Читать книгу Les malheurs de Sophie - Sophie De Ségur - Страница 8
ОглавлениеMADAME DE RÉAN.
Si ta bonne ne m’avait pas assuré que tu étais restée avec elle dans ta chambre depuis que tu m’as quittée, j’aurais pensé que c’est toi qui les as fait mourir; tous les domestiques disent que ce n’est aucun d’eux. Mais je crois que le domestique Simon, qui était chargé de changer tous les matins l’eau et le sable de la cuvette, a voulu se débarrasser de cet ennui, et qu’il a tué mes pauvres poissons pour ne plus avoir à les soigner. Aussi, je le renverrai demain.
SOPHIE, effrayée.
Oh! maman, ce pauvre homme! Que deviendra-t-il avec sa femme et ses enfants?
MADAME DE RÉAN.
Tant pis pour lui; il ne devait pas tuer mes petits poissons, qui ne lui avaient fait aucun mal, et qu’il a fait souffrir en les coupant en morceaux.
SOPHIE.
Mais ce n’est pas lui, maman! Je vous assure que ce n’est pas lui.
MADAME DE RÉAN.
Gomment sais-tu que ce n’est pas lui? moi je crois que c’est lui, que ce ne peut être que lui, et dès demain je le ferai partir.
SOPHIE, pleurant et joignant les mains.
Oh! non, maman, ne le faites pas. C’est moi qui ai pris les petits poissons et qui les ai tués.
MADAME DE RÉAN, avec surprise.
Toi!. quelle folie! Toi qui aimais ces petits poissons, tu ne les aurais pas fait souffrir et mourir! Je vois bien que tu dis cela pour excuser Simon.
SOPHIE.
Non, maman, je vous assure que c’est moi; oui, c’est moi, je ne voulais pas les tuer, je voulais seulement les saler, et je croyais que le sel ne leur ferait pas de mal. Je ne croyais pas non plus que de les couper leur fît mal, parce qu’ils ne criaient pas. Mais quand je les ai vus morts, je les ai reportés dans leur cuvette, sans que ma bonne qui travaillait m’ait vu sortir ni rentrer.»
Mme de Réan resta quelques instants si étonnée de l’aveu de Sophie qu’elle ne répondit pas. Sophie leva timidement les yeux et vit ceux de sa mère fixés sur elle, mais sans colère ni sévérité.
«Sophie, dit enfin Mme de Réan, si j’avais appris par hasard, c’est-à-dire par la permission de Dieu qui punit toujours les méchants, ce que tu viens de me raconter, je t’aurais punie sans pitié et avec sévérité. Mais le bon sentiment qui t’a fait avouer ta faute pour excuser Simon, te vaudra ton pardon. Je ne te ferai donc pas de reproches, car je suis bien sûre que tu sens combien tu as été cruelle pour ces pauvres petits poissons en ne réfléchissant pas d’abord que le sel devait les tuer, ensuite qu’il est impossible de couper et de tuer n’importe quelle bête sans qu’elle souffre.»
Et voyant que Sophie pleurait, elle ajouta:
«Ne pleure pas, Sophie, et n’oublie pas qu’avouer tes fautes, c’est te les faire pardonner.»
Sophie essuya ses yeux, elle remercia sa maman, mais elle resta toute la journée un peu triste d’avoir causé la mort de ses petits amis les poissons.