Читать книгу Le Fils des Dragons - Морган Райс, Morgan Rice - Страница 8
CHAPITRE DEUX
ОглавлениеVars ne voyait pas l'heure de renvoyer Aethe depuis son arrivée au château, alors qu'il n'était encore qu'un enfant. La femme de son père, qui avait remplacé sa propre mère, avait longtemps été à l’origine de ses déceptions. Elle n'avait eu de cesse de rabâcher aux oreilles de son père, aussi longtemps qu'il s'en souvienne, que Vars était faible, lâche, indigne : que ses filles devaient prendre le pouvoir.
Elle s'était immiscée à plusieurs reprises dans leur conversation. L'avait interrogé sur la façon dont Lenore s'était retrouvée seule, suggérant manifestement qu'elle soupçonnait Vars d'avoir manqué à ses devoirs de gardien. Elle prétendait que ses propres enfants pourraient l'aider à gouverner, Vars savait mieux que quiconque qu'il s'agissait d'une manière détournée de le renverser. Vars risqua un sourire satisfait alors que les gardes emmenaient Aethe dans ses appartements.
"Que faites-vous tous ici ?" demanda-t-il aux gardes et serviteurs. Il constata qu'ils demeuraient là, immobiles. "Croyez-vous que mon père va s'asseoir et demander un verre de vin, ou faire la conversation ?"
La plupart d'entre eux se détournèrent devant ses paroles, comme s'ils refusaient d'écouter. Vars était le régent désormais, ils devaient l'écouter.
"Nous demeurons auprès du roi par loyauté, Votre Altesse," dit l'un des serviteurs. "Au cas où il aurait besoin de notre aide."
"Quelle aide ? Le Docteur Jarran sortait d’ici à mon arrivée. Son aide est-elle opportune ? Non. Même le sorcier favori de mon père ne fait que marmonner dans sa tour. Et vous voudriez, tous combien vous êtes, lui venir en aide ? Sortez."
“Mais Votre Altesse —”
Vars s'en prit au serviteur. "Vous parlez de loyauté. Je suis le régent. Je m'exprime au nom du roi. Si vous faisiez preuve de loyauté, vous obéiriez. Mon père n'a pas besoin d'être entouré de gardes ou de serviteurs. Partez, avant que je ne vous fasse sortir de force."
Vars savait pertinemment qu'aucun d'entre eux n'avait envie de partir, mais en vérité, il s'en fichait. Il avait constaté depuis fort longtemps déjà que les gens ne faisaient que ce pour quoi ils étaient faits. Ceux qui parlaient d'honneur, de loyauté ou de patriotisme n'étaient que des menteurs prétendant être meilleurs que Vars.
Un des gardes fit halte alors qu'ils s’apprêtaient à sortir. "Et si le roi se réveillait, Votre Altesse ? L'un de nous ne devrait-il pas rester à ses côtés et vous informer le cas échéant ?"
Vars ne réprimanda pas l'homme, uniquement parce qu'il ne voulait pas être perçu comme un fils haïssant son père, ou comme un fou incapable de gouverner son royaume. Préserver les apparences, la vérité était secondaire.
"Ce n'est pas une mission pour vous. Cette tâche conviendrait plus à un enfant." Une idée germa dans son esprit. "Qui est le plus jeune page ici présent ?"
"Merin, Votre Altesse. Il a onze ans."
"Onze ans c'est bien assez grand pour veiller sur mon père au cas où il se réveillerait et suffisamment jeune pour n'être d'aucune utilité ailleurs. Allez le chercher et retournez à vos obligations. Nous sommes en guerre, après tout !"
Ces paroles suffirent à les faire réagir, les forcèrent à bouger, là où les capacités de commandement de Vars avaient échoué. Il les détestait. Il les haïssait encore plus qu’ils le détestaient. Il se rendit au chevet de son père malade, dévisagea la silhouette du Roi Godwin plongée dans le coma.
Il avait l'air si fragile, d’un teint de cendres, les muscles de son corps moins dessinés, couché sur le dos. Il paraissait plus âgé qu'avant, Vars le trouva moins impressionnant.
"Je crois que c'est la première fois que tu ne m'écrases pas de ta présence, que tu me dises à quel point je suis inutile," déclara Vars. Prononcer ces mots lui fit grand bien, même si son père ne pouvait l’entendre. Il n'aurait jamais eu le courage de parler si son père avait été éveillé, il n'aurait jamais osé.
Vars faisait les cent pas dans la chambre, songeant à tout ce qu'il avait toujours voulu dire à son père, tout ce qu'il avait en tête, des réflexions que la peur retenait captives. Même maintenant, il avait du mal à s'exprimer, savoir que son père ne pouvait pas vraiment les entendre, ne pouvait rien, libéra sa parole.
"On dit que tu peux en réchapper, ou mourir. J'espère que tu mourras. C'est tout ce que tu mérites, vu le père que tu as été." Il dévisageait son père d'un air haineux. S'il avait eu le courage, il se serait emparé d'un oreiller et l'aurait plaqué sur son visage.
"Sais-tu ce que c'est, que de grandir avec un père pareil ? Rien de ce que je faisais n'était jamais assez bien pour toi. Rodry a toujours été le meilleur. Oh, tu l'aimais, lui, quand il ne s'en prenait pas aux ambassadeurs. Je suis bien aise que tu aies appris sa mort avant qu'on ne te poignarde. Et Nerra… qu'a-t-elle ressentit lorsque tu l'as forcée à partir ?"
