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ОглавлениеCHARLEMAGNE (768-814)
Bien qu'il eût lui-même rétabli l'unité de commandement, Pépin le Bref, avant de mourir, céda encore aux coutumes des Francs, car il partagea la Gaule entre ses fils Charles et Carloman. Les deux frères ne vécurent pas en bonne intelligence, mais la mort de Carloman (771) permit bientôt de rétablir l'unité. Charles écarta les enfants de Carloman et se fit reconnaître seul chef des Francs. C'est lui qui devait porter au plus haut degré la gloire de sa famille et mériter d'être appelé le Grand ou Charlemagne.[2]
Charlemagne était né dans un des domaines de Pépin le Bref, sur les bords du Rhin.
Il fut élevé, comme tous les rois de ce temps, non dans des palais (il n'y en avait plus), mais dans des fermes établies au milieu des forêts. Gros, robuste, d'une taille très haute, presque un géant, il avait dans toute sa personne un air de grandeur et de dignité. Intrépide et infatigable, toujours en chasse ou en guerre, il ne quittait presque jamais le cheval et jamais l'épée.
La renommée avait tellement exalté la puissance de Charlemagne que son aspect seul inspirait la plus vive frayeur, si nous en croyons un vieux récit.
Sous la conduite de Charlemagne, les Francs sortirent de la Gaule de tous côtés et soumirent tous les peuples qui occupaient le centre et le midi de l'Europe.
Afin de délivrer Rome et le pape du danger qui les menaçait sans cesse, Charlemagne détruisit le royaume des Lombards (774-776). Il prit alors le titre de roi d’Italie. Il vint à Rome et confirma au pape Adrien la possession des vastes domaines que Pépin avait accordés en 756 au pape Étienne II.
Le roi des Francs marchait contre Didier, roi des Lombards, qui avait recueilli plusieurs de ses ennemis, et parmi eux un ancien officier de Charles, le comte Oger. Lorsqu'on annonça l'approche des Francs, Didier monta, avec Oger, sur une des plus hautes tours de la ville de Pavie: Il aperçut d'abord les bagages et les machines et dit à Oger: «Est-ce que Charles est dans cette armée?—Non, répondit le comte, pas encore!»
On vit ensuite l'armée même, la foule des peuples rassemblés des contrées les plus lointaines. «Vraiment, dit le roi, Charles doit être au milieu de ces troupes.—Mais non, répondit le comte, pas encore! pas encore!» Et voici, comme il parlait, qu'on aperçut ceux qui formaient la garde de Charles et qui ne connaissaient pas le repos. «Est-ce Charles? s’écrie Didier étonné.—Non, dit Oger, pas encore. Quand tu verras, ajouta-t-il, la moisson frémir d'horreur dans les champs et le fleuve refléter la couleur du fer, alors tu pourras croire à l'arrivée de Charles.»
Il n'avait pas encore fini de parler qu'on crut apercevoir un nuage ténébreux. Charles approchait et de ses armés sortait un éclat sinistre. Il apparut enfin, couvert de fer, avec son casque de fer, portant de sa main gauche une lance de fer et sa main droite appuyée sur son invincible épée. Tous ceux qui marchaient devant lui, à ses côtés, derrière lui, avaient le même aspect terrible.
«Le voici! le voici! celui que tu demandais!» s'écria Oger, et tous deux tombèrent évanouis.
Charlemagne enveloppa de son armée la ville de Pavie. La famine et la maladie décimèrent les défenseurs de la cité, qui fut obligée de se rendre.
Didier vint lui-même se livrer à Charlemagne, qui le fit enfermer pour le reste de ses jours dans un cloître, ainsi qu'Oger.
Guerres en Espagne contre les Arabes.—Charlemagne franchit les Pyrénées et refoula au delà de l'Èbre les Arabes d'Espagne (778). Mais, au retour, son arrière-garde fut écrasée dans la vallée de Roncevaux par les Basques ou Vascons qui occupaient les montagnes et firent rouler sur les Francs d'énormes quartiers de rocs. Là périt le neveu de Charlemagne, Roland, que les poètes célébrèrent beaucoup et vantèrent comme le modèle des guerriers.
