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—«Par ici, par ici, camarades! voici quelqu'un à piquer!»

Et il était clair pour lui qu'ici il n'était plus un gentilhomme russe, de la société de Moscou, ami et parent de tel ou tel, mais simplement un être comme le moucheron, le faisan, le cerf, comme ceux qui vivaient, qui rôdaient maintenant autour de lui.

—«Comme eux, je vivrai, je mourrai. Et l'herbe poussera dessus....»

Et son cœur est joyeux.

Tolstoï vit, à cette heure de jeunesse, dans un délire de force et d'amour de la vie. Il étreint la Nature et se fond avec elle. En elle, il verse, il endort, il exalte ses chagrins, ses joies et ses amours[49]. Mais cette ivresse romantique ne porte jamais atteinte à la lucidité de son regard. Nulle part plus qu'en ce poème ardent, les paysages ne sont peints avec une telle puissance, ni les types avec plus de vérité. L'opposition de la nature et du monde, qui fait le fond du livre, et qui sera, toute sa vie, un des thèmes favoris de la pensée de Tolstoï, un article de son Credo, lui fait déjà trouver, pour fustiger la comédie du monde, quelques âpres accents de la Sonate à Kreutzer[50]. Mais il n'est pas moins véridique pour ceux qu'il aime; et les êtres de la nature, la belle Cosaque et ses amis, sont vus en pleine lumière, avec leur égoïsme, leur cupidité, leur fourberie, leurs vices.

Surtout, le Caucase révélait à Tolstoï les profondeurs religieuses de son être. On ne saurait assez mettre en lumière cette première Annonciation de l'Esprit de Vérité. Lui-même s'en est confié, sous le sceau du secret, à sa confidente de jeunesse, sa jeune tante Alexandra Andrejewna Tolstoï. Dans une lettre du 3 mai 1859, il lui fait sa «Profession de foi»[51]:

«Enfant, dit-il, je croyais avec passion et sentimentalité, sans penser. Vers quatorze ans, je commençai à réfléchir sur la vie; et, la religion ne s'accordant pas avec mes théories, je considérai comme un mérite de la détruire... Tout était clair pour moi, logique, bien distribué en des compartiments; et pour la religion, il n'y avait aucune place... Puis, vint le temps où la vie ne m'offrait plus aucun secret, mais où elle commença à perdre tout son sens. En ce temps—c'était au Caucase—j'étais solitaire et malheureux. Je tendis toutes les forces de mon esprit, comme on ne peut le faire qu'une fois en sa vie... C'était un temps de martyre et de félicité. Jamais, ni avant, ni après, je n'ai atteint à une telle hauteur de pensée, je n'ai vu aussi profond que pendant ces deux années. Et tout ce que j'ai trouvé alors restera ma conviction... En ces deux ans de travail spirituel persistant, j'ai découvert une simple, une vieille vérité, mais que je sais maintenant, comme personne ne le sait: je découvris qu'il y a une immortalité, qu'il y a un amour, et qu'on doit vivre pour les autres, afin d'être éternellement heureux. Ces découvertes me jetèrent dans l'étonnement, par leur ressemblance avec la religion chrétienne; et, au lieu de chercher à découvrir plus avant, je me mis à chercher dans l'Évangile. Mais je trouvai peu. Je ne trouvai ni Dieu, ni le Sauveur, ni les Sacrements, rien... Mais je cherchais, de toutes, toutes, toutes les forces de mon âme, et je pleurais, et je me torturais, et je ne désirais rien que la vérité... Ainsi, je suis resté seul, avec ma religion[52].»



En novembre 1853, la guerre avait été déclarée à la Turquie. Tolstoï se fit nommer à l'armée de Roumanie, puis il passa à l'armée de Crimée et arriva le 7 novembre 1854 à Sébastopol. Il brûlait d'enthousiasme et de foi patriotique. Il fit bravement son devoir et fut souvent en danger, surtout en avril-mai 1855, où il était, un jour sur trois, de service à la batterie du 4e bastion.

A vivre pendant des mois dans une exaltation et un tremblement perpétuels, en tête-à-tête avec la mort, son mysticisme religieux se raviva. Il a des entretiens avec Dieu. En avril 1855, il note dans son Journal une prière à Dieu, pour le remercier de sa protection dans le danger et pour le supplier de la lui continuer, «afin d'atteindre le but éternel et glorieux de l'existence, qui m'est inconnu encore...». Ce but de sa vie, ce n'était point l'art, c'était déjà la religion. Le 5 mars 1855, il écrivait:

J'ai été amené à une grande idée, à la réalisation de laquelle je me sens capable de consacrer toute ma vie. Cette idée, c'est la fondation d'une nouvelle religion, la religion du Christ, mais purifiée des dogmes et des mystères.... Agir en claire conscience, afin d'unir les hommes par la religion[53].

