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CHAPITRE QUATRE

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Raymond se tenait avec ses frères à un croisement à la frontière du territoire du vieux duc, sachant qu’il devait continuer, mais ne voulant pas en même temps se séparer des autres pour le moment. Bientôt, Lofen, Garet et lui allaient devoir partir et entreprendre les choses dont Royce avait besoin, dont ils avaient tous besoin.

— Nerveux ? demanda-t-il aux autres.

— Bien sûr que non, dit Lofen, la bravade était évidente.

Lofen était toujours prêt à se battre, et peut-être que cela lui servirait dans son entreprise de rallier les Pictis, malgré tout, Raymond pensait qu’il aurait été mieux loti s’il avait eu plus qu’une carte et une idée générale.

— Je ferai ce qu’il faut, dit Garet, essayant évidemment d’avoir l’air aussi courageux que ses frères.

Raymond voulait lui dire qu’il ne doutait pas un seul instant de son courage ; il avait vu à quel point les autres avaient été forts quand ils avaient été pris au piège dans le donjon d’Altfor.

— Je persuaderai les Bannerets de nous rejoindre, ajouta-t-il.

— Je trouverai davantage de gens susceptibles de vous aider, dit Moira, son cheval à côté de celui de Garet.

Raymond ne savait pas trop quoi penser de sa présence là-bas. Le fait qu’elle était une noble aiderait à mettre les gens de sa classe de leur côté, et elle s’était portée volontaire pour aider, mais Raymond avait déjà remarqué la façon dont Garet la regardait, et il savait que cela allait être compliqué.

— Fais attention à toi, dit Raymond à son frère cadet.

Il se tourna vers Moira. On ne pouvait nier qu’elle était belle, et il n’allait pas lui en vouloir d’avoir été enlevée par les nobles, malgré cela, il y avait quelque chose dans la façon dont elle s’était portée volontaire pour cette équipée qui le rendait mal à l’aise.

— Veille à ce qu’il soit en sécurité.

— Je ne suis pas un enfant, se vexa Garet. Je suis un homme, et j’agirai comme tel.

— Tant que tu nous trouves les gens dont on a besoin, conclut Raymond.

— J’ai la partie facile, insista Garet. C’est toi qui dois persuader les gens de se soulever.

Raymond hocha la tête.

— Ils se soulèveront. Ils le feront pour Royce.

Il avait vu comment son frère avait réussi à persuader les gens à se battre plus fort et comment Royce avait réussi à vaincre les ennemis les plus dangereux. Il avait abattu un maître d’arme comme Lord Alistair et avait rallié les forces du comte Undine. Les gens se lèveraient au nom de Royce.

— Je suppose que c’est un au revoir alors, dit Lofen essayant de ne montrer aucune émotion.

Mais Raymond savait qu’elle était là, derrière le visage impassible de son frère. Raymond espérait juste qu’il pourra faire un plaidoyer plus émouvant quand il s’adressera aux Pictis. Il espérait aussi que son frère serait en sécurité, parce qu’ils avaient tous vu de quoi les gens sauvages du pays étaient capables, sur le rocher de guérison.

— Ce n’est pas un adieu pour longtemps, j’espère, dit Raymond. Souviens-toi…

— Les rassembler au château d’Earl Undine, pas à celui du vieux duc, dit Lofen. Oui, je sais. Tu l’as dit assez de fois en chemin.

— J’allais dire n’oubliez pas que je vous aime tous les deux, mes frères, dit Raymond. Même si tu es un idiot, Lofen, et que Garet est encore trop novice pour avoir le moindre bon sens.

— Au moins, on n’est pas une mère poule qui glousse après tout le monde, répondit Garet en tirant sur les rennes de son cheval pour le préparer au départ. À bientôt, mon frère, avec toute une armée !

— Je veillerai sur lui, dit Moira, retournant son propre cheval pour suivre Garet.

— Veille à tenir parole, insista Raymond.

— Tu es dur avec elle, dit Lofen, alors que les deux s’éloignaient.

— C’est plutôt le fait que Garet soit doux avec elle qui m’inquiète, dit Raymond.

Il vit son frère hausser les épaules.

— Au moins, il a une charmante compagne avec lui qui connaît les gens qu’il va voir. Pourquoi je ne pouvais pas laisser cette Neave venir avec moi…

Raymond se moqua de cette dernière remarque.

