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NOUVELLES OBSERVATIONS SUR LA RESTAURATION DES TABLEAUX DU LOUVRE

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Table des matières

RÉPONSE A M. FERDINAND DE LASTEYRIE

«Paris, 8 août 1860.

«A Monsieur Charles Blanc, Rédacteur en chef de la Gazette des beaux-Arts.

«Lorsque ma brochure sur les restaurations du Louvre parut, il y a déjà quelques semaines, plusieurs personnes la jugèrent inopportune. La discussion était close, disaient-elles, par la note du Moniteur déclarant

«qu’à l’avenir aucune restauration ne serait entreprise sans l’avis préalable d’une commission composée de la section de peinture de l’Institut.» Pour tout homme raisonnable, en effet, on devait en rester là. Aussi ma brochure ne fut-elle qu’une réponse à un article de M. le conservateur des tableaux du Louvre, article qui ne fut répandu dans le public qu’après la décision ministérielle prise, à la demande de M. le directeur général, des musées, «pour calmer les inquiétudes... d’une portion du public». Or cette «portion du public » ne comprenait rien moins que l’Académie des Beaux-Arts.

«Aujourd’hui un nouvel écrit inséré le 1er août dans le Siècle et signé d’un nom bien connu, M. Ferdinand de Lasteyrie, montre trop que le feu couve sous la cendre, que la note du Moniteur n’est point le dernier mot de cette affaire, et qu’il y a encore des partisans de l’ancien régime qui voudraient ébranler les barrières élevées par S. Exc. M. le ministre d’État contre les restaurateurs.

«La gravité de la question, la longueur même de l’article du Siècle, qui prouve l’importance qu’on attache au fait discuté, et l’autorité de l’écrivain qui a mentionné mon nom dans sa discussion et qui a ri de mes terreurs, me font un devoir de répondre.

«Assuré, Monsieur, de votre dévouement à la cause de l’art, j’ose espérer que vous voudrez bien insérer dans votre plus prochain numéro ma lettre à M. Ferdinand de Lasteyrie, quand bien même vous n’en partageriez pas entièrement les idées.

«La vérité, je pense, dans un démêlé de ce genre, ne peut que gagner au choc des opinions diverses.

«Agréez, etc.»

Inconnu, avant ces débats, à M. le conservateur des tableaux du Louvre comme à M. Ferdinand de Lasteyrie, que j’avais appris à estimer par d’autres écrits, je ne crains point qu’on m’accuse de vouloir mettre la moindre personnalité dans une question qui est, d’ailleurs, toute d’intérêt public.

Dans ma première brochure, tout en cherchant à protéger des chefs-d’œuvre contre des restaurations au moins prématurées, je m’étais efforcé de répondre

«avec modération aux assertions singulièrement tranchantes avancées par M. le conservateur de la peinture au Louvre ,» — «alors qu’un peu de vivacité eût été si excusable, ou plutôt si naturelle .» Et cependant M. Ferdinand de Lasteyrie a trouvé que ma brochure émanait d’un auteur très-passionné .

Passionné ! Mais qu’aurait-il dit si j’avais tenu le langage que tenait, il y a quinze ans, un écrivain que je vais citer?

«Les deux Chardin nous ont enfin été rendus, mais dans quel état, grand Dieu! Du reste, la main sacrilége qui les a si honteusement mutilés a souillé sans scrupule les plus admirables peintures. Sans vouloir signaler tous les crimes dont les prétendus restaurateurs se sont rendus coupables, nous renvoyons au grand Canaletti et au Soleil couchant de Claude Lorrain. Bientôt nous reviendrons sur ce déplorable sujet, et, quoique nous sachions parfaitement à l’avance que nos réclamations resteront sans effet, il nous est impossible d’assister de sang-froid à l’agonie, de tant de chefs-d’œuvre. Si nous ne pouvons arrêter la main des bourreaux, du moins nous proclamerons le nom des victimes de ces lâches assassinats, et nous honorerons leur mémoire en leur disant pieusement le dernier adieu.»

C’est ainsi qu’en 1844 M. Frédéric Villot, actuellement conservateur de la peinture au Louvre, flétrissait les prétendus restaurateurs de tableaux .