Ce sera le programme de sa vieillesse.

Cependant, pour se distraire des spectacles qui l'entouraient, il s'était remis à écrire. Comment put-il trouver la liberté d'esprit nécessaire pour composer, sous la grêle d'obus, la troisième partie de ses Souvenirs: Jeunesse? Le livre est chaotique, et l'on peut attribuer aux conditions dans lesquelles il prit naissance son désordre et parfois une certaine sécheresse d'analyses abstraites, avec des divisions et des subdivisions à la manière de Stendhal[54]. Mais on admire sa calme pénétration du fouillis de pensées et de rêves confus qui se pressent dans un jeune cerveau. L'œuvre est d'une rare franchise avec soi-même. Et, par instants, que de fraîcheur poétique, dans le joli tableau du printemps à la ville, dans le récit de la confession et de la course au couvent pour le péché oublié! Un panthéisme passionné donne à certaines pages une beauté lyrique, dont les accents rappellent les récits du Caucase. Ainsi, la description de cette nuit d'été:

L'éclat tranquille du lumineux croissant. L'étang brillant. Les vieux bouleaux, dont les branches chevelues s'argentaient d'un côté, au clair de lune, et, de l'autre, couvraient de leurs ombres noires les buissons et la route. Le cri de la caille derrière l'étang. Le bruit à peine perceptible de deux vieux arbres qui se frôlent. Le bourdonnement des moustiques et la chute d'une pomme qui tombe sur les feuilles sèches, les grenouilles qui sautent jusque sur les marches de la terrasse, et dont le dos verdâtre brille sous un rayon de lune.... La lune monte; suspendue dans le ciel clair, elle remplit l'espace; l'éclat superbe de l'étang devient encore plus brillant; les ombres se font plus noires, la lumière plus transparente.... Et moi, humble vermisseau, déjà souillé de toutes les passions humaines, mais avec toute la force immense de l'amour, il me semblait en ce moment que la nature, la lune et moi, nous n'étions qu'un[55].

Mais la réalité présente parlait plus haut que les rêves du passé; elle s'imposait, impérieuse. Jeunesse resta inachevée; et le capitaine en second comte Léon Tolstoï, dans le blindage de son bastion, au grondement de la canonnade, au milieu de sa compagnie, observait les vivants et les mourants, et notait leurs angoisses et les siennes dans ses inoubliables récits de Sébastopol.

Ces trois récits—Sébastopol en décembre 1854, Sébastopol en mai 1855, Sébastopol en août 1855,—sont confondus d'ordinaire dans le même jugement. Cependant, ils sont bien différents entre eux. Surtout le second récit, par le sentiment et l'art, se distingue des deux autres. Ceux-ci sont dominés par le patriotisme: sur le second plane une implacable vérité.

On dit qu'après avoir lu le premier récit[56], la tsarine pleura et que le tsar ordonna, dans son admiration, de traduire ces pages en français et d'envoyer l'auteur à l'abri du danger. On le comprend aisément. Rien ici qui n'exalte la patrie et la guerre. Tolstoï vient d'arriver; son enthousiasme est intact; il nage dans l'héroïsme. Il n'aperçoit encore chez les défenseurs de Sébastopol ni ambition ni amour-propre, nul sentiment mesquin. C'est pour lui une épopée sublime, dont les héros «sont dignes de la Grèce». D'autre part, ces notes ne témoignent d'aucun effort d'imagination, d'aucun essai de représentation objective; l'auteur se promène à travers la ville; il voit avec lucidité, mais raconte dans une forme qui manque de liberté: «Vous voyez.... Vous entrez... Vous remarquez....» C'est du grand reportage, avec de belles impressions de nature.

Tout autre est la seconde scène: Sébastopol en mai 1855. Dès les premières lignes, on lit:

Des milliers d'amours-propres humains se sont ici heurtés, ou apaisés dans la mort....

Et plus loin:

... Et comme il y avait beaucoup d'hommes, il y avait beaucoup de vanités.... Vanité, vanité, partout la vanité, même à la porte du tombeau! C'est la maladie particulière à notre siècle.... Pourquoi les Homère et les Shakespeare parlent-ils de l'amour, de la gloire, des souffrances, et pourquoi la littérature de notre siècle n'est-elle que l'histoire sans fin des vaniteux et des snobs?

