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INTRODUCTION

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Table des matières

L’ESSAI que nous publions aujourd’hui doit être considéré comme la suite et le complément de notre Histoire littéraire de Nimes. Il nous a semblé que nous n’aurions tracé qu’un tableau inachevé de l’histoire intellectuelle et morale du département du Gard, si, à côté des portraits des écrivains nés dans cette contrée, nous ne placions ceux des artistes qui sont leurs émules et leurs égaux dans le champ de la pensée. Les produits des beaux-arts, aussi dignes que les œuvres littéraires d’illustrer leurs auteurs, sont aussi les enfants de l’intelligence et du génie; les arts contribuent, autant que les lettres et les sciences, à la gloire des nations, et ils n’exercent pas une influence moins réelle sur leur développement moral.

Il est probable que le département du Gard a été aussi riche en artistes qu’en écrivains. Malheureusement, les produits des beaux - arts, quoique empreints sur le bois et la pierre ou exprimés par le marbre et le bronze, n’ont pas la même durée que les œuvres de la pensée qui n’ont pour passer à la postérité que le faible secours d’un fragile tissu. C’est que tandis que celles-ci peuvent être reproduites sans fin, et qu’elles l’ont été, en effet, au moyen-âge, par des légions de copistes, et, depuis l’invention de l’imprimerie, par cet art merveilleux, ceux-là tirés, si nous pouvons ainsi dire, à un seul exemplaire, se perdent tout entiers, si cet unique exemplaire périt. Et que de causes concourent à leur destruction! Les intempéries des saisons, les révolutions de la nature, et, avec plus de puissance encore, l’ignorance, le mauvais goût et les déplorables ravages de la guerre détruisent peu à peu ou rainent en un moment les plus belles conceptions de la peinture, de la statuaire, de l’architecture. Et pour comble de malheur, quand les noms des orateurs, des poètes, des philosophes, cités dans les livres de leurs contemporains, dans ceux de leurs successeurs, arrivent ainsi par une sorte de tradition, même quand leurs écrits sont perdus, jusqu’à la postérité la plus reculée, les artistes les plus éminents ont seuls le privilége d’exciter la curiosité et l’intérêt des écrivains qui assurent à leurs noms une durée que n’ont pas leurs œuvres. Pour ceux qui n’ont pas fait époque dans leur art, il n’y a pas d’historien: Pline l’Ancien n’a trouvé dignes de sa plume que les peintres et les statuaires les plus célèbres de la Grèce.

Aussi ils ont disparu pour toujours les noms des habiles auteurs des magnifiques monuments antiques qui décorent encore la ville de Nimes, ou qui, détruits depuis longtemps, n’ont laissé que quelques rares débris, frises superbement sculptées, bas-reliefs d’un travail exquis, linteaux admirablement décorés, aigles de marbre «dont le corps, dit Maffei, est si admirablement travaillé que qui n’a pas vu ces ailes, cette queue, ces griffes et cet air de mouvement, ne connaît point ce que peut faire le ciseau dans ces sortes d’ouvrages». Nous admirons leurs œuvres sans rien savoir de leurs vies et de leurs personnes, tandis que l’orateur nimois, Domitius Afer, dont il ne s’est pas conservé une ligne, nous est aussi connu, grâce à Quintillien, à Pline le Jeune, à Tacite, que si nous avions vécu de son temps.

La même obscurité couvre les noms des architectes et des sculpteurs qui, pendant le moyen-âge, du IXe au XVe siècle, ont élevé ou orné ce grand nombre d’églises, de châteaux, de maisons particulières qui existent encore dans un état plus ou moins grand de conservation ou qui ne nous montrent que des ruines imposantes. Nous ne connaissons pas mieux les mélodies des troubadours qui, poètes et musiciens à la fois, chantaient eux-mêmes leurs sirventes et leurs chansons en s’accompagnant d’un instrument à cordes . Ils ne devaient cependant pas manquer de grâce et d’énergie, les chants qui excitaient si vivement la valeur des chevaliers, et la grâce ne pouvait pas être étrangère à ceux qui touchaient si doucement les tendres cœurs des châtelaines.

On ne commence à connaître quelques-uns des artistes de la ville de Nimes qu’à l’époque de la renaissance. Les guerres de religion, qui désolèrent si longtemps le Bas-Languedoc, furent plus favorables au développement des idées de liberté qu’à la culture des beaux-arts. C’est cependant au milieu de ces continuelles agitations que des érudits nimois étudient pour la première fois et décrivent les monuments antiques, en même temps qu’ils profitent de toutes les circonstances favorables pour faire fouiller le sol et recueillir les débris d’antiquités qu’ils en retirent. L’aridité de la controverse et les passions politiques n’avaient pas entièrement étouffé le sentiment du beau.

