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CHAPITRE CINQ

Royce se tenait là, la paume tendue, et l’homme à l’air sauvage recula.

— Royce ? C’est toi ?

— Oui, Père, dit Royce en partageant sa surprise et son incrédulité.

Après tout ce qu’il avait fait pour le retrouver, son père était bien là. Cet homme sauvage, avec une barbe si longue qu’elle lui frôlait le nombril, était son père, était le roi.

C’était difficile à croire, mais Royce savait que c’était pourtant vrai. Il pouvait le voir à la similitude de leurs traits, mais c’était plus que cela. Son père portait une chevalière avec les armoiries royales, et bien que ses vêtements aient été usés et blanchis par le soleil, Royce pouvait encore en voir la noblesse.

— C’est toi. C’est…

Son père se précipita sur lui, l’embrassant, le serrant fort dans ses bras.

— J’ai attendu si longtemps ce jour.

Sa voix semblait sèche et craquelée, comme s’il n’avait pas parlé depuis longtemps. Il semblait ne se rappeler des mots qu’avec difficulté.

— Tu es sûr... tu es sûr d’être toi ? Que tu n’es pas un rêve ?

C’était le genre de question qui ne pouvait venir que de quelqu’un trop longtemps tourmenté par la solitude.

— Non, cela n’a pas d’importance. C’est bien toi. Je l’ai vu ! J’ai tout vu ! Dès que j’ai rencontré ta mère il y a si longtemps, j’espérais tant te voir après toutes ces années.

Royce serra son père dans ses bras. Il y avait tant de questions qu’il voulait lui poser, tant de choses qu’il voulait lui dire.

— Tu vois les pierres ? demanda son père, avec l’orgueil d’un homme qui voulait montrer le peu qu’il avait. L’histoire de tes ancêtres, Royce.

Il fit le tour de la hutte, jusqu’à un endroit où une autre section de pierre reposait, fendue et composée de morceaux séparés. C’était le début d’une autre histoire.

— J’ai essayé d’ajouter ma propre vie à la leur, dit le roi Philippe. Sur une île comme celle-ci, il est facile de trouver le temps de le faire. Je leur ai parlé, mais ils n’ont pas répondu. Je ne voulais pas oublier comment parler.

— Mais pourquoi venir ici ? demanda Royce.

— J’ai regardé dans le miroir, répondit son père en haussant les épaules.

C’était une réponse sans l’être. Pour n’importe qui d’autre, cela n’aurait pas eu de sens, mais Royce avait aussi regardé. Il pouvait comprendre qu’il fallait faire certaines choses sans les expliquer.

— Il y a des choses qu’on ne peut pas dire, devina Royce.

Son père hocha la tête. S’éloignant de lui, il se dirigea vers Gwylim, se penchant vers lui, non pas comme un homme le ferait avec un chien, mais comme il l’aurait fait avec un homme assis sur le sol. Il tendit le bras et Ember vint se poser dessus.

— Ce sont d’étranges compagnons que tu as trouvés, mon fils, dit-il. L’outil d’une sorcière et une chose qui n’a pas toujours été un loup.

— Ils ne sont pas les seuls, dit Royce. Mes amis sont toujours dans le bateau.

— Et s’ils étaient venus sur l’île, je ne me serais pas montré, dit son père. Je me serais glissé derrière toi et volé ton bateau pour m’échapper.

Royce hocha la tête, parce qu’il connaissait ce passage. Il l’avait vu dans le miroir.

— Pourquoi es-tu parti ? demanda-t-il. Pourquoi es-tu venu ici ?

— Je devais partir, sinon ils m’auraient tué, répondit son père. Et ils t’auraient tué également. Je suis venu ici parce que cet endroit était le nôtre, celui de notre famille.

— Et tu m’as laissé une piste parce que tu savais que je partirais à ta recherche, dit Royce.

— Je ne suis pas sûr, expliqua son père. C’est dur de s’en tenir aux choses dans le miroir. Je me souviens l’avoir fait, mais toutes les raisons, et tout ce à quoi elles pourraient mener… tu as regardé dans le miroir, même si je t’avais dit de ne pas le faire.

— Je l’ai fait, dit Royce. Tu avais dû voir que je le ferais.

Son père sourit, comme si Royce n’avait pas tout saisi.

— Cela ne marche pas ainsi.

— J’ai vu des choses, dit Royce. J’ai vu la façon dont cela doit se passer. Il faut que tu reviennes. Le roi doit revenir pour que toute cette folie prenne fin.

Le sourire de son père se transforma alors en un rire qui résonna dans l’espace ouvert de la clairière, dispersant les quelques cerfs qui avaient commencé à y revenir.

— Cela ne marche pas non plus ainsi, dit son père.

— Alors comment ça marche ? s’agaça Royce.

