Читать книгу Essai théorique et pratique sur les batailles - Philippe-Henri de Grimoard - Страница 4
ОглавлениеCHAPITRE PREMIER. Des Batailles en général.
ON APPELLE Bataille l’action dans laquelle une armée charge en totalité ou en partie celle qui lui est opposée.
Les batailles sont les actions les plus éclatantes de la guerre: elles donnent&ôtent les couronnes, dit Montécuculli, décident entre les souverains sans appel, finissent la guerre,&immortalisent le vainqueur. On va attaquer l’ennemi, on l’attend, ou bien on le rencontre en marche,&on le combat. Lorsqu’une des deux armées est postée, elle reçoit forcément la bataille; ce qu’on regarde avec raison comme un grand désavantage; car quelques fermes &aguéries que soient des troupes, elles sont presque toujours intimidées à l’aspect de celles qui viennent les attaquer; c’est tout le contraire si on les mène à la charge: elles n’ont pas le temps de réfléchir au danger. On ne doit donc jamais attendre l’ennemi dans un poste, à moins qu’il ne soit très avantageux&important à conserver. On évite encore soigneusement de se laisser réduire à combattre lorsqu’il plaît à l’ennemi,&on fait son possible pour l’obliger à recevoir la bataille dans une position défavorable. Il est des occasions où un général n’a pas le choix de chercher ou d’éviter un engagement.
Il saut épuiser tous les autres moyens de vaincre avant d’en venir à une action. Les habiles généraux cherchent moins à livrer des combats où les deux partis risquent également, qu’à ruiner l’ennemi par d’autres voies. Cependant quelque meurtrière que soit une bataille, elle l’est beaucoup moins qu’une longue guerre qui épuise peu à peu les trésors&la population d’un état.
Les batailles préméditées sont celles qui peuvent devenir les plus avantageuses; il y en a qui peuvent aussi l’être beaucoup quoiqu’imprévues; c’est lorsqu’une manœuvre inconsidérée ou une marche faite avec négligence expose évidemment l’ennemi à être défait.
Les actions qui s’engagent pour un poste que les deux armées veulent occuper, qui commencent par une escarmouche,&deviennent générales par les secours que l’on envoie aux combattants, sont les plus dangereuses, parce qu’il n’est guère possible alors de former un plan d’attaque ou de défense exactement relatif aux circonstances.
Dans ces sortes d’occasions comme dans toutes les autres, un général fécond en expédients, ne désespère jamais du succès d’une bataille pour quelques avantages remportés d’abord par l’ennemi; mais c’est alors qu’il importe d’opposer au mal un remède efficace&prompt.
L’évènement des batailles est décisif ou peu important; leurs suites dépendent des circonstances&du temps où on les livre. Celles qui se donnent au commencement d’une campagne, sont les plus dangereuses, parce qu’elles influent presque toujours sur les opérations du reste de l’année,& souvent de toute la guerre. Celles qui se livrent dans l’arrière saison, sont pour l’ordinaire de moindre conséquence, vû l’impossibilité où est l’ennemi de profiter longtemps de la supériorité qu’il a acquis par fa victoire.
Une bataille gagnée est un bien peu solide, si elle ne contrarie le projet de campagne du général que son a en tête; les principaux avantages qu’elle peut procurer sont:
1. La diminution des forces de l’ennemi.
2. Le découragement de ses troupes.
3. Ses pertes en chevaux, en artillerie&en munitions de toute espèce.
4. De répandre la terreur dans ses états.
5. De produire la défection de ses alliés.
6. D’inspirer de la confiance aux troupes.
7. D’être le maître de la campagne,&d’avoir la facilité d’assiéger une place dont la prise entraîne la perte d’une province ou d’une grande étendue de pays.
8. De lever des contributions dans le pays de l’ennemi,&d’y faire subsister l’armée.
9. De faire de grands progrès avant qu’il ait pû mettre sur pied de nouveaux soldats, former des magasins, effacer de l’esprit de ses troupes le souvenir des défaites précédentes,&y faire succéder le courage&la confiance.
Un général peut retirer les plus grands avantages de sa victoire, quand il a derrière lui un pays riche &abondant,&qui lui assure une communication libre avec les états de son souverain. S’il a été vaincu, il ne doit pas pour cela désespérer de vaincre;&pour y parvenir, il faut rendre la confiance aux troupes: on en vient à bout en ne formant aucune entreprise sans être assûré de réussir,
CHAPITRE SECOND.
Raisons pour combattre.
LES batailles pouvant décider du fort de la patrie, du prince&des citoyens, il ne faut pas les livrer sans examiner s’il y a une certitude morale de vaincre. Les raisons qui peuvent engager à combattre sont:
1. Quand il est possible de gagner plus qu’on ne peut perdre.
2. La supériorité en nombre&en qualité de troupes.
3. Pour entrer dans le pays de l’ennemi ou l’empêcher de pénétrer dans le vôtre.
4. La désunion entre ses généraux ou leur incapacité.
5. Leur peu de précaution dans les marches ou le choix des camps.
6. Lorsqu’il est affaibli par la division de ses forces.
7. La prochaine arrivée d’un renfort dont la jonction vous le rendrait superieur.
8. L’importance d’un poste dont il le faut chasser.
9. Lorsqu’il est encore fatigué d’une marche longue&pénible,&avant que ses malades soient rétablis,&les chevaux estropiés en état de servir,
10. S’il n’a pas encore eu le temps de reconnaître le terrein où il est posté,&de remédier aux obstacles qui gênent ou empêchent la communication des différents corps de son armée.