Quand bien même donc, pour toute une galerie dévastée, pour un Raphaël anéanti, «un artiste vénérable, dont l’énergie sait triompher des années,» se serait écrié, comme veut le faire supposer M. de Lasteyrie:

«A l’assassin!... Au meurtre!... A moi! On égorge, on assassine Raphaël!...» Quand tout cela, dis-je, serait vrai, ce grand artiste n’aurait pas été si plaisant que paraît le croire M. de Lasteyrie, et il n’aurait été encore dans sa colère, au sujet de Raphaël, que bien au-dessous de l’écrivain qui, à propos de Chardin et de Canaletti, parlait de bourreaux et de lâches assassinats. Mais écartons tout reproche de forme, et entrons dans le fond.

Il ne s’agit plus, depuis les explications de MM. Villot et de Lasteyrie, de savoir si des tableaux avaient ou non besoin d’être restaurés; il ne s’agit de rien moins que d’une «innovation consistant à rendre aux œuvres anciennes leur aspect primitif,» idée fatale qui a été appliquée avec un tel «parti pris,» qu’en quelques mois presque toute une galerie s’est trouvée transformée, et que maintenant nous n’avons plus à discuter sur des vivants, mais sur des morts.

Cette innovation est-elle bonne ou mauvaise? C’est ce que nous voulons examiner en nous appuyant seulement sur les principes admis par les promoteurs et les défenseurs du système.

Posons donc d’abord ces principes:

Les vernis, par suite des colles et des lavages nécessités par l’enlevage ou le rentoilage d’un tableau, se décomposent, dit M. Villot, en une croûte blanchâtre qui rend la peinture entièrement invisible .

«Les tableaux peints dans le vernis, dit à son tour M. de Lasteyrie, sont heureusement fort rares, car la restauration en est à peu près impossible. Dans ceux-là, le vernis fait tellement corps avec la peinture qu’on ne saurait enlever l’un sans l’autre. Autant vaudrait entreprendre de retirer d’un tableau moderne l’huile qui sert à en fixer les couleurs.

«Or on ne peut restaurer d’aucune façon un tableau sans enlever le vernis .»

Ainsi la question se réduit à savoir si les tableaux du Louvre soumis au rentoilage, au lessivage et au nettoyage, étaient ou non peints dans le vernis.

Eh bien, appuyé des assertions mêmes de nos adversaires, nous pouvons affirmer que l’Adoration des Bergers, de Palma Vecchio, la Vierge, de Cima da Conegliano, ont perdu au lessivage leurs frottis et leurs glacis, en un mot toute leur harmonie, parce que ces artistes appartiennent aux époques pendant lesquelles les maîtres, au dire même de M. Villot, peignaient au vernis, et parce que tous deux sont des Vénitiens de la Renaissance, lesquels Vénitiens, suivant M. le conservateur des tableaux, se conformèrent surtout aux procédés de la peinture au vernis.

Et maintenant, sans nous occuper davantage des restaurations dont on n’a pas osé prendre la défense, traversons rapidement les salles du Louvre. Ne nous arrêtons point devant ces toiles qui blessent nos regards par la crudité de leurs tons, par la blancheur et la décoloration de leurs figures: car plusieurs appartiennent, je le répète, à ces belles époques, pendant lesquelles, dit M. Villot, les artistes peignaient au vernis. Ne citons que pour mémoire les œuvres de Lorenzo Lotto, d’Andreani, de Sabbatini, de Josepin, de l’Albane, de Feti, de Schidone, de Procaccini, de Squazzella, de Parmesan, de Carle Maratte, de Luini, d’Alexandre Véronèse, de Jules Romain, de Gentile Bellini, de Murillo, et arrivons à Rubens, l’un des grands maîtres que M. le conservateur du Louvre croit nous avoir révélés.

Peignait-il, oui ou non, au vernis?

«Oui, répond M. Villot: Rubens, ainsi que Titien, cherchait autant que possible à substituer le vernis à l’huile. La galerie de Médicis, ajoute-t-il encore, n’est point l’œuvre unique de ce peintre. Il n’en fit son œuvre propre qu’en couvrant les ébauches de ses élèves de minces frottis sur lesquels il ne revenait point, pour conserver à ses ombres toute leur légèreté.»