Il n'y eut évidemment pas de réponse, pas l'ombre d'une réponse de la part de son père, inerte. Ce qui était d'autant plus grave, en fin de compte.
"Quand ma mère est morte, tu t'es vite trouvé une nouvelle femme. Tes fils avaient besoin de toi, j'avais besoin de toi, mais tu as choisi d'épouser Aethe, qui t'a donné tes précieuses filles."
Il songea à toutes les fois où son père l'avait réprimandé tout en portant Nerra, Lenore et même Erin, aux nues.
"Tu as accordé tant d'attention à Lenore et à son stupide mariage, n'est-ce pas ? Tu as placé tant d'espoirs en elle. Sais-tu pourquoi tu gis ici ? Sais-tu pourquoi elle a été enlevée ?" Vars s'arrêta et se pencha sur son père, suffisamment près pour chuchoter. "Ils l'ont capturée parce que j'ai pris le mauvais chemin avec mes hommes. Je ne voulais pas perdre mon temps à la protéger, alors que j'étais le suivant dans l'ordre d'accession au trône. Je ne voulais pas rester à attendre pendant que la princesse idéale se pavanait dans tout le royaume, était adulée. Je l'ai laissée seule, les hommes de Ravin l'ont capturée, Rodry est mort en voulant la sauver."
Vars se redressa, éprouvant la profonde satisfaction d'avoir enfin vidé son sac, d’avoir dit à son père tout ce qu'il avait sur le cœur.
"Tu n'as eu de cesse de me rabaisser, regarde-moi maintenant. J’ai toujours fait ce que j'ai voulu, j'ai passé mon temps à la Maison des Soupirs et dans les auberges plutôt que dans ta fabuleuse Maison des Armes. C'est moi qui commande désormais, et je compte bien en profiter."
On frappa à la porte. Un serviteur entra suivi d'un jeune garçon aux cheveux blonds et au visage poupin, vêtu d'une chemise, d'une tunique et d'un collant bleu roi et or. Il semblait nerveux en présence de Vars, et esquissa une révérence parfaite. Vars remarqua qu'une de ses mains était petite et tordue, peut-être un accident survenu il y a longtemps. Vars s'en moquait.
"Tu es Merin ?"
"Oui, Votre Altesse," répondit le jeune garçon d'une petite voix effrayée.
"Sais-tu quel est ton rôle ici ?"
Le garçon secoua la tête, manifestement trop effrayé pour répondre.
"Tu veilleras sur mon père. Tu lui apporteras ses repas, fera sa toilette, tu attendras de voir s'il se réveille." Il ne lui demanda pas s'il en était capable ; il s'en fichait. "Est-ce clair ?"
"O-oui, Votre—”
"Bien," Vars lui coupa la parole. La réponse d’un garçonnet ne l'intéressait pas mais il tenait simplement à s'assurer que l'humiliation de son père soit complète. Vivre ou mourir, peu importe. Soit son père vivrait, et Vars savourerait sa petite revanche, soit il mourrait, auquel cas, Vars saurait qu'il avait réussi à rendre les derniers jours du vieux fou encore pires.
Il se tourna alors vers l'autre serviteur, qui se remit nerveusement au garde à vous. "Que faites-vous ici ? Je pensais vous avoir dit à tous de retourner à vos tâches habituelles."
"Oui, Votre Altesse. Je suis venu parce que… parce que votre présence est requise."
"Ma présence est requise ?" Vars saisit l'homme par son col de chemise. C'était facile, il savait que le serviteur n'oserait pas le frapper, ce serait considéré comme une trahison. "Je suis le régent. Le peuple n'a rien à exiger."
"Pardonnez-moi, Votre Altesse. C'est… c'est le terme qu'ils ont utilisé quand ils m'ont envoyé vous chercher."
Le terme "chercher" le disputait à "requise." Vars envisageait de frapper l'homme mais se retint de justesse, son rang lui dictait de rester à sa place, Vars ne voulait pas recevoir de mauvais coup, quelles que soient ses envies de vengeance.
"Qui vous envoie, et pourquoi ? Qui se croit permis de donner des ordres en mon château ?"
"Les nobles, Votre Altesse. Ils se concertent…" Il semblait réfléchir aux termes exacts qu'on lui avait demandé de transmettre. "… ils se concertent afin de débattre de l'invasion du Royaume du Sud et décider d'une réponse commune. Les nobles et les chevaliers sont présents. La réunion se déroule dans le grand salon en ce moment-même."
Vars écarta l'homme du milieu, soudain en proie à la colère. Comment osaient-ils ? Comment osaient-ils profiter de ce moment où le pouvoir du royaume était enfin entre ses mains pour tenter de le rabaisser ?
Il savait où ils voulaient en venir, bien qu'on le lui ait tu. La noblesse le mettait à l'épreuve, le traitant comme s'il n'était pas un vrai roi, pas un souverain aussi puissant que son père. Ils essayaient d'en faire une marionnette, un homme de paille qu'ils pourraient commander et contrôler, un serviteur et un régnant. Ils croyaient pouvoir lui dicter sa conduite, décider entre eux, Vars se verrait réduit à être une simple tête couronnée, sagement assis sur son trône.
Rira bien qui rira le dernier. Vars leur montrerait qu'ils avaient tort.