— Tu penses qu’elle serait intéressée par toi ? Tu l’as vue avec Matilde. De plus, les Pictis seront assez faciles à trouver. Parcours les terres sauvages jusqu’à ce que l’un d’eux te lance quelque chose à la figure.

— Tu plaisantes, répondit Lofen en déglutissant, mais tu te sentiras mal si je reviens criblé de flèches. Je vais tout de même y aller, et je ramènerai ma propre armée, pour voir à quel point nos ennemis apprécieront combattre le peuple sauvage.

Il se retourna et partit en direction de ce qu’ils pensaient être les terres des Pictis, ce qui laissa Raymond attendre seul au croisement. Comparé à ses frères, il avait presque hérité de la tâche la plus facile : persuader des gens déjà mécontents à travers le royaume de se joindre à leur cause. Après tant d’années d’abus de la part des nobles servant le Roi Carris, ils devraient être en train d’attendre l’étincelle de ses paroles, prêts à s’enflammer comme de l’amadou.

Malgré tout, alors que Raymond tournait son cheval en direction d’un des villages et le poussait dans un galop, il se surprit à regretter que ses frères ne soient pas venus avec lui.

***

Le premier village était un endroit si petit qu’il n’aurait probablement pas mérité de figurer sur la plupart des cartes. Il avait un nom, Byesby, et quelques maisons, et c’était tout. C’était à peine plus qu’une ferme qui aurait prospéré, vraiment, sans même une auberge pour rassembler les gens du coin. Le mieux que l’on puisse dire, c’est qu’au moins il n’y avait pas de gardes dans les parages, au service d’un dirigeant local, qui pourrait essayer d’empêcher Raymond de rassembler les gens.

Il se rendit au centre de l’endroit, qui semblait être marqué par un poteau en bois bas pour afficher les messages, placé près d’un puits qui n’avait manifestement pas été entretenu depuis un certain temps. Il y avait quelques personnes qui s’affairaient dans la rue, et d’autres sortirent alors que Raymond était assis sur son cheval. Ils n’avaient probablement pas vu beaucoup de gens en armure passer par ici. Peut-être même pensaient-ils qu’il avait été envoyé par quelque noble qui revendiquait l’endroit.

— Écoutez-moi, cria Raymond du haut de son cheval. Rassemblez-vous, vous tous !

Lentement, les gens commencèrent à se manifester. Raymond avait côtoyé plus de gens sur les champs de batailles, mais il se rendit compte, au fur et à mesure qu’ils l’entouraient, qu’il n’avait jamais eu à parler devant autant de monde auparavant. À ce moment-là, sa bouche était sèche, ses paumes moites.

— Qui es-tu ? demanda un homme qui avait l’air assez costaud pour être forgeron. Nous n’avons pas le temps pour les voleurs et les bandits ici.

Il tenait un marteau comme pour insister sur le fait qu’ils n’étaient pas sans défense.

— Alors c’est aussi bien que je ne sois ni l’un ni l’autre ! lui répondit Raymond en criant. Je suis là pour vous aider.

— À moins que tu n’aies l’intention de nous prêter main forte pour la récolte, je ne vois pas comment tu pourrais nous aider, intervint un autre homme.

L’une des femmes les plus âgées regardait Raymond de haut en bas.

— Je pourrais bien penser à quelques façons.

Ces simples mots suffirent à déstabiliser Raymond, répandant à travers son corps la chaleur de l’embarras. Il tenta de se ressaisir, et c’était au moins aussi difficile que d’affronter un bretteur.

— N’avez-vous pas entendu que le vieux duc et son fils Altfor ont été renversés ? poursuivit Raymond.

— Qu’est-ce que ça a à voir avec nous ? demanda le forgeron. D’après la façon dont les gens hochaient la tête quand il parlait, Raymond eut le sentiment qu’il était celui qu’il devrait convaincre. Nous sommes sur les terres de Lord Harrish.

— Lord Harrish, qui vous saigne à la manière des autres nobles, retorqua Raymond. Il savait qu’il y avait des nobles plus justes comme Earl Undine, mais d’après ce dont il se rappelait du souverain de ces terres, il n’en faisait pas partie. Combien de fois faudra-t-il qu’ils aillent dans vos villages, qu’ils vous volent, avant que vous ne leur disiez que c’en est assez ?

