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AVIS PRÉMONITOIRE

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Auctor purissimæ impuritatis.

Juste Lipse.

En conformité avec l'usage suivi par les traducteurs de Pétrone depuis 1692, on a cru opportun de consigner ici, aux places ordinaires, les apocryphes de Nodot, prédécesseur ingénieux mais balourd de FitzGérald (Kheyyam), de Mérimée (La Guzla), de Mac-Pherson et de l'Ossian qu'admira Bonaparte avec stupidité.

Le faussaire de Belgrade, riz-pain-sel, doublé de latiniste—comme un Paul-Louis Courier dépourvu de style et d'agrément—par des sutures adroites encore que d'un romanesque très inepte, a soudé les pages authentiques et fait plus attrayant leur débit. Ces imaginations, qui ne parvinrent à duper aucun des contemporains de Nodot (lors les académiciens de Nîmes) apparaissent comme un Evangile cinquième à l'auteur de Quo Vadis? abruti déjà de façon louable par les quatre précédents.

Elles aideront les quelques gens du monde qui lisent couramment les caractères d'imprimerie à supporter la découverte de Rome au iie siècle, et la lecture de l'Histoire Auguste mêmement.

Afin d'éclairer la religion des personnes méticuleuses, on a pris soin de typographier entre crochets la version du pseudo-Satyricon.

Ces concessions faites à l'inintelligence de la critique et du lecteur, il a paru oiseux d'intimer aux personnes bénévolentes, la déglutition du Carmen de bello civili. Même il eût été probe d'effacer tous les vers du Satyricon qui ne tiennent au récit, ni par un mot, ni par une indication de mœurs, ni par un coin de paysage. Ces froides rhapsodies n'ont de commun, avec les randonnées d'Encolpis et de Tryphœna, que leur interpolation par un scholiaste bête dans un récit fort animé dont elles entravent la piaffe maladroitement. Les poèmes attribués à Pétrone, depuis Saint-Evremond, Nodot, Boispréaux, Durand de Moulins jusqu'à Héguin de Guerle et Baillard, les moins pompiers d'entre eux, furent en possession d'exciter les Muses de collège, d'impartir aux grimauds en veine luxurieuse, un thème à paraphrases. Que ne trouve-t-on pas là dedans? Les «fureurs de Neptune», «les caresses de Zéphire», et même les «ruisseaux de larmes» conservés depuis l'abbé Delille y croupissent marécageusement à l'abri du grand air.

Les auteurs de ces choses, imbus de périphrases, de «bonnes expressions», guindés et pommadés ne semblent pas avoir eu d'autre but que d'abêtir un conteur d'esprit et de fournir une version pudique d'un texte qui l'est si peu. Les fripiers, les garçons d'étuves, les cinèdes, les cambrioleurs parlent chez ces vedeaux, la même langue, incolore et décente. On dirait qu'ils ont lavé leurs estomacs d'ivrognes dans le thé suisse de Nisard et fait leurs ongles dans le tub académique de M. Paul Deschanel. C'est à vomir. La palme de la rougeur pudique revient néanmoins à Desjardins-Boispréaux. Après avoir placé que de tutus et de feuilles de vigne! excusé l'Arbiter et garanti ses intentions, il finit par cette phrase qui vaut qu'on la propage, bonbon où le sucre du xviiie siècle se mêle encore au plâtre un peu moisi: «Poète, orateur, historien, Pétrone atteint le sublime dans tous les genres; mais les objets qu'il égayé de son pinceau blessent la pureté de nos mœurs(?). La lumière qui nous luit jette sur ces matières toute l'horreur qu'elles méritent et la nature arme contre elles la plus belle moitié du monde.»

On ne prétend pas fournir ici un doublet à ces pédantesques drôleries. Encore que Pétrone soit réfractaire à la traduction, il a paru élégant de donner un calque fidèle, de respecter le décor des vieux maîtres dont les contes milésiens nous furent transmis sous ce nom, et pour la première fois, aux lecteurs français la crudité de leurs discours.

