Читать книгу Gulliver ressuscité, ou les Voyages, campagnes et aventures extraordinaires du Baron de Munikhouson - Rudolf Erich Raspe - Страница 3
PRÉFACE.
ОглавлениеPARMI les Écrivains qui s’amusent à faire imprimer des mensonges, on ne peut refuser aux Voyageurs un rang très-distingué: la manie de passer pour un homme extraordinaire, pour avoir vu ce que d’autres n’ont pas rencontré, est un travers de l’esprit, que l’amour-propre tourne à son avantage. On ne peut guères attaquer, que par le ridicule, un égarement de cette espèce. L’orgueil est une passion d’enfans; les punitions de l’enfance sont les seules qui lui conviennent; la soumettre à la censure, grave &sérieuse, ce serait la traiter avec une importance dont elle n’est pas digne.
Tout le monde connaît cette anecdote d’un Voyageur, qui prétendait avoir vu à la Chine «un choux à l’ombre duquel un Régiment de Cavalerie pouvait se ranger. J’ai vu, dit un témoin de ce récit j’ai vu au Japon trois cents Cavaliers manœuvrer dans une marmite.–A quoi pouvait servir cette marmite, dit le premier conteur?–A cuire votre choux, lui répondit l’autre».
L’Auteur du Gulliver ressuscité, travaille à-peu-près dans ce genre; il a voulu faire le procès aux imposteurs de profession, soit Voyageurs, Conteurs de société,& autres qui composent cette innombrable tribu.
Le Baron de Munikhouson, principal personnage de cette histoire, grand parleur, est un peu ivrogne en même temps; à mesure que sa bouteille se vuide, sa tête se remplit d’idées singulières: on distingue, à chaque trait, les effets progressifs du vin sur son imagination,& l’on peut mesurer, aux extravagances de son récit, les gradations de l’ivresse.
Trois éditions, dans un espace de temps très-court, ont assuré le succès de cet ouvrage en Angleterre. Si le peuple penseur s’en est amusé, il est naturel de croire qu’il ne déplaira pas à la Nation, dont la gaieté est presque le caractère distinctif.