Le récit, qui n'est plus une simple relation de l'auteur, mais qui met en scène directement les passions et les hommes, montre ce qui se cache sous l'héroïsme. Le clair regard désabusé de Tolstoï fouille au fond des cœurs de ses compagnons d'armes; en eux ainsi qu'en lui, il lit l'orgueil, la peur, la comédie du monde qui continue de se jouer, à deux doigts de la mort. Surtout la peur est avouée, dépouillée de ses voiles et montrée toute nue. Ces transes perpétuelles[57], cette obsession de la mort sont analysées sans pudeur, sans pitié, avec une terrible sincérité. A Sébastopol, Tolstoï a appris à perdre tout sentimentalisme, «cette compassion vague, féminine, pleurnicheuse», comme il dit avec dédain. Et jamais son génie d'analyse, dont on a vu s'éveiller l'instinct pendant ses années d'adolescence et qui prendra parfois un caractère presque morbide[58], n'a atteint à l'intensité suraiguë et hallucinée du récit de la mort de Praskhoukhine. Il y a là deux pages entières consacrées à décrire ce qui se passe dans l'âme du malheureux, pendant la seconde où la bombe est tombée et siffle avant d'éclater,—et une page sur ce qui se passe en lui, après qu'elle a éclaté et qu'«il a été tué sur le coup par un éclat reçu en pleine poitrine[59]»!

Comme des entr'actes d'orchestre au milieu du drame, s'ouvrent dans ces scènes de bataille de larges éclaircies de nature, des trouées de lumière, la symphonie du jour qui se lève sur le splendide paysage où agonisent des milliers d'hommes. Et le chrétien Tolstoï, oubliant le patriotisme de son premier récit, maudit la guerre impie:

Et ces hommes, des chrétiens qui professent la même grande loi d'amour et de sacrifice, en regardant ce qu'ils ont fait, ne tombent pas à genoux, repentants, devant Celui qui, en leur donnant la vie, a mis dans l'âme de chacun, avec la peur de la mort, l'amour du bien et du beau! Ils ne s'embrassent pas, avec des larmes de joie et de bonheur, comme des frères!

Au moment de terminer cette nouvelle, dont l'accent a une âpreté qu'aucune de ses œuvres encore n'avait montrée, Tolstoï se sent pris d'un doute. A-t-il eu tort de parler?

Un doute pénible m'étreint. Peut-être ne fallait-il pas dire cela. Peut-être ce que je dis est une de ces méchantes vérités qui, cachées inconsciemment dans l'âme de chacun, ne doivent pas être exprimées pour ne pas devenir nuisibles, comme la lie qu'il ne faut pas agiter, sous peine de gâter le vin. Où est l'expression du mal qu'il faut éviter? Où l'expression du beau qu'il faut imiter? Qui est le malfaiteur et qui est le héros? Tous sont bons et tous sont mauvais....

Mais il se ressaisit fièrement:

Le héros de ma nouvelle, que j'aime de toutes les forces de mon âme, que je tâche de montrer dans toute sa beauté, et qui toujours fut, est et sera beau, c'est la Vérité.

Après avoir lu ces pages[60], le directeur du Sovrémennik, Nekrasov, écrivait à Tolstoï:

Voilà précisément ce qu'il faut à la société russe d'aujourd'hui: la vérité, la vérité, dont, depuis la mort de Gogol, il est si peu resté dans la littérature russe.... Cette vérité que vous apportez dans notre art est quelque chose de tout à fait nouveau chez nous. Je n'ai peur que d'une chose: que le temps et la lâcheté de la vie, la surdité et le mutisme de tout ce qui nous entoure fassent de vous ce qu'ils ont fait de la plupart d'entre nous,—qu'ils ne tuent en vous l'énergie[61].

Rien de pareil n'était à craindre. Le temps, qui use l'énergie des hommes ordinaires, n'a fait que tremper celle de Tolstoï. Mais, sur le moment, les épreuves de la patrie, la prise de Sébastopol, réveillèrent, avec un sentiment de douloureuse piété, le regret de sa franchise trop dure. Dans le troisième récit,—Sébastopol en août 1855,—racontant une scène d'officiers qui jouent et se querellent, il s'interrompt et dit:

Mais baissons vite le voile sur ce tableau. Demain, aujourd'hui peut-être, chacun de ces hommes ira joyeusement à la rencontre de la mort. Au fond de l'âme de chacun couve la noble étincelle qui fera de lui un héros.

Et si cette pudeur n'enlève rien de sa force au réalisme du récit, le choix des personnages montre assez les sympathies de l'auteur. L'épopée de Malakoff et sa chute héroïque se symbolisent en deux figures touchantes et fières: deux frères, dont l'un, l'aîné, le capitaine Kozeltzov, a quelques traits de Tolstoï[62]; l'autre, l'enseigne Volodia, timide et enthousiaste, avec ses fiévreux monologues, ses rêves, les larmes qui lui montent aux yeux pour un rien, larmes de tendresse, larmes d'humiliation, ses transes des premières heures qu'il passe au bastion (le pauvre petit a encore la peur de l'obscurité, et, quand il est couché, il se cache la tête dans sa capote), l'oppression que lui cause le sentiment de sa solitude et de l'indifférence des autres, puis, quand l'heure est venue, sa joie dans le danger. Celui-ci appartient au groupe des poétiques figures d'adolescents (Pétia de Guerre et Paix, le sous-lieutenant d'Incursion) qui, le cœur plein d'amour, font la guerre en riant et se brisent soudain, sans comprendre, à la mort. Les deux frères tombent frappés, le même jour,—le dernier jour de la défense.—Et la nouvelle se termine par ces lignes, où gronde une rage patriotique:

L'armée quittait la ville. Et chaque soldat, en regardant Sébastopol abandonné, avec une amertume indicible dans le cœur, soupirait et montrait le poing à l'ennemi[63].