— Le miroir ne te donne pas la sagesse, il te montre les possibilités, dit son père. Il y en a tellement qu’il est impossible de toutes les retenir. Ton esprit en choisit quelques-unes, mais ce que tu obtiens, c’est ce que tu y apportes. Barihash, cette chose là-bas, devait avoir des soupçons avant qu’il ne regarde, alors il n’a eu d’yeux que pour les possibilités alimentant sa suspicion.

Cela prenait tout son sens pour Royce. Il avait vu ces possibilités, il avait été capable de commencer à les saisir. Il avait choisi la seule voie qui pourrait fonctionner, et aujourd’hui encore, il s’en était rendu compte, alors que les autres choix auraient été impossibles.

— Il y avait un… homme, dit Royce. Je lui ai montré le miroir juste avant qu’il ne me tue et il… s’est arrêté. Il m’a supplié de le tuer.

— L’homme gris, dit son père. L’Angarthim.

Il n’en dit pas plus pendant un instant, luttant manifestement pour trouver les mots.

— Quelle est la chose la plus horrible que tu puisses montrer à un homme qui toute sa vie a été trompé ? Tu peux lui montrer la vérité. Et quelles possibilités son esprit lui aura-t-il montrées, lui à qui on a caché tant de choses auparavant ?

Royce n’arrivait pas à l’imaginer. Plus que cela, il ne voulait pas l’imaginer, parce qu’il y avait déjà trop de possibilités dans sa tête sans avoir à s’encombrer de plus. Il avait vu ce qui pouvait arriver s’il s’y prenait mal ici, toutes les façons dont le monde pouvait sombrer dans l’obscurité et le sang, dans la mort et l’horreur. Il devait s’accrocher à la voie qu’il avait choisie parmi toutes les possibilités, le seul moyen pour que cela se passe bien.

— Pourquoi ne suis-je pas devenu fou ? demanda Royce.

— Parce que tu es assez fort pour voir les choses telles qu’elles sont, dit son père. Ou parce que tu as été assez fort pour te retirer avant qu’il ne soit trop tard. J’ai moi-même eu un aperçu. J’aurais pu me battre contre Barihash pour en apprendre plus, mais je savais que je ne pourrais jamais tout contenir.

— J’ai tué Barihash, dit Royce. Il ressentit un soupçon de culpabilité en l’admettant à son père.

Mais son père hocha la tête.

— Bien. Parfois, le mal doit être combattu. Il n’était plus que douleur, haine et suspicion, il ne pouvait rien apporter d’autre que de la souffrance au monde. Il en va de même pour le roi Carris et la guerre à venir. Il y aura de la violence, mais elle est parfois nécessaire.

Royce le comprenait, il le savait. Il s’était battu contre le vieux duc pour exactement les mêmes raisons, contre Altfor et son oncle et contre tous ceux qui les avaient attaqués. Il espérait pouvoir tout améliorer si seulement il pouvait les vaincre.

Désormais, les possibilités que son cerveau ne pouvait à peine contenir suggéraient qu’il devait y avoir davantage. La lucidité que le miroir lui avait apportée, la capacité de regarder le monde et de le comprendre, lui avait montré qu’il faudrait plus que la violence. L’invoquer elle seule n’entraînerait que des années de mort.

Bien sûr, l’équilibre nécessitait qu’ils ne se battent pas du tout ; les choses continueraient comme elles étaient, avec toute la cruauté qui en résulterait. Le chemin entre ces deux choses était si étroit qu’il ressemblait à une corde tendue au-dessus d’un précipice, un danger bien réel en dessous.

— J’ai déjà traversé des précipices, dit Royce pour lui-même.

— Que dis-tu ? demanda son père.

— J’essaie juste de savoir quoi faire ensuite, répondit-il. Même avec tout ce que le miroir m’a montré, j’ai encore beaucoup à faire.

— Le miroir ne te dit pas ce que tu dois faire, répéta son père. C’est l’erreur la plus dangereuse qui soit. Tu as encore le choix. Tu as toujours le choix. Comme tout le monde.

C’était plus logique que Royce ne l’aurait cru. Il ne voulait pas détruire les choix des gens qui l’accompagnaient ; ni même leur demander de se fier à lui pour venir ici, il ne les aurait pas forcés à le faire, il n’avait pu qu’espérer qu’ils lui fassent assez confiance pour l’accompagner.

Il avait autre chose à demander.

— Père, dit-il, je t’ai cherché de l’autre côté de la mer. J’ai trouvé le miroir dans les Sept Îles, mais je te cherchais. Je suis venu ici parce que je voulais retrouver mon père, et parce que je crois que le royaume a besoin de son roi.

Son père resta un instant silencieux, puis il secoua la tête.

— Je ne suis pas sûr de pouvoir le faire, Royce.

La déception qui traversa Royce à ce moment-là fut absolue.

— Mais je suis allé si loin !

Il pouvait entendre la douleur dans sa propre voix, et cela se refléta sur le visage de son père.

— J’ai regardé dans le miroir, dit son père. Je me suis vu ici, sans retour possible au royaume.

— Mais c’était il y a si longtemps, dit Royce. Les choses ont changé, Père.