Cela étant, M. de Lasteyrie, en avançant que tous les tableaux de la galerie Médicis n’ont pas été traités avec une suffisante légèreté de main, nous autorise à affirmer qu’avec le nettoyage des vernis, au moins dans certaines toiles, ont disparu ces frottis légers qui s’étaient unis intimement au vernis final, frottis qui sont les seuls et suprêmes accents de Rubens. Nous pouvons donc conclure, sans témérité, que si des peintures de Rubens ont été livrées aux restaurateurs, ils ne nous ont rendu que des œuvres de Van Egmont, de Simon de Vos, de Corneille Schut, ou de je ne sais quels disciples de second ordre, employés comme préparateurs par le grand maître d’Anvers.

Si nous demandons maintenant à M. Ferdinand de Lasteyrie ce qu’il pense de la restauration du Saint Michel de Raphaël, sa réponse sera encore plus explicite que pour les Rubens. Il répondra en effet que cette opération délicate et contestable n’a pas été faite avec un talent suffisant; que le rentoilage, opération pourtant bien simple, laisse beaucoup à désirer; que des boursouflures, cause trop réelle de détérioration, se manifestent actuellement dans cette peinture.

Eh quoi! telle est l’opinion de M. de Lasteyrie sur les restaurations infligées à des toiles de Rubens et à l’un des plus célèbres morceaux de Raphaël, et c’est lui qui prend la défense des restaurations du Louvre? c’est lui qui nous accuse d’avoir de la passion, quand, au contraire, nous pourrions l’accuser de n’en point avoir?

M. de Lasteyrie nous apprend, il est vrai, que le Primatice avait autrefois restauré le Saint Michel. Au pied tracé par le maître, il en avait substitué un autre de sa façon. M. Villot nous a rendu, — il le pense du moins, — le trait véritable de Raphaël, et nous devons l’en remercier. Mais qui donc osera, avec une entière certitude, attribuer ce morceau à Raphaël tout seul? Qui nous garantira en effet que ce peintre, se repentant, n’a pas lui-même couvert le dessin primitif ébauché par un de ses élèves? Qui osera affirmer que le restaurateur a été assez habile pour enlever tout ce qui n’était pas de la main de Raphaël, et pour laisser juste tout ce qui appartient à ce peintre, sans altérer en quoi que ce soit la fermeté des contours, la finesse du modelé ou la qualité du coloris? Et quand bien même cette restitution nous aurait été faite, devons-nous remercier la main qui, nous faisant payer si cher cette résurrection douteuse pour une minime partie du tableau, ne nous rend plus, pour la totalité, que l’ombre défigurée d’un chef-d’œuvre?

Ainsi donc, M. de Lasteyrie nous le concède, et nous prenons acte de ses déclarations, les toiles de Rubens et celle de Raphaël n’ont pas été traitées comme elles méritaient de l’être, et cependant cet écrivain voudrait nous faire croire que le public et les journaux ont applaudi en masse à une si imprudente et si malheureuse tentative.

Ah! si une partie importante de la critique s’est tue en ce jour auquel on nous invita tous, non pas avant, mais après le fait accompli, à exprimer notre opinion en face de chefs-d’œuvre qu’on ne pouvait plus défendre; si elle a gardé le silence, ce ne fut pas parce qu’elle approuvait, mais parce qu’elle hésitait à parler, étonnée qu’elle était de tant d’audace. Aux frémissements de cette foule inquiète qui encombrait les salles du Louvre, il était facile de pressentir qu’une tempête allait éclater.