Quand, sorti de cet enfer, où pendant une année il avait touché le fond des passions, des vanités et de la douleur humaine, Tolstoï se retrouva, en novembre 1855, parmi les hommes de lettres de Pétersbourg, il éprouva pour eux un sentiment d'écœurement et de mépris. Tout lui semblait en eux mesquin et mensonger. Ces hommes, qui de loin lui apparaissaient dans une auréole d'art,—Tourgueniev, qu'il avait admiré et à qui il venait de dédier la Coupe en forêt,—vus de près, le déçurent amèrement. Un portrait de 1856 le représente au milieu d'eux: Tourgueniev, Gontcharov, Ostrovsky, Grigorovitch, Droujinine. Il frappe, dans le laisser-aller des autres, par son air ascétique et dur, sa tête osseuse, aux joues creusées, ses bras croisés avec raideur. Debout, en uniforme, derrière ces littérateurs, «il semble, comme l'écrit spirituellement Suarès, plutôt garder ces gens que faire partie de leur société: on le dirait prêt à les reconduire en prison[64]».

Cependant, tous s'empressaient autour du jeune confrère qui leur arrivait, entouré de la double gloire de l'écrivain et du héros de Sébastopol. Tourgueniev, qui avait «pleuré et crié: Hourra!» en lisant les scènes de Sébastopol, lui tendait fraternellement la main. Mais les deux hommes ne pouvaient s'entendre. Si tous deux voyaient le monde avec la même clarté de regard, ils mêlaient à leur vision la couleur de leurs âmes ennemies: l'une, ironique et vibrante, amoureuse et désenchantée, dévote de la beauté; l'autre, violente, orgueilleuse, tourmentée d'idées morales, grosse d'un Dieu caché.

Surtout, ce que Tolstoï ne pardonnait point à ces littérateurs, c'était de se croire une caste élue, la tête de l'humanité. Il entrait dans son antipathie pour eux beaucoup de l'orgueil du grand seigneur et de l'officier vis-à-vis de bourgeois écrivassiers et libéraux[65]. C'était aussi un trait caractéristique de sa nature,—il le reconnaît lui-même,—de «s'opposer d'instinct à tous les raisonnements généralement admis[66]». Une méfiance des hommes, un mépris latent pour la raison humaine, lui faisaient partout flairer la duperie de soi-même ou des autres, le mensonge.

Il ne croyait jamais à la sincérité des gens. Tout élan moral lui semblait faux, et il avait l'habitude, avec son regard extraordinairement pénétrant, de cingler l'homme qui, lui paraissait-il, ne disait pas la vérité....[67]

Comme il écoutait! Comme il regardait son interlocuteur, du fond de ses yeux gris enfoncés dans les orbites! Avec quelle ironie se serraient ses lèvres[68]!

Tourgueniev disait qu'il n'avait jamais rien senti de plus pénible que ce regard aigu, qui, joint à deux ou trois mots d'une observation venimeuse, était capable de mettre en fureur.[69]

De violentes scènes éclatèrent, dès leurs premières rencontres, entre Tolstoï et Tourgueniev[70]. De loin, ils s'apaisaient et tâchaient de se rendre justice. Mais le temps ne fit qu'accuser la répulsion de Tolstoï pour son milieu littéraire. Il ne pardonnait pas à ces artistes le mélange de leur vie dépravée et de leurs prétentions morales.

J'acquis la conviction que presque tous étaient des hommes immoraux, mauvais, sans caractère, bien inférieurs à ceux que j'avais rencontrés dans ma vie de bohême militaire. Et ils étaient sûrs d'eux-mêmes et contents, comme peuvent l'être des gens tout à fait sains. Ils me dégoûtèrent[71].

Il se sépara d'eux. Toutefois, il garda quelque temps encore leur foi intéressée dans l'art[72]. Son orgueil y trouvait son compte. C'était une religion grassement rétribuée; elle procurait «des femmes, de l'argent, de la gloire...».

De cette religion, j'étais un des pontifes. Situation agréable et bien avantageuse....

Pour mieux s'y consacrer, il donna sa démission de l'armée (novembre 1856).

Mais un homme de sa trempe ne pouvait se fermer longtemps les yeux. Il croyait, il voulait croire au progrès. Il lui semblait «que ce mot signifiait quelque chose». Un voyage à l'étranger,—du 29 janvier au 30 juillet 1857,—en France, en Suisse et en Allemagne, fit s'écrouler cette foi.[73] A Paris, le 6 avril 1857, le spectacle d'une exécution capitale «lui montra le néant de la superstition du progrès...».