— Tu sais qu’il y a des choses que je ne peux pas dire, répondit son père en secouant la tête.

Des choses qu’il avait vues, devina Royce. Mais cela lui donna une idée. Il attrapa le sac à côté de lui.

— Veux-tu encore regarder ? demanda-t-il. Il lui tendit le miroir.

— Tu connais les dangers que cela implique, dit son père, visiblement inquiet. Un homme ne devrait pas regarder trop souvent, à cause de tous les bouleversements que cela peut engendrer.

— S’il te plaît, supplia Royce.

Son père hésita, puis hocha la tête. Lentement, prudemment, il regarda dans le miroir. Il sembla le regarder une éternité, si longtemps en fait que Royce pensa à l’en éloigner, à le couvrir pour qu’il n’ait plus à le regarder.

Finalement, son père ferma les yeux.

— Il semble que le royaume aura son roi, dit son père, avec une expression que Royce ne sut pas déchiffrer. Elle laissait entendre qu’il avait vu plus de choses encore que Royce.

— Et tu auras ton père à tes côtés, conclut-il.

Cette partie, au moins, permit à Royce de reprendre son souffle.

— Alors tu retourneras au royaume avec mes amis et moi ? demanda Royce, osant à peine espérer.

— Je le ferai, promit son père. Il disparut un moment dans la cabane, ramassant un petit sac d’affaires presque identique à celui que Royce avait trouvé sur la première des Sept Îles. C’était tout ce qu’il voulait emporter avec lui.

— Je n’ai ni ton armure ni ton épée, dit Royce. Je les ai perdues dans les Sept Îles.

— Cela n’a pas de sens, dit son père. J’ai vu… non, comme je l’ai dit, cela ne marche pas comme ainsi.

Royce savait qu’il ne devait pas lui demander ce qu’il avait vu, mais il lui fut difficile de ne pas s’en inquiéter alors qu’ils partaient à travers les arbres à l’orée de l’île. Il lui était également difficile de ne pas s’étonner d’avoir finalement retrouvé son père. L’homme qui était parti si longtemps auparavant était ici, marchant à ses côtés avec Gwylim pendant qu’Ember voltigeait à travers les arbres.

La marche jusqu’à la plage ne sembla pas aussi longue que le voyage vers l’intérieur de l’île. Ils couvrirent la distance rapidement, et bientôt, ils regardèrent fixement l’endroit où le bateau avait jeté l’ancre. Ses amis étaient toujours là à attendre alors que Royce et son père arrivèrent, mais ils vinrent à leur rencontre lorsqu’ils réalisèrent que Royce était accompagné. Ils se précipitèrent sur la plage, se tenant là, dans l’expectative.

— Une Picti, une paysanne et un combattant de l’Île Rouge ? dit son père.

— Mes amis, répondit Royce. Il y avait aussi un chevalier, mais Sir Bolis s’est sacrifié dans les Sept Îles, pour notre salut à tous.

Il s’avança vers eux, prêt à les présenter un à un.

— Mes amis, voici mon père, le roi Philippe, le roi légitime. Nous l’avons enfin trouvé.

Ses amis réagirent avec une déférence surprenante. Mark s’inclina, Matilde fit la révérence et même Neave fit un signe de tête respectueux.

— Père, voici Mark. Il m’a aidé à survivre à l’Île Rouge, et c’est mon meilleur ami.

Son père lui prit la main.

— Un homme qui a sauvé la vie de mon fils mérite toute ma gratitude.

— Il a sauvé la mienne plus souvent encore, répondit Mark.

Royce se déplaça le long de la ligne.

— Voici Matilde, qui fait partie de la résistance à la domination de l’ancien duc depuis presque le début. Elle est plus féroce qu’elle n’en a l’air.

— Vraiment ? dit son père en regardant Matilde. Je dirais que tu as déjà l’air assez féroce. Je serai heureux de me battre à tes côtés.

— Merci, Votre Majesté, dit Matilde, l’air ravie.

— Et toi ? dit son père, se tournant vers Neave.

— Neave, Votre Majesté, dit-elle, avec une note de respect à laquelle Royce ne s’attendait pas.

— Les Pictis méritent une meilleure place dans le royaume que ce que j’ai pu leur donner. Ils respectent la magie du monde d’une manière aujourd’hui oubliée. Si tu es ici, cela signifie-t-il que ta tribu se bat aux côtés de mon fils ?

— Oui, confirma Neave. Il a fait chanter la pierre de guérison. D’autres se joindront également à votre cause.

— On dirait que tu as préparé toute une armée, conclut le père de Royce.

Royce hocha la tête.

— Nous y travaillons. D’ici notre retour, j’espère que mes frères en auront rassemblé assez pour affronter le roi Carris. Mais il nous faut un symbole. Nous avons besoin du roi légitime. Nous avons besoin de toi.

— Je suis avec toi, promit son père. Il se dirigea vers le bateau. Mais nous avons encore un long chemin à parcourir et un dur combat à livrer une fois là-bas.

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