Mensonges
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Paul Bourget. Mensonges
DÉDICACE
I. UN COIN DE PROVINCE À PARIS
II. ÂMES NAÏVES
III. UN AMOUREUX ET UN SNOB
IV. « LE SIGISBÉE »
V. L'AUBE DE L'AMOUR
VI. LA LOGIQUE D'UN OBSERVATEUR
VII. PROFIL DE MADONE
VIII. L'AUTRE PROFIL DE LA MADONE
IX. UNE COMÉDIENNE DE BONNE FOI
X. DANS LE PIÈGE
XI. DÉCLARATIONS
XII. LOYAUTÉ CRUELLE
XIII. AT HOME
XIV. JOURNÉES HEUREUSES
XV. LES RANCUNES DE COLETTE
XVI. HISTOIRE D'UN SOUPÇON
XVII. ÉVIDENCES
XVIII. LE PLUS HEUREUX DES QUATRE
XIX. TOUT OU RIEN
XX. L'ABBÉ TACONET
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« Monsieur, » fit le cocher en se penchant du haut de son siège, « la grille est fermée… »
– « À neuf heures et demie!.. » répondit une voix de l'intérieur de la voiture. « Quel quartier! Ce n'est pas la peine de descendre; le trottoir est sec, j'irai à pied… » Et la portière s'ouvrit pour donner passage à un homme encore jeune, qui releva frileusement le collet de loutre de son pardessus, et avança sur le pavé des souliers découverts. Ces souliers vernis, les chaussettes de soie à fleurs, le pantalon noir et le chapeau d'étoffe témoignaient que, sous la fourrure, ce personnage cachait une complète tenue de soirée. La voiture était un de ces fiacres sans numéro qui stationnent à la porte des cercles, et, tout en assurant son cheval, le cocher, peu habitué à ce coin provincial de Paris, se prit à regarder, comme faisait son client lui-même, cette entrée d'une rue, vraiment excentrique, bien qu'elle fût située sur le bord du faubourg Saint-Germain. Mais à cette époque, – en 1879 et vers le commencement de février, – cette rue Coëtlogon, qui joint la rue d'Assas à la rue de Rennes, présentait encore la double particularité d'être close par une grille, et, la nuit, éclairée par une lanterne suspendue, suivant l'ancienne mode, à une corde transversale. Aujourd'hui la physionomie de l'endroit a bien changé. Il a disparu, le mystérieux hôtel, à droite, placé de guingois au milieu de son jardin, et qui abritait sans doute une calme existence de douairière. Les terrains vagues qui rendaient cette rue Coëtlogon inabordable aux voitures du côté de la rue de Rennes, comme la grille l'isolait du côté de la rue d'Assas, ont été nettoyés de leurs amas de pierres. Les becs de gaz ont remplacé la lanterne. À peine si deux pavés un peu inégaux marquent la place des barreaux sur lesquels jouaient les portes mobiles de la grille, que l'on poussait seulement chaque soir au lieu de les verrouiller. Le jeune homme n'eut donc pas à sonner pour se faire ouvrir, mais, avant de s'engager dans la mince ruelle, il s'arrêta quelques minutes devant le paysage que formaient cette impasse sombre, le jardin de droite, la ligne des maisons déjà presque toutes éteintes à gauche, au fond les masses confuses des bâtisses en construction, la lanterne ancienne au centre. Là-haut, une froide lune d'hiver brillait dans un ciel tragique, un ciel vaste, pommelé de nuages mobiles et qui couraient vite. Ils passaient, passaient devant cette lune claire, et voilaient à chaque fois légèrement son éclat de métal, comme rendu plus vif lorsque ces vapeurs mobiles se creusaient soudain en une portion d'espace toute libre et toute noire.
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– « Un petit verre pour chasser ce froid? »
– « Une larme, » fit l'employé.
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