Quand je vis la tête se détacher du corps et tomber dans le panier, je compris, par toutes les forces de mon être, qu'aucune théorie sur la raison de l'ordre existant ne pouvait justifier un tel acte. Si même tous les hommes de l'univers, s'appuyant sur quelque théorie, trouvaient cela nécessaire, je saurais, moi, que c'est mal: car ce n'est pas ce que disent et font les hommes qui décide de ce qui est bien ou mal, mais mon cœur[74].

A Lucerne, le 7 juillet 1857, la vue d'un petit chanteur ambulant, à qui les riches Anglais, hôtes du Schweizerhof, refusaient l'aumône, lui fait inscrire dans son Journal du prince D. Nekhludov[75] son mépris pour toutes les illusions chères aux libéraux, pour ces gens «qui tracent des lignes imaginaires sur la mer du bien et du mal...».

Pour eux la civilisation, c'est le bien; la barbarie, le mal; la liberté, le bien; l'esclavage, le mal. Et cette connaissance imaginaire détruit les besoins instinctifs, primordiaux, les meilleurs. Et qui me définira ce qu'est la liberté, ce qu'est le despotisme, ce qu'est la civilisation, ce qu'est la barbarie? Où donc ne coexistent pas le bien et le mal? Il n'y a en nous qu'un seul guide infaillible, l'Esprit universel qui nous souffle de nous rapprocher les uns des autres.

De retour en Russie, à Iasnaïa, de nouveau il s'occupa des paysans.[76] Ce n'était pas qu'il se fît non plus illusion sur le peuple. Il écrit:

Les apologistes du peuple et de son bon sens ont beau dire, la foule est peut-être bien l'union de braves gens; mais alors ils ne s'unissent que par le côté bestial, méprisable, qui n'exprime que la faiblesse et la cruauté de la nature humaine[77].

Aussi n'est-ce pas à la foule qu'il s'adresse: c'est à la conscience individuelle de chaque homme, de chaque enfant du peuple. Car là est la lumière. Il fonde des écoles, sans trop savoir qu'enseigner. Pour l'apprendre, il fait un second voyage en Europe, du 3 juillet 1860 au 23 avril 1861[78].

Il étudie les divers systèmes pédagogiques. Est-il besoin de dire qu'il les rejette tous? Deux séjours à Marseille lui montrèrent que la véritable instruction du peuple se faisait en dehors de l'école, qu'il trouva ridicule, par les journaux, les musées, les bibliothèques, la rue, la vie, qu'il nomme «l'école inconsciente» ou «spontanée». L'école spontanée, par opposition à l'école obligatoire, qu'il regarde comme néfaste et niaise, voilà ce qu'il veut fonder, ce qu'il essaye, à son retour, à Iasnaïa Poliana[79]. Son principe est la liberté. Il n'admet point qu'une élite, «la société privilégiée libérale», impose sa science et ses erreurs au peuple, qui lui est étranger. Elle n'y a aucun droit. Cette méthode d'éducation forcée n'a jamais pu produire, dans l'Université, «des hommes dont l'humanité a besoin, mais des hommes dont a besoin la société dépravée: des fonctionnaires, des professeurs fonctionnaires, des littérateurs fonctionnaires, ou des hommes arrachés sans aucun but à leur ancien milieu, dont la jeunesse a été gâtée, et qui ne trouvent pas de place dans la vie: des libéraux irritables, maladifs[80]». Au peuple de dire ce qu'il veut! S'il ne tient pas «à l'art de lire et d'écrire que lui imposent les intellectuels», il a ses raisons pour cela: il a d'autres besoins d'esprit plus pressants et plus légitimes. Tâchez de les comprendre et aidez-le à les satisfaire!

Ces libres théories d'un conservateur révolutionnaire, comme il fut toujours, Tolstoï tâcha de les mettre en pratique, à Iasnaïa, où il se faisait beaucoup plus le condisciple que le maître de ses élèves[81]. En même temps, il s'efforçait d'introduire dans l'exploitation agricole un esprit plus humain. Nommé en 1861 arbitre territorial, dans le district de Krapivna, il fut le défenseur du peuple contre les abus de pouvoir des propriétaires et de l'État.

