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L'HÉRITAGE DE DICKENS

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On vient d'apprendre que les quatre petites-filles de Charles Dickens sont, sinon dans la misère noire, car elles ont de petites occupations, du moins dans un état fort précaire. Cela n'est pas sans faire songer aux sommes immenses que, tant du vivant du romancier que depuis sa mort, éditeurs, dramaturges et autres, ont tirées de son œuvre, et l'on s'étonne un peu. Je ne sais pas quelle est la législation anglaise en matière de propriété littéraire, mais comme il n'y a pas encore quarante-deux ans que le romancier est mort, si les choses se passaient en Angleterre comme en France, ses héritiers toucheraient encore de notables revenus. Il faut croire qu'il en est autrement, ou que l'héritage a été vendu, ou dilapidé, ou encore que Dickens vendait ses œuvres sans en réserver les droits futurs. Enfin, le fait semble exact, les petites-filles d'un écrivain anglais aux œuvres nombreuses et populaires sont dans une situation qui les oblige de recourir à leurs amis: cela surprend presque douloureusement l'opinion. On va sans doute à ce propos reparler sans ménagement de cette propriété à temps qu'est la propriété littéraire et se redemander si un droit ne devrait pas être prélevé, au profit des descendants des auteurs, sur la vente des livres anciens, comme sur celle des livres nouveaux. Il y eut, voici peu d'années, de nombreuses discussions à ce sujet, qui n'aboutirent qu'à de trop généreux projets. Généreux? Pour les héritiers, sans doute, mais pour le public. Se souvient-on de la phrase par laquelle débutent les Caractères de La Bruyère: «Je rends au public ce qu'il m'a prêté...»? On peut y trouver ce sens, que si la forme d'une œuvre de l'esprit appartient à celui qui l'ordonne, la matière est du domaine de tous et qu'elle doit un jour ou l'autre être rendue à tous. D'ailleurs, dans la plupart des cas la propriété de l'œuvre littéraire au bout d'un certain nombre d'années, a perdu toute espèce de valeur et l'extension de sa durée ne profiterait qu'à un très petit nombre de privilégiés. Tout de même, à bien réfléchir, on sent une injustice dans la loi actuelle. Sans doute, mais la question est de savoir si la transformation de la propriété temporaire en propriété perpétuelle ne serait pas d'une injustice plus grande encore.

Le chat de misère: Idées et images

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