pas? Vous avez dû causer au général une bien agréable surprise; mais, comme il ne vous appelait auprès de lui que pour le lendemain matin, cette grande hâte était-elle si nécessaire?

Ne riez pas, mademoiselle, de voir votre ami s'inquiéter des petites choses. Quand il s'agit d'une personne telle que vous, les moindres résolutions prennent de l'importance. Vous avez peut-être cru me faire pressentir vos dispositions à demi-mot, et on peut bien ne dire à son ami que la moitié d'un secret délicat. Puisque vous autorisez la franchise de ma sollicitude, aussi fervente et aussi désintéressée aujourd'hui qu'elle l'a été dans le passé, laissez-moi vous dire ce que je pense de la situation de vos esprits. Ce jeune homme dont vous m'avez parlé vous occupe plus que vous n'osez en convenir, et l'inquiétude que sa courte maladie vous a causée, n'était peut-être pas proportionnée au danger que sa vie a couru, non plus qu'à la date si récente de vos relations.

Je n'ai pu vous témoigner que de l'étonnement, mais j'ai éprouvé de la stupeur en apprenant que vous ne repoussiez pas l'idée de vous unir à lui. Vous ne m'aviez pas dit son nom, et vous sembliez croire que vous auriez sur sa conscience une influence à l'égard de laquelle il ne m'est plus permis de me faire illusion. Souffrez que je vous dise de quelle façon les renseignements me sont venus, car je ne veux pas que vous me supposiez capable de chercher la vérité en dehors de vos paroles. Je n'ai pu vous dire encore la nature des projets qui m'amènent ici. Ils vous seront soumis plus tard; mais ce que je puis vous dire, c'est que je les ai formés avec une joie extrême en songeant qu'ils me permettraient de vous revoir et de vous dire de vive voix tout ce que les lacunes d'une correspondance laissent de vague ou d'inachevé dans les relations du cœur et de l'esprit.

Je n'étais pas sans une certaine émotion au moment de vous retrouver. Je savais combien les idées échangées entre nous par lettres depuis trois ans sont contraires à celles des deux principaux chefs de votre famille, et c'est toujours une situation pénible pour une âme délicate que celle dont votre confiance allait peut-être m'imposer les devoirs et les luttes. – Et puis, vous l'avouerai-je? je craignais aussi ce que j'ai trouvé. J'avais comme un pressentiment de la crise qui s'opère en vous. Vous m'aviez laissé prendre la très-douce habitude de recevoir vos lettres quatre fois l'an, et, si j'ai bonne mémoire, depuis le début de la présente année, je n'en ai reçu qu'une, et celle-ci de moitié plus courte et moins abandonnée que les autres. Je me demandais donc comment vous recevriez le meilleur de vos amis, et si sa brusque apparition ne serait pas intempestive, fâcheuse peut-être.

Mademoiselle La Quintinie

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