Mais il ne faudrait pas croire que cette activité sociale le satisfît et le remplît tout entier. Il continuait d'être la proie de passions ennemies. En dépit qu'il en eût, il aimait le monde, toujours, et il en avait besoin. Le plaisir le reprenait, par périodes; ou c'était le goût de l'action. Il risquait de se faire tuer dans des chasses à l'ours. Il jouait de grosses sommes. Il lui arrivait même de subir l'influence du milieu littéraire de Pétersbourg, qu'il méprisait. Au sortir de ces aberrations, il tombait dans des crises de dégoût. Les œuvres de cette époque portent fâcheusement les traces de cette incertitude artistique et morale. Les Deux Hussards (1856)[82] ont des prétentions à l'élégance, un air fat et mondain, qui choque chez Tolstoï. Albert, écrit à Dijon en 1857[83], est faible et bizarre, dénué de la profondeur et de la précision qui lui sont habituelles. Le Journal d'un Marqueur (1856)[84], plus frappant, mais hâtif, semble traduire l'écœurement que Tolstoï s'inspire à lui-même. Le prince Nekhludov, son Doppelgänger, son double, se tue dans un tripot:

Il avait tout: richesse, nom, esprit, aspirations élevées; il n'avait commis aucun crime; mais il avait fait pire: il avait tué son cœur, sa jeunesse; il s'était perdu, sans même avoir une forte passion pour excuse, mais faute de volonté.

L'approche même de la mort ne le change pas...

La même inconséquence étrange, la même hésitation, la même légèreté de pensée....

La mort.... A cette époque, elle commence à hanter l'âme de Tolstoï. Trois Morts (1858-9)[85] annoncent déjà la sombre analyse de la Mort d'Ivan Iliitch, la solitude du mourant, sa haine pour les vivants, ses: «Pourquoi?» désespérés. Le triptyque des trois morts—la dame riche, le vieux postillon phtisique et le bouleau abattu—a de la grandeur; les portraits sont bien tracés, les images assez frappantes, bien que l'œuvre, trop vantée, soit d'une trame un peu lâche, et que la mort du bouleau manque de la poésie précise qui fait le prix des beaux paysages de Tolstoï. Dans l'ensemble, on ne sait encore ce qui l'emporte de l'art pour l'art ou de l'intention morale.

Tolstoï l'ignorait lui-même. Le 4 février 1859, pour son discours de réception à la Société Moscovite des Amateurs des Lettres russes, il faisait l'apologie de l'art pour l'art[86]; et c'était le président de la Société, Khomiakov, qui, après avoir salué en lui «le représentant de la littérature proprement artistique», prenait contre lui la défense de l'art social et moral[87].

Un an plus tard, la mort de son frère chéri, Nicolas, emporté par la phtisie[88], à Hyères, le 19 septembre 1860, bouleversait Tolstoï, au point «d'ébranler sa foi dans le bien, en tout», et lui faisait renier l'art:

La vérité est horrible.... Sans doute, tant qu'existe le désir de la savoir et de la dire, on tâche de la savoir et de la dire. C'est la seule chose qui me soit restée de ma conception morale. C'est la seule chose que je ferai, mais pas sous la forme de votre art. L'art, c'est le mensonge, et je ne peux plus aimer le beau mensonge[89].

Mais, moins de six mois après, il revenait au «beau mensonge», avec Polikouchka[90], qui est peut-être son œuvre la plus dénuée d'intentions morales, à part la malédiction latente qui pèse sur l'argent et sur son pouvoir néfaste; œuvre purement écrite pour l'art; un chef-d'œuvre d'ailleurs, auquel on ne peut reprocher que sa richesse excessive d'observation, une abondance de matériaux qui auraient pu suffire à un grand roman, et le contraste trop dur, un peu cruel, entre l'atroce dénouement et le début humoristique[91].



De cette époque de transition, où le génie de Tolstoï tâtonne, doute de lui-même et semble s'énerver, «sans forte passion, sans volonté directrice», comme le Nekhludov du Journal d'un Marqueur, sort l'œuvre la plus pure qui soit jamais née de lui, le Bonheur Conjugal (1859)[92]. C'est le miracle de l'amour.

Depuis de longues années, il était ami de la famille Bers. Il avait été amoureux tour à tour de la mère et des trois filles[93]. Ce fut définitivement de la seconde qu'il s'éprit. Mais il n'osait l'avouer. Sophie-Andréievna Bers était encore une enfant: elle avait dix-sept ans; lui, avait plus de trente ans: il se regardait comme un vieux homme, qui n'avait pas le droit d'associer sa vie usée, souillée, à celle d'une innocente jeune fille. Il résista, trois ans[94]. Plus tard, il a conté dans Anna Karénine comment il fit sa déclaration à Sophie Bers et comment elle y répondit,—en dessinant tous deux, avec de la craie sur une table, les initiales des mots qu'ils n'osaient dire. Comme Levine dans Anna Karénine, il eut la cruelle loyauté de remettre son Journal intime à sa fiancée, afin qu'elle n'ignorât rien de ses hontes passées; et, comme Kitty dans Anna, Sophie en ressentit une amère souffrance. Le 23 septembre 1862 se fit leur mariage.

