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LIVRE DEUXIÈME
II

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Là-haut, à Montmartre, la petite maison que, depuis tant d'années, Guillaume occupait avec les siens, si calme, si laborieuse, attendait tranquillement dans la pâle journée d'hiver.

Après le déjeuner, Guillaume, très abattu, songeant que, de trois semaines peut-être, il ne pourrait rentrer chez lui, par prudence, eut l'idée d'envoyer Pierre là-haut, pour conter et expliquer les choses.

– Ecoute, frère, il faut que tu me rendes ce service. Va leur dire la vérité, que je suis ici blessé peu gravement, et que je les prie de ne pas venir me voir, dans la crainte qu'on ne les suive et qu'on ne découvre ma retraite. A la suite de ma lettre d'hier soir, ils finiraient par être inquiets, si je ne leur donnais des nouvelles.

Puis, cédant à la préoccupation, à l'unique peur qui, depuis la veille, troublait son clair regard:

– Tiens! fouille dans la poche droite de mon gilet… Prends une petite clef, bon! et tu la remettras à madame Leroi, ma belle-mère, en lui disant que, s'il m'arrivait malheur, elle fasse ce qu'elle doit faire. Cela suffit, elle comprendra.

Un instant, Pierre avait hésité. Mais il le vit si épuisé par ce léger effort, qu'il le fit taire.

– Ne parle plus, reste tranquille. Je vais aller rassurer les tiens, puisque tu désires que ce soit moi qui me charge de la commission.

Cette démarche lui coûtait à ce point, que, dans la premier moment, il avait eu la pensée de voir si l'on ne pourrait pas en charger Sophie. Tous ses anciens préjugés se réveillaient, il lui semblait qu'il allait chez l'Ogre. Que de fois il avait entendu sa mère dire «cette créature», en parlant de la femme avec laquelle son fils aîné vivait, en dehors du mariage! Jamais elle n'avait voulu embrasser les trois fils nés de cette union libre, révoltée surtout de ce que la grand'mère, cette madame Leroi, fût restée dans le faux ménage, pour élever les petits. Et la force de ce souvenir était telle, chez lui, que, maintenant encore, lorsqu'il se rendait à la basilique du Sacré-Cœur, il regardait en passant la petite maison avec défiance, il s'en écartait comme d'une maison louche, où habitaient la faute et l'impudeur. Sans doute, depuis plus de dix ans, la mère des trois grands fils était morte. Mais ne s'y trouvait-il pas de nouveau une autre créature de scandale, cette jeune fille orpheline, recueillie par son frère, et que celui-ci devait épouser, malgré les vingt ans d'âge qui les séparaient? Pour lui, tout cela était contre les mœurs, anormal, blessant, et il rêvait un intérieur de révolte, où la vie déréglée, déclassée, aboutissait à un désordre moral et matériel dont il avait l'horreur.

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