Déjà, il y a plusieurs années, M. Gustave Planche, dans la Revue des Deux Mondes, avait averti l’administration du Louvre en stigmatisant le lessivage du chef-d’œuvre de Véronèse. Mais, pour ne nous occuper que des récentes restaurations, un homme compétent et convaincu, M. Delécluze , avec plus de calme et encore plus d’autorité que M. Planche, s’éleva, dès le premier jour, contre le traitement infligé à toute la galerie de Médicis. Plus tard, lorsqu’on se fut un peu reconnu, un jeune et très-spirituel auteur, M. About, dénonça hautement le coupable, et se vit réprimandé pour ses sarcasmes, bien moins incisifs cependant que n’étaient violentes les objurgations de M. Villot, en 1844. M. Émile Perrin, dans la Revue européenne, manifesta sa douleur de voir, sans motif ni excuse, défigurer une peinture d’une irréprochable conservation, peinture qui n’était rien moins qu’un chef-d’œuvre, une grande kermesse bien connue, la Kermesse de Rubens. La Gazelle des Beaux-Arts , elle aussi, dans plus d’une note, se plaignit amèrement de ces restaurations faites sans mesure. Bien des journaux encore, et des feuilles étrangères, applaudirent à ces colères malheureusement trop tardives. Un homme d’esprit rappela qu’un amant passionné, pour avoir voulu effacer une tache de soleil sur la joue d’une jolie femme, lui avait enlevé la peau. Enfin, pour finir par la plus grande des autorités, l’Académie, inquiète depuis longtemps, et après avoir attendu avec une impatience à peine contenue une dernière épreuve, celle de la restauration du Raphaël, se souleva en masse et laissa éclater son indignation. Elle décida que chaque membre séparément se rendrait compte de ce qui s’était fait au Louvre, et qu’un rapport en serait dressé. Ce rapport non-seulement fut écrit, mais lu en séance de commission, et s’il ne vit pas le jour, c’est que l’administration du Louvre crut prudent de devancer les effets d’une manifestation aussi redoutable. Hélas! pourquoi ce rapport n’a-t-il pas paru? Aujourd’hui nous ne serions pas forcé de défendre encore les richesses de nos musées.

Dans tous ces faits, dans toutes ces colères, M. de Lasteyrie ne veut voir cependant «qu’une académie qui frémit de bonne foi», un public qui se plaint «sur parole», des amateurs et des artistes qui réclament

«parent ou par prétention». Eh quoi! l’Académie, incompétente en peinture, en serait réduite à frémir de bonne foi? Nous tous, public, amateurs et artistes, nous ne serions plus que des niais qui crient par état ou par prétention?

Mais M. de Lasteyrie ne se contente pas d’amnistier les désastres qu’il a lui-même reconnus, il va plus loin; il prend en main la défense du principe, il avance que l’administration du Louvre était dans une excellente voie et qu’elle doit y persévérer. Bien plus, il fait une gloire à cette administration d’avoir ajouté à la beauté de l’Enfant prodigue de Rembrandt, et de la Grande Kermesse de Téniers. Mais où sont ces litres de gloire? La seule Kermesse restaurée, à notre connaissance, est celle de Rubens, et l’on sait quels regrets a excités cette restauration inutile. Quant à l’Enfant prodigue de Rembrandt, M. de Lasteyrie enrichit notre Louvre d’une œuvre qui ne se trouve point, et bien lui en prend, dans nos galeries.

Enfin, pour résumer ces débats, on prétend avoir sauvé ce qui, pour le plus grand nombre, est perdu. On triomphe là où la majorité des hommes compétents et l’Académie en masse déplorent une défaite. On vante un principe, et l’on ne peut soi-même constater que des désastres nés de son application. On proclame des victoires, et nous ne pouvons en trouver les titres.

Il nous faut donc pleurer sur des chefs-d’œuvre perdus! Mais est-ce à dire que les restaurations du Louvre portent en elles «un caractère de vandalisme intentionnel» ? Juste ciel! il n’y manquerait plus que l’intention! Non, nous n’avons jamais soupçonné un seul instant la bonne foi de M. Villot; nous n’irons même point jusqu’à dire qu’en principe toute restauration est mauvaise, «que si le bois vermoulu d’un tableau tombe en poussière, que si la toile usée ou même déchirée menace de se transformer en lambeaux, il faut laisser tranquillement s’accomplir l’œuvre de destruction.» Mais nous dirons qu’il périt plus de tableaux par suite de restaurations ignorantes et maladroites, qu’il n’y a de peintures sauvées par des restaurations intelligentes. Nous demanderons qu’on ne porte qu’avec respect la main sur les œuvres du génie, et seulement en cas d’urgence absolue, c’est-à-dire dans des cas extrêmement rares. Or nous nous persuaderons difficilement qu’il y ait eu urgence pour un si grand nombre de tableaux à la fois, et nous aurions aimé qu’une commission sérieuse nous certifiât authentiquement que tant de belles peintures s’étaient trouvées, toutes le même jour, eu danger de mort.

