Читать книгу Le Mariage de Loti - Pierre Loti - Страница 8
V
ОглавлениеRarahu était une petite créature qui ne ressemblait à aucune autre, bien qu'elle fût un type accompli de cette race maorie qui peuple les archipels polynésiens et passe pour une des plus belles du monde; race distincte et mystérieuse, dont le provenance est inconnue.
Rarahu avait des yeux d'un noir roux, pleins d'une langueur exotique, d'une douceur câline, comme celle des jeunes chats quand on les caresse; ses cils étaient si longs, si noirs qu'on les eût pris pour des plumes peintes. Son nez était court et fin, comme celui de certaines figures arabes; sa bouche, un peu plus épaisse, un peu plus fendue que le type classique, avait des coins profonds, d'un contour délicieux. En riant, elle découvrait jusqu'au fond des dents un peu larges, blanches comme de l'émail blanc, dents que les années n'avaient pas eu le temps de beaucoup polir, et qui conservaient encore les stries légères de l'enfance. Ses cheveux, parfumés au santal,
étaient longs, droits, un peu rudes; ils tombaient en masses lourdes sur ses rondes épaules nues. Une même teinte fauve tirant sur le rouge brique, celle des terres cuites claires de la vieille Etrurie, était répandue sur tout son corps, depuis le haut de son front jusqu'au bout de ses pieds.
Rarahu était d'une petite taille, admirablement prise, admirablement proportionnée; sa poitrine était pure et polie, ses bras avaient une perfection antique.
Autour de ses chevilles, de légers tatouages bleus, simulant des bracelets; sur la lèvre inférieure, trois petites raies bleues transversales, imperceptibles, comme les femmes des Marquises; et, sur le front, un tatouage plus pâle, dessinant un diadème. Ce qui surtout en elle caractérisait sa race, c'était le rapprochement excessif de ses yeux, à fleur de tête comme tous les yeux maoris; dans les moments où elle était rieuse et gaie, ce regard donnait à sa figure d'enfant une finesse maligne de jeune ouistiti ; alors qu'elle était sérieuse ou triste, il y avait quelque chose en elle qui ne pouvait se mieux définir que par ces deux mots: une grâce polynésienne.