11. Pour profiter d’une de ses fautes.
12. Le secours d’une place de conséquence.
13. Pour intimider par une victoire les ennemis secrets,&les empêcher de se déclarer.
14. Si une partie de votre armée est composée de troupes d’une puissance qui doit vous abandonner bientôt.
15. Pour donner une nouvelle face aux affaires; comme par exemple, changer une guerre défensive en offensive.
16. Pour obliger un ennemi opiniâtre à faire la paix,&terminer la guerre qui ne finirait jamais sans les batailles.
17. Si l’on craint que la disette des vivres, des fourages ou de l’argent ne fasse débander les troupes.
18. Enfin lorsque pressé par la famine ou les maladies, ou qu’enveloppé de toute part, il faut vaincre ou subir la loi de l’ennemi.
CHAPITRE TROISIÈME.
Raisons pour éviter la bataille.
On évite une bataille:
1. Quand on risque beaucoup plus par une défaite que l’on ne peut gagner par une victoire.
2. Lorsqu’on commande des troupes inférieures en nombre&en qualité.
3. Si l’on est affaibli par des détachements.
4. Quand on attend la jonction d’un renfort,
5. Si l’ennemi occupe un poste si avantageux qu’on ne puisse l’attaquer sans témérité,
6. S’il vous est plus difficile qu’à lui de rétablir votre armée après une défaite.
7. Si l’on est assuré de la prochaine défection d’un de ses alliés.
8. si l’armée est fatiguée d’une longue marche ou d’un autre travail.
9. Si une défaite vous obligeait à une longue retraite,&que l’ennemi n’eût que peu de chemin à faire pour se mettre en sûreté.
10. Enfin quand il se ruine lui même, ou qu’il y a lieu d’espérer qu’en temporisant son armée se ruinera, ou que votre constance le lassera.
CHAPITRE QUATRIÈME,
Moyens d’obliger l’ennemi à combattre.
Si l’ennemi refusait de combattre, il y a un grand nombre de moyens pour l’y contraindre; mais comme ils dépendent tous de circonstances qu’il est impossible de prévoir, je ne rapporterai ici que les plus généraux. C’est:
I. De ravager le pays de l’ennemi.
2. De simuler le siège d’une place qui renferme ses magasins, ou qui lui est nécessaire pour assurer ses convois, ou couvrir une grande étendue de pays,&le faire réellement s’il persiste dans sa résolution.
3. De tomber sur ses quartiers, ou l’attaquer durant une marche, s’il néglige de prendre les sûretés&les précautions nécessaires en pareil cas.
4. De feindre soi même de ne vouloir pas combattre,&occuper en conséquence des positions avantageuses. Cette conduite propre à lui inspirer de la confiance, rengagera peut être à quitter son poste.
5. De le resserrer dans ses fourages&ses quartiers.
6. Enfin, vous obligerés encore l’ennemi à combattre, dit le roi de Prusse, quand vous viendrés pur une marche forcée vous mettre sur ses derrières, &lui couper ses communications.
CHAPITRE CINQUIÈME.
Précautions à prendre avant la bataille.
QUAND on prévoit le temps,&à peu près les lieux où l’on combattera, il faut:
1. Prendre les précautions nécessaires pour assurer la retraite de farinée si elle est vaincue.
2. Établir un dépôt de vivres sur la route par laquelle elle doit se retirer.
3. Remplir les magasins,&les mettre à couvert de toute entreprise.
4. Munir les places de manière qu’elles puissent faire assés de résistance si l’on est vaincu, pour donner le temps de rétablir l’armée,&de venir s’opposer aux progrès de l’ennemi.
5. Avoir soin que l’hôpital de l’armée,&ceux des places voisines, soient abondamment pourvus des choses nécessaires au pansement&au soulagement des blessés.
6. Renvoyer les équipages sur les derrières.
7. Faire conduire à l’armée les munitions de guerre&de bouche nécessaires pour le jour de l’action&ses suites.
8. Rassembler ses forces, afin d’être supérieur à l’ennemi, ou d’avoir plus de troupes à lui opposer.
9. Reconnaître avec soin, non seulement le champ de bataille qu’on a choisi, mais encore le pays des environs.
10. Ne pas faire combattre les troupes à jeun s’il est possible.
11. Que le général se représente les avantages qu’il se procurera s’il est vainqueur, les ressources qui lui resteront s’il est vaincu,&les changements qu’il fera à ses projets dans ces deux cas.
12. Qu’il mette en sûreté les lettres de son souverain&de ses ministres, ses instructions, ses ordres, la clé des chiffres&des caractères secrets, les lettres des personnes avec lesquelles il a des correspondances, soit dans l’armée, soit dans le pays de l’ennemi,&tous les autres papiers de conséquence.
13. Qu’il combine ses opérations de manière que si l’ennemi est vaincu, la bataille soit décisive pour lui;&que s’il est vainqueur, ses avantages se bornent uniquement au gain du champ de bataille.
14. Qu’il soit instruit au juste des forces&de la disposition de l’ennemi.
15. Qu’il ne négligé pas de gagner la confiance de l’année.
16. Enfin, qu’aux approches de la bataille, il ne laisse paraître ni tristesse ni inquiétude; il doit, au contraire, se garder avec soin de découvrir les diverses craintes dont il peut être agité: les troupes ne devant voir dans leur chef que fermeté& résolution.