Читать книгу Contes moraux, ou Les hommes comme il y en a peu - Louis-Sebastien Mercier - Страница 4

PREFACE.

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Table des matières

J’Etois à la campagne occupé d’idées profondes&sérieuses que tout me portoit à égayer; car je le sens fort bien, l’homme n’est pas fait pour refléchir toujours, je ne fais pas même si l’habitude de la réflexion est un état naturel; aussi, quoiqu’embarrassé dans une fuite d’études fatiguantes&qui me plaisent, j’ai toujours pensé qu’une belle action faisoit plus d’honneur au genre humain que la solution du problême le plus compliqué, qu’une feule larme que fait couler le sentiment, est plus délicieuse que le plaisir que peut produire une démonstration métaphysique,&que les mouvemens enchanteurs d’un cœur tendre, sont bien au-dessus des distractions pénibles d’une science orgueilleuse. C’est pourquoi, tout en jouant avec les mondes sur mon bureau, j’ai trouvé le plus grand des plaisirs à peindre des bons cœurs; cette occupation m’a servi de délassement &ce délassement me faisoit trouver le bonheur.

Qu’on ne soit donc pas surpris si tous les Etres que j’ai essayé de peindre sont vertueux, le seul nom de la vertu m’enthousiasme, comme le seul nom du vice me fait rougir; d’ailleurs retire à la campagne depuis quelque temps, j’y suis environné par des personnes qui pensent comme moi,&qui sont ainsi toujours présentes à ma mémoire. Si le Peintre prend ses couleurs sur sa palete, le Moraliste ne peut peindre que les hommes qu’il voit,&comme tous ceux que j’ai eu sous mes yeux sont généreux&sensibles, sages&religieux, éclairés&modestes, j’ai été obligé de tracer les effets sublimes du désintéressement, les charmes de la sensibilité, les avantages de la vertu, le prix de la Religion&les plaisirs de la modestie; les hommes m’ont fourni ces caractères intéressans de bonté sans foiblesse,&d’assabilité sans dissimulations. Les femmes m’ont appris qu’elles pouvoient unir la raison&l’esprit sans les ternir par trop d’amour propre,&avoir de la politesse sans blesser la vérité. J’ai vû entr’elles la beauté sans prétention, les graces sans artifice,&le génie sans hauteur; je l’ai peinte, on doit m’en savoir gré.

Il étoit important de faire mon histoire, afin d’indiquer les raisons qui m’ont déterminé, contre l’usage, à n’employer que des sujets également vertueux. Car je savois bien que l’intérêt en devoit être moindre; mais aussi il me semble que pour les cœurs sensibles le plaisir en doit être plus vif, l’ame est gênée par les succès des vicieux; d’ailleurs la vertu n’est-elle pas assez touchante par elle-même pour qu’on la laisse seule conduire l’action? Il m’en eût couté de peindre des monstres, &je n’aurois pas voulu éprouver les déchirements de l’unique&de l’immortel Richardson lorsqu’il ourdissoit la trame scélerate de l’abominable Lovelace avec la même main qui avoit su former les traits de l’angélique Clarisse.

Il est cependant vrai que je cours risque d’avoir calomnié la vertu en ne la peignant pas dans tout son éclat. Malheur à moi, car je l’aime avec transport. Si je vous déplais donc dans mes tableaux, pardonnez-moi en faveur de mes intentions; mais si je puis plaire à quelques-uns, je ne mérite rien de leur part. C’est à la vertu que je dois tout.

Contes moraux, ou Les hommes comme il y en a peu

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