Avec le XVIIe siècle, on entre décidément dans une ère nouvelle. Le goût des arts n’a pas pris encore, il est vrai, un grand essor; mais du moins, à partir de ce moment, on n’a plus affaire à des artistes inconnus, dont les œuvres en ruines peuvent seulement indiquer l’existence; on se trouve en présence d’œuvres qui portent un nom; la vie de leurs auteurs n’est plus pour nous une énigme. Aussi c’est avec le XVIIe siècle que commence réellement l’histoire que nous avons entrepris d’écrire. Nous la conduirons jusqu’à nos jours, sans laisser de côté les artistes vivants. Dans notre Histoire littéraire de Nimes, nous nous sommes arrêté devant les écrivains pour lesquels la postérité n’a pas encore commencé, parce que nous avons craint de nous engager dans des difficultés insurmontables. Ici nous n’avons aucune crainte semblable. Dans le paisible champ des beaux-arts, les divisions de parti, les haines politiques, les dissentiments sociaux sont heureusement inconnus; si l’on y discute, ce n’est que sur les innocentes questions de la prédominance du dessin ou de la couleur, de la mélodie ou de l’harmonie. Avertissons toutefois nos lecteurs que nous ne nous croyons pas permis de nous poser en arbitre et en juge souverain du mérite des artistes; le role d’Aristarque nous convient peu: nous laissons à la postérité le soin de distribuer les rangs et les couronnes; c’est son droit et son devoir. Il y aurait inconvenance, sinon injustice, de vouloir porter un jugement définitif sur les artistes vivants, quand ils n’ont pas dit leur dernier mot, quand ils n’ont pas donné peut-être encore la mesure exacte de leur force, et produit l’œuvre avec laquelle ils doivent se présenter devant le tribunal de l’histoire. Il ne suit pas de là que nous renoncions à exprimer notre pensée ou à rapporter, quand il y aura lieu, l’opinion d’hommes compétents; mais notre dessein est plutôt de faire connaître les œuvres de nos artistes contemporains que de les apprécier. Notre travail ne sera pas pour cela, nous l’espérons du moins, ni sans intérêt, ni sans utilité. Il donnera une idée aussi complète que possible de nos richesses artistiques, et il fournira des documents exacts aux biographes futurs, auxquels il épargnera de longues et fatigantes recherches.

Il est surtout une considération qui a prévalu sur tous les scrupules qui auraient pu nous empêcher de parler de nos contemporains, et qui nous a décidément engagé à les faire entrer dans le cadre de cette histoire. C’est l’essor remarquable que les beaux-arts ont pris de nos jours dans le département du Gard. Le nombre des artistes vivants, dans tous les genres, peinture, sculpture, architecture, musique, est plus considérable que jamais. Plusieurs ont pris place parmi les maîtres, et les plus jeunes travaillent vaillamment à conquérir un des premiers rangs. Pourquoi ne pas dire les succès des uns et les heureux efforts des autres? En même temps, et ce trait est aussi digne d’être rapporté, la population toute entière du département, cette population à laquelle on a tant reproché ses anciennes violences et son héréditaire grossièreté, a appris à admirer et à respecter les œuvres des grands maîtres. Nous n’en voulons pas d’autre preuve que l’immense concours qu’attira sur la place du Musée, il y a quelques années à peine, l’arrivée de la Poésie légère de Pradier, et l’affluence bien autrement considérable qu’amena de tous les lieux voisins l’inauguration de la Fontaine monumentale de l’Esplanade. Il est permis de douter qu’il y ait en France beaucoup de villes où le désir de voir une statue eût fait déserter les ateliers, et un département dont les habitants se fussent déplacés en masse pour fêter une œuvre d’art. Ce n’est pas tout: les soins intelligents avec lesquels, depuis plusieurs années, on veille à la conservation des antiquités romaines; le besoin qu’éprouve la municipalité de faire disparaître des édifices religieux sans grandeur, pour élever à leur place des monuments mieux appropriés à leur haute destination; le grand nombre de maisons particulières, de date récente, remarquables par la distinction de leur style et par l’élégance de leur ornementation; les éclatants succès de l’école de dessin et de peinture, les résultats déjà bien sensibles de l’école de musique, tout se réunit pour prouver qu’au point de vue de l’art, la ville de Nimes est dans une bonne voie. Peu s’en est fallu qu’à la fin du XVIe siècle et au commencement du XVIIe, elle ne soit devenue un centre scientifique et littéraire. Si elle ne se décourage pas, si elle persévère, elle peut aspirer aujourd’hui à se distinguer par la culture des beaux-arts et à devenir peut-être un foyer artistique. La petite ville de Dusseldorf n’est-elle pas aussi célèbre dans l’histoire de la peinture que les premières capitales de l’Allemagne? Ajoutons enfin que le reste du département du Gard suit de près le bon exemple de son chef-lieu. Le Vigan a élevé une statue à d’Assas, Aiguesmortes à saint Louis; Sommières a voulu avoir une église digne de la majesté du culte divin; Uzès réclame une fontaine monumentale; plusieurs anciens châteaux réparent leurs murs démantelés. Partout se fait sentir le désir des belles choses et le besoin de réagir, par la culture des beaux-arts, contre la marche envahissante des intérêts matériels.

Avant d’aborder l’histoire des artistes auxquels le département du Gard a donné le jour, qu’on nous permette de dire un mot du plan que nous avons adopté. Ce plan est très-simple; il nous a semblé commandé par le sujet lui-même. Nous diviserons notre travail en quatre chapitres. Le premier sera consacré aux peintres, le second aux sculpteurs, le troisième aux architectes, et le quatrième aux musiciens-compositeurs. Dans chacun d’eux, nous suivrons l’ordre chronologique. Il est à peine nécessaire de faire remarquer que les quatre chapitres seront d’une étendue fort inégale. Celui qui traitera des sculpteurs et celui qui se rapportera aux architectes seront de beaucoup plus courts que les deux autres, non point que nous regardions l’architecture et la sculpture comme des arts inférieurs en dignité à la musique et à la peinture, mais uniquement parce que le département du Gard a produit beaucoup moins de sculpteurs et d’architectes que de peintres et de musiciens.

Histoire des artistes peintres, sculpteurs, architectes et musiciens-compositeurs

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