Mais depuis trois ans déjà, ce mariage était fait dans la pensée du poète, écrivant Bonheur Conjugal[95]. Depuis trois ans, il avait déjà vécu par avance les ineffables jours de l'amour qui s'ignore, et les jours enivrés de l'amour qui se découvre, et, l'heure où les divines paroles attendues se murmurent, les larmes «d'un bonheur qui s'envole pour toujours et ne reviendra jamais»; et la réalité triomphante des premiers temps du mariage, l'égoïsme amoureux, «la joie incessante et sans cause»; puis, la fatigue qui vient, le mécontentement vague, l'ennui de la vie monotone, les deux âmes unies qui doucement se disjoignent et s'éloignent l'une de l'autre, la griserie dangereuse du monde pour la jeune femme,—coquetteries, jalousie, malentendus mortels,—l'amour voilé, perdu; enfin le tendre et triste automne du cœur, la figure de l'amour qui reparaît, pâlie, vieillie, plus touchante par ses larmes, ses rides, le souvenir des épreuves, le regret du mal que l'on se fit et des années perdues,—sérénité du soir, passage auguste de l'amour à l'amitié et du roman de la passion à la maternité.... Tout ce qui devait venir, tout, Tolstoï l'avait rêvé, goûté par avance. Et afin de le mieux vivre, il l'avait vécu en elle, en la bien-aimée. Pour la première fois,—l'unique fois peut-être dans l'œuvre de Tolstoï,—le roman se passe dans le cœur d'une femme et est raconté par elle. Avec quelle délicatesse! Beauté de l'âme qui s'enveloppe d'un voile de pudeur.... L'analyse de Tolstoï a renoncé, pour cette fois, à sa lumière un peu crue; elle ne s'acharne pas, avec fièvre, à mettre à nu la vérité. Les secrets de la vie intérieure se laissent deviner, plutôt qu'ils ne sont livrés. Le cœur et l'art de Tolstoï sont attendris. Équilibre harmonieux de la forme et de la pensée: Bonheur conjugal a la perfection d'une œuvre racinienne.

Le mariage, dont Tolstoï pressentait avec une clarté profonde la douceur et les troubles, devait être son salut. Il était las, malade, dégoûté de lui et de ses efforts. Aux succès éclatants qui avaient accueilli ses premières œuvres avait succédé le silence complet de la critique[96] et l'indifférence du public. Hautainement, il affectait de s'en réjouir.

Ma réputation a beaucoup perdu de sa popularité, qui m'attristait. Maintenant, je suis tranquille, je sais que j'ai à dire quelque chose et que j'ai la force de le dire très haut. Quant au public, qu'il pense ce qu'il voudra! [97]

Mais il se vantait: de son art, lui-même n'était pas sûr. Sans doute, il était maître de son instrument littéraire; mais il ne savait qu'en faire. Comme il le disait, à propos de Polikouchka, «c'était un bavardage sur le premier sujet venu, par un homme qui sait tenir sa plume[98]». Ses œuvres sociales avortaient. En 1862, il démissionna de sa charge d'arbitre territorial. La même année, la police vint perquisitionner à Iasnaïa Poliana, bouleversa tout, ferma l'école. Tolstoï était alors absent, surmené; il craignait la phtisie.

Les querelles d'arbitrage m'étaient devenues si pénibles, le travail de l'école si vague, mes doutes qui provenaient du désir d'instruire les autres en cachant mon ignorance de ce qu'il fallait enseigner m'étaient si écœurants que je tombai malade. Peut-être serais-je arrivé alors au désespoir où je faillis succomber quinze ans plus tard, s'il n'y avait pas eu pour moi un côté inconnu de la vie qui me promettait le salut: c'était la vie de famille[99].



Il en jouit d'abord, avec la passion qu'il mettait à tout[100]. L'influence personnelle de la comtesse Tolstoï fut précieuse pour l'art. Bien douée littérairement[101], elle était, ainsi qu'elle le dit, «une vraie femme d'écrivain», tant elle prenait à cœur l'œuvre de son mari. Elle travaillait avec lui, écrivait sous sa dictée, recopiait ses brouillons[102]. Elle tâchait de le défendre contre son démon religieux, ce redoutable esprit qui soufflait déjà, par moments, la mort de l'art. Elle tâchait que sa porte fût close aux utopies sociales[103]. Elle réchauffait en lui le génie créateur. Elle fit plus: elle apporta à ce génie la richesse nouvelle de son âme féminine. A part de jolies silhouettes dans Enfance et Adolescence, la femme est à peu près absente des premières œuvres de Tolstoï, ou elle reste au second plan. Elle apparaît dans Bonheur conjugal, écrit sous l'influence de l'amour pour Sophie Behrs. Dans les œuvres qui suivent, les types de jeunes filles et de femmes abondent et ont une vie intense, supérieure même à celle des hommes. On aime à croire que la comtesse Tolstoï a non seulement servi de modèle à son mari pour Natacha, dans Guerre et Paix[104], et pour Kitty, dans Anna Karénine, mais que, par ses confidences et sa vision propre, elle put lui être une précieuse et discrète collaboratrice. Certaines pages d'Anna Karénine[105] me semblent déceler une main de femme.