Selon les légendes, un traître, Ganelon, aurait indiqué aux ennemis la route que le neveu de Charles devait prendre, et ceux-ci l'attaquèrent au passage de Roncevaux. De tous côtés les traits pleuvaient, des arbres entiers déracines, des quartiers de roches étaient précipités sur les Francs entassés dans l'étroite vallée. Roland, qui combattait vaillamment, sonna de son cor pour avertir Charlemagne. Le bruit en arriva jusqu'aux oreilles de Charles: «C'est mon neveu qui m'appelle, dit-il avec inquiétude.—Non, dit Ganelon qui l'accompagnait, votre neveu chasse à travers la montagne.» Et le roi continua sa route.
Roland sonna si fort que les veines de son cou se rompirent. Sur le point de mourir, il ne voulait pas que sa terrible épée, sa Durandal, comme on l'appelait, tombât entre les mains des ennemis; il chercha un rocher pour la briser; ce fut, disent les poètes, l’épée qui fendit le rocher. Ne pouvant briser Durandal, Roland la jeta dans une fontaine où elle doit rester, toujours d'après la légende, jusqu'à la fin des temps.
Charlemagne avait fini par comprendre les sons désespérés du cor de Roland; il était revenu en toute hâte sur ses pas, mais trop tard, et ne put que venger la mort de son neveu.
Guerres contre les Saxons.—Mais la guerre la plus longue, la plus acharnée que Charlemagne eut à soutenir, fut la guerre contre les Saxons. A dix-huit reprises différentes, dans l'espace de trente-trois ans, il pénétra dans le pays compris entre le Rhin et l’Elbe.
Charles s'appliqua surtout à convertir les Saxons à la religion chrétienne. Il détruisit leurs bois sacrés, renversa leurs idoles, entre autres l’Irminsul, tronc d'arbre énorme et sculpté en forme de statue.
Un chef surtout avait excité les Saxons à la résistance, Witikind. Ardent, infatigable, habile, Witikind se dérobait à toutes les recherches: quand il ne pouvait plus lutter, il se retirait chez les Danois et reparaissait dès que Charlemagne s'éloignait.
Le bruit du désastre de Roncevaux étant parvenu jusque dans la Saxe, Witikind souleva toute la Germanie et osa se montrer sur les bords du Rhin (778). Charles fut obligé de recommencer la conquête du pays. Il y resta trois années pour y fonder des monastères, y bâtir des châteaux forts, y créer des évêchés.
Charles alors croit pouvoir s’éloigner. Mais Witikind reparait et détruit une armée franque. Charles aussitôt revient au milieu des Saxons en ennemi irrité et inflexible. Witikind lui échappe encore, mais quatre mille cinq cents prisonniers sont décapités en un seul jour à Verden (782).
Ce terrible massacre fut le signal d'une nouvelle guerre sans merci. Les Saxons, épuisés, à la fin se soumirent. Witikind, ne trouvant plus de soldats, fatigué lui-même et apprenant que Charles lui ferait grâce s'il voulait se convertir, vint reconnaître l'autorité de Charlemagne et recevoir le baptême à la villa royale d’Attigny sur Aisne (785).
La soumission de Witikind termina la grande guerre de Saxe. Plusieurs tribus se révoltèrent encore plus d'une fois jusqu'en l'année 804, et Charlemagne, las de vaincre et de punir «cette race au cœur de fer,» dut transplanter des milliers de familles en d'autres régions et changer les habitants de la Saxe. C'est ainsi que le redoutable roi des Francs créa le pays qu'on a depuis appelé l'Allemagne.
Le roi des Francs se trouvait à Rome au moment ou l'on célébrait le huit centième anniversaire de la naissance du Christ, et c'était précisément le premier jour de l'an 800, car on comptait alors les années à partir de Noël. Pendant la messe, comme Charles priait agenouillé dans l'église de Saint-Pierre et Saint-Paul, le pape Léon III, tenant une couronne d'or, alla tout à coup la lui placer sur la tête en disant: «A Charles très pieux, auguste, couronné de Dieu, grand et pacifique empereur des Romains, vie et victoire!» Les guerriers francs, flattés dans leur orgueil, s'unirent aux Romains pour répéter avec enthousiasme: «A Charles, empereur des Romains, vie et victoire!»
Le pape se prosterna devant le nouvel empereur d'Occident, qui revêtit un costume magnifique: tunique ornée de broderies, manteau fleuri de rameaux d'or, brodequins étincelants de pierres précieuses. Et toute la ville de Rome fut en joie: elle se croyait rappelée à son antique splendeur.