— Nous serions bien sots de faire une chose pareille, rappela le forgeron. Il a des soldats.

— Et nous avons une armée ! ajouta Raymond. Vous avez entendu dire que le vieux duc avait été renversé ? Nous l’avons fait, au nom du roi légitime, Royce !

Dans son imagination, sa voix avait explosé. En réalité, Raymond pouvait voir certaines personnes à l’arrière qui s’efforçaient de l’entendre.

— Tu es Royce ? s’interrogea le forgeron. C’est toi qui prétends être le fils du vieux roi ?

— Non, non, corrigea rapidement Raymond. Je suis son frère.

— Tu es donc aussi le fils du vieux roi ? demanda le forgeron.

— Non, je ne le suis pas, avoua Raymond. Je suis le fils d’un villageois, mais Royce est…

— Eh bien, décide-toi, s’agaça la vieille femme qui l’avait tant embarrassé. Si ce Royce est ton frère, alors il ne peut pas être le fils du vieux roi. Cela va de soi.

— Non, vous ne comprenez pas, dit Raymond. S’il vous plaît, écoutez-moi, donnez-moi une chance de tout expliquer, et…

— Et quoi ? dit le forgeron. Tu nous diras combien ce Royce vaut la peine qu’on le suive ? Tu nous diras comment on devrait mourir dans la guerre de quelqu’un d’autre ?

— Oui ! dit Raymond, avant de réaliser de quoi cela avait l’air. Non, je veux dire… Ce n’est pas la guerre de quelqu’un d’autre. Cette guerre concerne tout le monde.

Le forgeron n’avait pas l’air très convaincu. Il s’approcha pour s’appuyer contre le puits, se détachant de la foule pour lui faire face et s’y adresser.

— Vraiment ? dit-il en regardant les autres. Vous me connaissez tous, et je vous connais, et nous connaissons tous ces batailles entre nobles. Ils nous prennent pour leurs armées et nous promettent toutes sortes de choses, mais quand tout est fini, c’est nous qui sommes morts, et ils retournent à leurs affaires comme si de rien n’était.

— Royce est différent ! insista Raymond.

— En quoi est-il différent ? demanda le forgeron.

— Parce que c’est l’un des nôtres, répondit Raymond. Il a grandi dans un village. Il sait ce que cela signifie. Il s’en soucie.

Le forgeron rit de bon cœur.

— S’il s’en soucie tant, alors où est-il ? Pourquoi n’est-il pas là, plutôt qu’un garçon prétendant être son frère ?

Raymond sut alors qu’il ne servait à rien de continuer. Les gens d’ici n’allaient plus l’écouter, quoi qu’il dise. Ils avaient entendu trop de promesses de la part d’un trop grand nombre d’autres personnes, à l’époque où le roi Carris avait interdit à ses nobles de se battre. La garantie que Royce prendrait réellement soin des villageois suffirait à les convaincre, et le forgeron avait raison : ils n’avaient aucune raison d’y croire alors qu’il n’était même pas là.

Raymond tourna son cheval, sortant du village avec autant de dignité qu’il pouvait lui rester à présent. Autant dire que cela ne représentait plus grand-chose.

Il emprunta le sentier en direction du village suivant, essayant de réfléchir pendant qu’il chevauchait, et ignorant la pluie constante qui commençait à tomber autour de lui.

Il aimait son frère, mais il souhaitait aussi que Royce n’ait pas ressenti le besoin de partir pour retrouver son père. Objectivement, Raymond pouvait comprendre à quel point trouver le vieux roi aiderait leur cause, mais c’était Royce que le peuple suivrait, Royce qu’il devait voir pour se soulever. Sans lui à ses côtés, Raymond n’était pas sûr d’être capable de rassembler une armée pour leur cause.

Cela signifiait que lorsque le roi Carris riposterait, ils ne disposeraient que des forces de Earl Undine contre toute la puissance de l’armée royale. Raymond ne savait pas quelle serait la taille de cette armée, mais comme elle serait composée de forces de tous les seigneurs du pays… ils n’auraient aucune chance.