Grâce au bienfait de cette union, Tolstoï goûta, pendant dix ou quinze ans, une paix et une sécurité qui lui étaient depuis longtemps inconnues[106]. Alors il put, sous l'aile de l'amour, rêver et réaliser à loisir les chefs-d'œuvre de sa pensée, monuments colossaux qui dominent tout le roman du XIXe siècle: Guerre et Paix (1864-1869) et Anna Karénine (1873-1877).

Guerre et Paix est la plus vaste épopée de notre temps, une Iliade moderne. Un monde de figures et de passions s'y agite. Sur cet Océan humain aux flots innombrables plane une âme souveraine, qui soulève et refrène les tempêtes avec sérénité. Plus d'une fois, en contemplant cette œuvre, j'ai pensé à Homère et à Gœthe, malgré les différences énormes et d'esprit et de temps. Depuis, j'ai vu qu'en effet, à l'époque où il y travaillait, la pensée de Tolstoï se nourrissait d'Homère et de Gœthe[107]. Bien plus, dans des notes de 1865 où il classe les divers genres littéraires, il inscrit comme étant de la même famille: «Odyssée, Iliade, 1805[108]...» Le mouvement naturel de son esprit l'entraînait du roman des destinées individuelles au roman des armées et des peuples, des grands troupeaux humains où se fondent les volontés des millions d'êtres. Ses tragiques expériences du siège de Sébastopol l'acheminaient à comprendre l'âme de la nation russe et sa vie séculaire. L'immense Guerre et Paix ne devait être, dans ses projets, que le panneau central d'une série de fresques épiques, où se déroulerait le poème de la Russie, de Pierre le Grand aux Décembristes[109].

Il faut, pour bien sentir la puissance de l'œuvre, se rendre compte de son unité cachée[110]. La plupart des lecteurs français, un peu myopes, n'en voient que les milliers de détails, dont la profusion les émerveille et les déroute. Ils sont perdus dans cette forêt de vie. Il faut s'élever au-dessus et embrasser du regard l'horizon libre, le cercle des bois et des champs; alors on percevra l'esprit homérique de l'œuvre, le calme des lois éternelles; le rythme imposant du souffle du destin, le sentiment de l'ensemble auquel tous les détails sont liés, et, dominant son œuvre, le génie de l'artiste, comme le Dieu de la Genèse qui flotte sur les eaux.

D'abord, la mer immobile. La paix, la société russe à la veille de la guerre. Les cent premières pages reflètent, avec une exactitude impassible et une ironie supérieure, le néant des âmes mondaines. Vers la centième page seulement, s'élève le cri d'un de ces morts vivants,—le pire d'entre eux, le prince Basile:

Nous péchons, nous trompons, et tout cela pourquoi? J'ai dépassé la cinquantaine, mon ami... Tout finit par la mort... La mort, quelle terreur!

Parmi ces âmes fades, menteuses et désœuvrées, capables de toutes les aberrations et des crimes, s'esquissent certaines natures plus saines:—les sincères, par naïveté maladroite comme Pierre Besoukhov, par indépendance foncière, par sentiment vieux-russe, comme Marie Dmitrievna, par fraîcheur juvénile, comme les petits Rostov;—les âmes bonnes et résignées, comme la princesse Marie;—et celles qui ne sont pas bonnes, mais fières, et que tourmente cette existence malsaine, comme le prince André.

Mais voici le premier frémissement des flots. L'action. L'armée russe en Autriche. La fatalité règne, nulle part plus dominatrice que dans le déchaînement des forces élémentaires,—dans la guerre. Les véritables chefs sont ceux qui ne cherchent pas à diriger, mais, comme Koutouzov ou comme Bagration, à «laisser croire que leurs intentions personnelles sont en parfait accord avec ce qui est en réalité le simple effet de la force des circonstances, de la volonté des subordonnés et des caprices du hasard». Bienfait de s'abandonner à la main du Destin! Bonheur de l'action pure, état normal et sain. Les esprits troublés retrouvent leur équilibre. Le prince André respire, commence à vivre.... Et tandis que là-bas, loin du souffle vivifiant de ces tempêtes sacrées, les deux âmes les meilleures, Pierre et la princesse Marie, sont menacées par la contagion de leur monde, par le mensonge d'amour, André, blessé à Austerlitz, a soudain, au milieu de l'ivresse de l'action, brutalement rompue, la révélation de l'immensité sereine. Étendu sur le dos, «il ne voit plus rien que très haut au-dessus de lui un ciel infini, profond, où voguaient mollement de légers nuages grisâtres».

Vie de Tolstoï

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