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SCÈNE PREMIÈRE.

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Table des matières

LA COMTESSE, le comte DU GUESCLIN, OLIVIER et JEAN, leurs fils, la châtelaine de LA MOTTE, RACHEL, puis BERTRAND, la foule.

OLIVIER. Ah! maman, quel plaisir nous allons avoir! le tournoi va commencer.

JEAN. J'aperçois mon père sur son beau cheval blanc.

RACHEL, à la comtesse. Comme mon pauvre Bertrand serait joyeux s'il était ici!... et vous l'avez privé de ce plaisir.... Oh! madame, vous êtes bien sévère. Maîtresse, faites-lui grâce, laissez-lui voir ce tournoi, et il changera.

LA COMTESSE. Ma bonne Rachel, tu juges mal mon coeur de mère; je désirerais revoir l'enfant prodigue, mais sa tante m'a appris qu'il était incorrigible.

LA CHÂTELAINE. Oui; vous n'en obtiendrez jamais rien par la douceur.

LA COMTESSE. En songeant à ce qu'il doit souffrir, je voudrais lui pardonner.

LA CHÂTELAINE. Il n'est plus temps; le tournoi commence.

LES HÉRAUTS D'ARMES. Le tournoi s'ouvre; trompes, sonnez; bannières, déployez-vous!

JEAN. Voilà mon père qui s'avance un des premiers.

OLIVIER. Voilà aussi, mon oncle de la Motte; il se range de son côté.

LA CHÂTELAINE. Quel est ce chevalier qui vient de franchir la barrière?

OLIVIER. Comme il est mal équipé!

JEAN. Quel méchant genet il monte! on dirait un des chevaux de la ferme.

DES VOIX, dans la foule. Faites sortir du champ clos ce discourtois chevalier.

BERTRAND. (Il est monté sur un vilain cheval et couvert d'une mauvaise armure.) Moi, sortir! non, jamais! Oh! quelle humiliation!... mais mon oncle est bon, il aura pitié de ma détresse. Je vais me faire connaître à lui.

LA FOULE. Qu'il sorte! qu'il sorte!

BERTRAND, s'approchant de son oncle. Noble chevalier....

LE CHEVALIER. Quoi! c'est toi, Bertrand!

BERTRAND. Oui, c'est moi, bon oncle! je n'ai pu y tenir: je me suis échappé par une fenêtre.

LE CHEVALIER. Quoi! au péril de ta vie?

BERTRAND. Eh! que fait la vie? c'est la gloire qu'il me faut.... Vous voyez qu'on veut me chasser, mon oncle, ne me refusez pas un de vos chevaux et une de vos cuirasses. Songez qu'un du Guesclin ne doit pas sortir d'un tournoi sans avoir rompu une lance avec honneur.

LE CHEVALIER. Mais on ne te connaît pas.

BERTRAND. Eh bien! on apprendra à me connaître aujourd'hui.

LE CHEVALIER. Allons! qu'il soit comme tu le désires. (Appelant un écuyer.) Armez ce jeune homme.

BERTRAND. Merci, merci!

LE COMTE, s'approchant du chevalier. Quel est ce combattant?

LE CHEVALIER. Je l'ignore; mais il a l'air plein de bravoure, et je viens d'ordonner qu'on lui donne un autre équipement.

(Bertrand reparaît brillamment armé.)

LA FOULE. Bravo! bravo!

LE HÉRAUT. Fermez la barrière, le tournoi commence.

BERTRAND. Oh! je serai vainqueur.

(Il met la lance en arrêt et attaque un chevalier.)

LE CHEVALIER. Quel démon! le voilà aux prises avec le plus brave!

LA COMTESSE, du gradin où elle est assise avec sa famille et regardant Bertrand. Quelle intrépidité!

RACHEL. Madame, c'est le même qui tout à l'heure était si mal vêtu.


OLIVIER. Quels coups de lance il donne!

JEAN. Comme il est beau à présent! comme il se sert bien de ses armes!

LA CHÂTELAINE. Sans doute il ne veut pas être connu, car il garde toujours sa visière baissée.

LE CHEVALIER. Courage, chevalier inconnu! bravo! bravo! (Bertrand renverse le chevalier qu'il combat, après avoir tué son cheval.) Gloire au vainqueur! qu'il lève sa visière et salue les dames!

UN HÉRAUT. Non, ce jeune chevalier veut combattre encore et sans montrer son visage.

LA FOULE. Qu'il combatte! qu'il combatte!

LE CHEVALIER, à part. Oh! je brûle de t'embrasser, mon brave neveu!

LE COMTE. Je n'ai jamais vu de meilleure lance, par saint Georges.

BERTRAND, reconnaissant son père. Quelle voix! est-ce un rêve? oui, c'est lui, je le reconnais à son écu; je dois le fuir jusqu'à ce que le tournoi soit terminé, et je ne le puis, pourtant.

LE COMTE. Je voudrais bien rompre une lance avec vous.

LE CHEVALIER. Excusez-le, il est blessé, peut-être.

LE COMTE. Non, tout chevalier qui est encore sur ses étriers ne doit pas refuser le combat. Je le défie, je l'attaque, il faudra bien qu'il me réponde.

(Il poursuit Bertrand, qui cherche à fuir.)

BERTRAND. En plein tournoi! en plein tournoi!... Mais non, je ne dois pas me battre contre mon père.

LA FOULE. S'il refuse le combat, honte à lui!

BERTRAND. Oui, je le refuse.

LA FOULE. Honte à lui! honte à lui!

LE CHEVALIER. Il vient de vous prouver pourtant qu'il avait du courage.

BERTRAND. Et je saurai le leur prouver encore. Défendez-vous, chevalier.

(Il attaque un chevalier qui entre dans la lice.)

LE COMTE. Mais pourquoi m'a-t-il refusé le combat?

LE CHEVALIER. Nous le saurons quand il se fera connaître.

BERTRAND. Rendez-vous, chevalier!

(Il renverse son adversaire dans la poussière.)

LA FOULE. Honneur! honneur à l'inconnu!

LA COMTESSE, de sa place. Oui, oui, qu'il vienne recevoir le prix!

BERTRAND. Oh! ma mère m'applaudit aussi sans me connaître! C'est devant elle que je vais lever ma visière; quelle joie si elle me pardonne! Il s'approche du gradin où est sa mère, le comte du Guesclin et le chevalier de La Motte le suivent: il s'incline. Noble comtesse du Guesclin, c'est pour vous que j'ai combattu; daignerez-vous m'avoir en grâce?

(Il se découvre.)

LA COMTESSE. Bertrand!... mon fils!...

RACHEL. Mon pauvre Bertrand!

LE COMTE. Viens que je t'embrasse, mon noble fils.

LE CHEVALIER. Il sera l'orgueil de votre race, sire comte.

RACHEL. Et celui de la France, croyez-en la devineresse.

TOUS. Oh! nous n'en doutons plus.

BERTRAND. Ma bonne mère, pardonnez-moi les chagrins que je vous ai donnés.

LA COMTESSE. Je suis trop heureuse pour m'en souvenir.

LE HÉRAUT. Le prix du tournoi est à Bertrand du Guesclin.

LE COMTE, embrassant son fils. Sois toujours brave, mon enfant! aime ton roi et crains ton Dieu.


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