Quand Pétrone fait parler des drôles venus de la plus sordide populace, du maquerellage et du stellionnat à la richesse en même temps qu'aux «bons principes»; quand il met en scène des mignons opulents, retraités et pieux; quand il note les épanchements d'un prêteur à la petite semaine tombé (déjà!) dans la dévotion et le patriotisme, tenant par avance les discours du Père Lemmius, on a cru expédient de faire à l'argot moderne les plus larges emprunts, qui, seul, renferme des équivalents topiques aux entretiens de ces voyous. On n'a pas tenté non plus d'adoucir, de moderniser, les passages scabreux ni de mettre un vertugadin aux priapées. La sérénité dans l'impudeur est un caractère de l'art antique; elle brille chez Pétrone comme dans les figurines obscènes, les bronzes, les fresques, les drilopotæ, les Hermès phallophores du musée de Pompéi. La moderne hypocrisie est greffée en plein bois sur la honte chrétienne. Elle fut inconnue aux races calmes et libres qui dressaient aux carrefours de leurs chemins les bornes que vous savez contrepointées de l'inscription: Hic habitat felicitas.

L'élégance de Pétrone différait sans doute des belles manières, telles que peuvent les entendre MM. Paul Bourget, Arthur Meyer et les calicots de chez Labbey. Mais un écrivain qui se respecte n'a point à considérer l'opinion de ces marchands.

Ainsi, dans la mesure du possible, tenant compte du déchet inhérent aux traductions même les plus loyales, sans intervenir dans les débats d'épigraphie ou de sémantique, ne prétendant faire œuvre d'érudition ni montrer au public autre chose qu'un roman, on a tenté d'enrichir—positis ponendis—la langue d'Amyot, de Lamennais et de Leconte de Liste par l'acquêt d'un ancien et autrement jeune que la plupart des conteurs modernes, de mettre ainsi à la main d'un plus grand nombre de lecteurs, les seuls contes réalistes qui viennent de l'antiquité. On se flatte, non d'avoir pleinement réussi, de telles ambitions appartiennent exclusivement aux cacographes avérés (beati lourdes quoniam ipsi trebuchaverunt), mais de remblayer une voie, où d'autres, plus heureux et plus doctes, auront l'honneur de triompher.

Car il est à désirer que cet exemple trouve des imitateurs. La France en est encore aux traductions par à peu près, aux «belles infidèles» de Perrot d'Ablancourt ou de l'abbé de Marolles, aux Juvénal pour dames, aux Suétone châtrés, aux Martial vérécondieux.

Ici, du moins, on ose le croire, de tels reproches ne se peuvent encourir. L'impudicité romaine diffère grandement des pattes d'araignée de Mme Rachilde: c'est l'impudicité romaine que l'on trouvera dans le présent écrit.

Voici, libre de tous voiles et purifiée du badigeon académique, la ménippée ardente, la rhopographie ingénieuse de Titus Petronius Arbiter. Priapus et Cotytto s'y délectent de leur vigueur nue. Un remugle de parfumerie et de cuisine, de sueur humaine et de benjoin, une odeur âcre de fards et de sexes en rut flottent sur ces pages lubriques ou charmantes. On a fait en sorte de conserver, comme disait Chamfort, le scandale du texte dans toute sa pureté. Mais on n'a pas cru devoir la même déférence aux interpolations de Nodot. On a traduit fort mollement quelques-uns de ses passages, entre autres l'absurde chapitre cxxxviii, la ridicule histoire des amours de Chrysis avec Encolpis-Polyænos, que rien ne fait prévoir et que rien ne justifie. Nodot est d'ailleurs si mauvais écrivain qu'il traduit incorrectement jusqu'à son propre texte.

Certains noms de mets, d'ustensiles ou de vêtements, ne se peuvent transcrire que par des synonymes tout à fait ridicules. Rien de plus grotesque par exemple, que de remplacer endromis par «robe de chambre» ou scribilita par «tarte au fromage», d'imposer à la monnaie antique les appellations du numéraire d'à présent. Le corymbion n'est pas une perruque au sens de Lenthéric. Usité d'ailleurs en botanique (plantes corymbiflores, etc.) rien ne s'oppose à l'acquisition du terme par la langue usuelle.

On emprunta au Dictionnaire des antiquités romaines et grecques d'Anthony Rich, trad. Chéruel (Didot, 1883), l'explication de ces vocables. Un second volume de paralipomènes, outre des commentaires et des lignes sur Pétrone insérées dans la Petite République au mois d'août 1900, contiendra la Vie d'Héliogabalus, par Ælius Lampridius, mémorialiste de l'école niaise.

Il peut sembler en effet intéressant d'opposer au Satyricon et de dater le geste d'un fol qui, investi d'absolu, à cent quarante ans d'intervalle, réalisa sur le trône des Césars, une mascarade sexuelle imagée par des artistes luxurieux. C'est une manière de snobisme qui n'est pas à la portée du ménage Dieulafoy.

L. T.

Prison de la Santé, le 25 avril 1902.

Le Satyricon

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