Si seulement Royce avait pu être ici, Raymond n’avait aucun doute sur sa capacité à lever l’armée dont ils avaient besoin. Mais il espérait que Lofen et Garet auraient plus de chance.

— Impossible de ne s’en remettre qu’à la chance, se dit Raymond. Pas quand tant de gens risquent de mourir.

Il avait été aux premières loges pour voir ce que les nobles pouvaient faire à ceux qui osaient leur tenir tête. Il y avait vu de ses propres yeux les potences, les tortures sur la pierre de guérison, et pire encore. À tout le moins, chaque village qui accepterait de les rejoindre se trouverait ravagé, ce qui ne donnait que des raisons supplémentaires à ceux qui restaient de ne pas se mêler à la révolte.

Raymond soupira. Il n’y avait aucun moyen résoudre cette épineuse équation : ils avaient besoin de Royce, mais c’était impossible tant qu’il était parti à la recherche de son père. À moins que…

— Non, ça ne peut pas marcher, se dit Raymond.

En y réfléchissant, c’était peut-être possible. Ce n’était pas comme si quelqu’un ici savait à quoi ressemblait Royce. Ils avaient peut-être entendu parler de lui, on leur avait peut-être même fait une description générale, mais tout le monde savait à quel point les histoires étaient exagérées.

— C’est une idée stupide, murmura Raymond.

Le problème, c’est que cette idée était la seule qui lui était venue pour le moment. Oui, ce serait dangereux, parce que Royce était un homme recherché. Oui, cela aurait des répercussions plus tard : les gens se sentiraient trahis quand ils le découvriraient, certains pourraient même déserter. Mais il ne voyait pas d’autres solutions. D’autres se sentiraient trop liés à la cause une fois qu’ils feraient partie de l’armée, ou seraient trop occupés à se battre pour y penser.

— Ils ne verront peut-être même pas Royce de près, marmonna Raymond.

Il se rendit compte qu’il avait déjà pris sa décision sans vraiment s’être décidé, et il continua sa route vers un autre auditoire. Il dépassa un ou deux villages pour dépasser les rumeurs qui se répandraient de Byesby et risqueraient de gâcher ce qu’il était sur le point de faire. L’endroit qu’il choisit était plus grand, avec une auberge et une grande grange qui servait de magasin général. C’était assez grand pour que la vue d’un homme entrant dans le village ne fasse pas sortir les gens de leurs maisons par sa rareté. Cela signifiait que Raymond devait rester juché sur son cheval au milieu de la place du village et crier encore et encore jusqu’à ce que les gens viennent à lui.

— Tout le monde, écoutez. Ecoute-moi bien ! J’ai des nouvelles !

Il attendit que les gens se rassemblent avant de commencer à parler.

— La guerre approche ! dit-il. Vous avez entendu dire que le fils du vrai roi est revenu, et qu’il a renversé un duc qui opprimait son propre peuple ! C’est la vérité, et je sais ce que vous pensez. Vous pensez qu’il ne s’agit que d’une autre querelle entre nobles qui ne vous concerne en rien, mais je suis ici pour vous dire que vous avez aussi un rôle à y jouer. Que la situation est différente.

— Oh, et pourquoi ça ? interpella un homme à l’arrière de la foule croissante. Raymond avait l’impression que les choses évoluaient exactement comme lors de son précèdent discours.

— Parce que nous avons une chance de changer les choses. Parce que ce n’est pas une querelle entre nobles, mais une opportunité de bâtir un monde qui ne sera plus celui de quelques nobles nous écrasant tous. Parce que c’est un combat où les gens impliqués se soucient des gens comme vous, des gens comme nous tous.

— Vraiment ? demanda l’homme. Alors, étranger, qui es-tu, pour en savoir autant à ce propos ?

Raymond reprit son souffle, sachant que c’était le moment de continuer ou de renoncer, et qu’une fois que ce serait fait, il ne pourrait plus revenir en arrière.

— Allez, insista l’homme. Qui es-tu, pour prétendre qu’un noble lointain se soucie de nous tous ?

— C’est simple, dit Raymond, et cette fois, sa voix se répandit dans tout le village pour que tout le monde l’entende. Je m’appelle Royce, et je suis le fils du roi Philippe, le seul et légitime roi de ce pays !

Les Destinés

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