Mais puisqu’il faut malheureusement, dans certains cas extraordinaires, toucher aux tableaux, qui jugera s’il y a urgence absolue? M. le conservateur des tableaux seulement? Nous avons vu les tristes effets d’un pouvoir s’affranchissant de tout contrôle en cette matière, et nous croyons que M. le ministre a très-sagement agi eu plaçant les chefs-d’œuvre des maîtres passés sous la surveillance des maîtres de l’art contemporain.

Cette mesure, jugée nécessaire par la direction elle-même, paraît cependant médiocrement satisfaire M. de Lasteyrie. «Les mauvaises langues, dit-il, prétendent que messieurs les peintres ne sont pas toujours bons connaisseurs en fait de peinture. — Je suis loin de partager cet avis, s’empresse-t-il heureusement d’ajouter. — Mais ce qu’il y a de certain, c’est que la question d’art n’est pas tout dans la restauration des tableaux, celle-ci se compliquant d’une série d’opérations mécaniques et chimiques auxquelles le meilleur peintre peut n’entendre pas grand’chose.» Nous sommes fâché de différer encore d’avis, en ce point, avec un savant aussi distingué. Pour nous, nous préférons ce tribunal de l’Institut, composé d’artistes d’un goût épuré, à tout autre plus expérimenté peut-être en chimie, mais moins pénétré, à coup sûr, du respect qu’on doit aux ouvrages des grands maîtres. Nous redoutons fort que de prétendues connaissances sérieuses en chimie ne provoquent de nouveaux essais et ne ramènent des actes semblables à ceux que nous avons vus s’accomplir. Et, puisqu’une entrave doit être mise aux restaurations, nous espérons que nul ne saura mieux la maintenir que ces maîtres de l’art, jaloux de conserver à la France, ou plutôt à l’humanité, des chefs-d’œuvre qui leur ont aidé à en créer d’autres. Nous ne doutons pas non plus que si ces maîtres ont besoin de s’entourer de gens plus spéciaux qu’eux en certaines matières, ils ne veuillent et ne sachent les choisir.

M. de Lasteyrie a essayé de nous rassurer en nous disant que dorénavant «les restaurateurs, bien et dûment avertis que le public n’entend pas plaisanterie en ce qui concerne ses bien-aimés chefs-d’œuvre, redoubleront de soins et de prudence dans la conduite de leurs travaux.» Nous le déclarons avec franchise, nous ne serons point rassuré tant que nous verrons des hommes honorables et distingués comme lui proclamer que le principe était bon, et que l’administration des musées n’était point dans une voie déplorable en ce qui concerne la restauration des tableaux.

Oui, nous frémirons toujours tant que nous saurons qu’un tel langage est entendu d’un conservateur qui a osé entreprendre une pareille tâche, sachant — il l’a lui-même déclaré — que la majorité des connaisseurs y était hostile; d’un conservateur qui croit «que l’éducation du public et des artistes est à faire; qu’ils doivent réfléchir et profiter...; qu’ils n’ont rien à voir dans ces manipulations où l’on met en œuvre, suivant les cas, depuis l’eau pure jusqu’à l’eau seconde, depuis le cure-dent jusqu’au rasoir» ; d’un conservateur qui se vante de savoir «affronter les vaines déclamations et marcher droit au but, sans espoir de récompense pour tant de travaux et d’efforts; car s’il est plus doux, dit-il, plus facile de ne rien faire, cela est-il toujours honnête?»

En face d’un tel danger, en présence de déclarations aussi tranchantes, tout le monde, croyons-nous, doit concourir à défendre les digues élevées par Son Exc. M. le Ministre d’État contre les prétendus restaurateurs; car, s’il nous est permis de rappeler les paroles de M. Villot, en les adoucissant toutefois, nous pouvons redouter que «la main des bourreaux» ne fasse encore de ces victimes dont nous n’aurions plus qu’à honorer la mémoire, en leur disant pieusement adieu.

L'administration des beaux-arts en France de 1860 à 1870

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