Cette pompe toutefois, cette magnificence plaisaient peu au redoutable guerrier. En dehors des cérémonies, Charles conserva ses habitudes simples et le grossier costume des soldats francs. Ses compagnons aimaient au contraire à se parer des riches vêtements qu'ils avaient trouvés en abondance dans les villes d'Italie.
Or, un dimanche, après la messe, Charles dit à ses compagnons: «Sans entrer au logis, vêtus comme nous le sommes, partons pour la chasse.» Il tombait une pluie fine et froide. Tout le jour on courut sous la pluie, dans les broussailles, au milieu des bois; les vêtements fins et délicats furent trempés, déchirés. Charles ordonna à ses compagnons de reparaître le lendemain devant lui avec le même costume. Ils se présentèrent tout honteux de leur triste équipage, et Charles plaisanta ses compagnons sur leurs somptueuses guenilles.
Charles n'aurait point mérité le surnom de Grand, s'il n'eût effacé la barbarie du conquérant par la sagesse du législateur; il s'appliqua à faire régner dans son vaste empire l'ordre et la justice. «Une chronique raconte qu'il avait fait suspendre une cloche à la porte de son palais; tous ceux qui voulaient former appel à sa justice, sonnaient cette cloche et le roi, suffisamment averti, leur donnait audience tous les jours. La nuit même, car il avait l'habitude de se lever et de s'habiller plusieurs fois durant la nuit, Charles faisait introduire dans sa chambre des plaideurs de toutes conditions, les priait d'exposer leurs griefs mutuels et se prononçait comme en plein tribunal sur la question en litige.»
Il établit dans les provinces, des comtes, des vicaires, des juges. Il avait l'œil et la main partout. Des envoyés royaux devaient, à chaque saison de l'année, parcourir les provinces et réprimer les excès des officiers. Au printemps et à l'automne, à la veille ou au retour de ces expéditions, l'empereur tenait les assemblées ordinaires chez les Francs; c'est là qu'il publiait ses capitulaires, lois diverses qui réglaient la police de l'État ou l'administration de ses fermes. Charles n'avait d'autres revenus que ceux de ses vastes domaines; aussi le voit-on s'occuper, en même temps que de l'ordre de la société, de la vente de ses bœufs et de ses porcs, des œufs de ses basses-cours, des poissons de ses étangs, des foins de ses prairies, même du superflu des légumes de son jardin. «Un père de famille, a-t-on dit avec raison, pourrait apprendre dans ses lois à gouverner sa maison.»
Ce guerrier redoutable connaissait le prix de la science. Il étudia sa langue maternelle, il apprit le latin; sa rude main, si habituée à manier l'épée, s'exerçait à conduire le stylet sur les tablettes et à tracer d'informes caractères. Il s'entoura de savants qui formaient dans son palais comme une Académie.
Charlemagne avait établi une école dans son palais même pour les enfants de ses leudes et des serviteurs de son palais. Il la visitait souvent. Les enfants les plus pauvres étudiaient avec ardeur. Charles leur dit un jour: «Je vous loue beaucoup, mes enfants, de votre zèle à remplir mes intentions et à rechercher de tous vos moyens votre propre bien. Maintenant, efforcez-vous d'atteindre à la perfection, alors je vous donnerai de riches évêchés, de magnifiques abbayes.» Puis il se tourna vers les enfants des grands, et d'une voix terrible il s'écria: «Quant à vous, fils des principaux de la nation qui, vous reposant sur votre naissance et votre fortune, avez négligé mes ordres et le soin de votre propre gloire dans vos études, si vous ne vous hâtez pas de réparer par une constante application votre négligence passée, vous n'obtiendrez jamais rien de Charles!»
La renommée du puissant empereur s'était répandue au loin. Le monarque le plus puissant de l'Asie, le chef du grand empire arabe, le calife Haroun-al-Raschid (Haroun le Juste), lui envoya plusieurs fois des ambassades et des présents d'une merveilleuse richesse. Parmi ces présents, ce qui étonna le plus les Francs, ce fut un éléphant, animal qu'ils n'avaient jamais vu, et une horloge mécanique avec des figures qui se mettaient en mouvement pour sonner les heures.
Charles mourut en 814 à Aix-la-Chapelle, ville qu'il aimait à cause de ses sources d'eau chaude, et où il avait élevé une grande église. On déposa son corps dans la crypte de cette église et on l'enferma dans un caveau, assis sur un trône de marbre, la couronne d'or sur la tête, un sceptre d'or entre ses mains.