Читать книгу Si Tu Pouvais Lire Dans Mes Pensées - Un Roman De Nicholas Turner - T. M. Bilderback - Страница 7

Chapitre 1

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- C’est quoi c’bordel ? pensa Nicholas Turner

Quelque chose l’avait visiblement réveillé, car ses yeux étaient rivés au plafond. Ça avait besoin d’un coup de peinture. Ça faisait un moment que le plafond avait besoin d’être peint, mais si ça l’attendait lui pour le faire, ça pouvait attendre longtemps. Sa vie craignait déjà assez sans en plus y ajouter de la peinture, et les couleurs vives ne correspondaient pas à ses humeurs du moment. D’un autre côté, la poussière, les toiles d’araignées et les tâches d’humidité correspondaient à ses humeurs, donc bon.

Il était allongé sur le dos, dans la même position que quand il s’était évanoui. Au moins il ne s’était pas renversé de bourbon sur lui, vu que la bouteille était vide quand il s’était effondré.

Il aurait dit que le 3e régiment d’infanterie défilait dans sa tête.

- Pourquoi je fais ça ? se demanda-t-il. Je sais comment je me sens après, alors pourquoi je le fais ?

Bien sûr, il connaissait la réponse. Et les souleries avaient été peu nombreuses ces derniers temps, c’était donc que cela devenait moins douloureux.

Boooon...

Douze ans plus tôt, Nicholas Turner était flic, un bon flic. Il venait d’être promu inspecteur, le plus jeune à avoir été promu si rapidement, et une carrière prometteuse lui tendait les bras. Il était marié à Jane, l’amour de sa vie, depuis un an et demi, et il était le roi du monde.

Deux mois après sa promotion, il était rentré chez lui et avait trouvé des bougies sur la table du salon, et Jane mitonnant son plat préféré dans la cuisine, avec un sourire aux lèvres.

- Qu’est-ce qu’il se passe, ma belle ? demanda-t-il, s’approchant d’elle par derrière et frottant son nez contre sa nuque. Tu as encore mis le compte chèque dans le rouge ?

Elle se tourna vers lui et le repoussa.

- Tu verras bien, Monsieur l’Inspecteur. Maintenant, va te changer et te laver avant le dîner.

Après avoir mangé, Nicholas reposa sa serviette.

- Bon, qu’est-ce qu’il se passe ?

Jane lui sourit.

- Tu en dis quoi d’être papa ?

- Et bien, on en a déjà parlé et...

Il réalisa alors.

- Tu es enceinte ?

Elle acquiesça en souriant.

Il ne pouvait se défaire du large sourire sur son visage. Il s’approcha d’elle, la prit dans ses bras et l’embrassa. Puis, il l’étreignit pendant une minute et l’embrassa de nouveau. Il eut une idée malicieuse.

D’un air faussement sérieux, il la regarda dans les yeux et demanda :

- Tu es sûre qu’il est de moi ?

Elle lui jeta sa serviette à la figure.

Plus tard, au lit, il lui demanda depuis combien de temps elle était enceinte.

- Le docteur dit que ça fait plus ou moins deux mois. Ça ne nous donne que sept mois pour transformer la chambre d’ami en chambre pour enfant.

Les quatre mois suivants furent les plus heureux dans leurs deux vies. Ils arrangèrent la chambre d’enfant du mieux qu’ils purent sans connaître le sexe du bébé. Ils sécurisèrent la maison. Ils l’annoncèrent à leurs parents respectifs et à Mélissa, la sœur de Nicholas. Ils demandèrent au meilleur ami de Nicholas, Marcus Moore, qui était parti au FBI après que lui et Nicholas aient fini leurs études, d’être le parrain. Ils choisirent des prénoms, Stephen Nicholas si c’était un garçon et Madeline Louise si c’était une fille.

Durant la deuxième semaine de son sixième mois de grossesse, Jane fit une fausse-couche. Nicholas était de service et eut le message alors qu’il travaillait. Quand il arriva à l’hôpital, la fausse-couche était déjà terminée. Le docteur vint le trouver dans la salle d’attente avec d’autres mauvaises nouvelles.

Le bébé n’aurait pas survécu même s’il était né à terme. Jane avait un cancer ovarien à souche virulente qui progressait rapidement. Elle ne quitterait pas l’hôpital. Elle mourut trois semaines plus tard.

Nicholas était dévasté. Après les funérailles, Mélissa voulut qu’il passe quelques jours chez elle, mais il refusa. Marcus offrit de rester avec Nicholas pendant quelque temps, mais il refusa aussi. Il rentra chez lui seul.

Une fois à la maison, il se dirigea vers le placard où étaient rangées les bouteilles d’alcool, en sortit celle de Jack Daniels et alla dans la chambre d’enfant. Il s’assied dans le fauteuil à bascule qui ne bercerait jamais son enfant, à côté du berceau qui ne serait jamais utilisé, et se soûla jusqu’à tomber inconscient, les larmes coulant sur ses joues. Il resta ainsi durant trois jours, ivre et en pleurs, alternant entre la chambre d’enfant et ce qui avait été sa chambre et celle de Jane.

Le quatrième jour, ressentant encore les effets de ses souleries, il retourna au travail. Chaque policier lui présenta ses condoléances. Il les remercia tous puis s’installa à son bureau. Tandis qu’il passait en revue ses dossiers, il prenait de temps en temps une gorgée de la flasque qu’il avait apporté de chez lui. De temps à autre, il écrivait quelque chose dans l’un des dossiers ou passait un appel de relance.

Beaucoup des policiers avec qui il travaillait remarquèrent ce qu’il faisait... mais tout le monde pensait que Nicholas passerait vite à autre chose.

Après une semaine derrière son bureau, il fut appelé sur une affaire. Deux agents de police avaient répondu à un appel pour violence domestique, et il avait été désigné pour mener l’enquête. Quand il arriva sur les lieux, une jeune femme avait été sévèrement frappée par son petit ami, avec qui elle habitait. Son fils de six mois avait aussi deux gros hématomes sur le visage.

La femme raconta à Nicholas que son petit ami était le père de l’enfant. Il s’était soûlé et était devenu de plus en plus agressif au fur et à mesure qu’il buvait. Quand leur fils s’était réveillé de sa sieste et avait commencé à pleurer, le petit ami avait frappé le garçon deux fois avant qu’elle ne puisse intervenir. Quand elle s’était interposée, il avait commencé à la frapper. Puis il était parti.

Nicholas lui demanda où il aurait pu aller. La femme indiqua un bar du quartier et lui donna une description de l’homme.

Il ordonna à l’un des policiers de rester avec la femme et de l’emmener où elle le souhaitait, et prit l’autre policier avec lui pour aller au bar.

Le petit ami était assis au comptoir, en train de boire. Nicholas se dirigea vers lui, lui montra son badge et lui déclara qu’il était en état d’arrestation. Tandis qu’il menottait l’homme, il lui lut ses droits. L’homme avait un sourire narquois.

- Cette pute a eu ce qu’elle méritait, lança-t-il.

Nicholas et le policier l’escortèrent en dehors du bar.

- J’aurais dû la frapper encore plus, relança-t-il tandis qu’il était escorté. Cette connasse va comprendre qui porte la culotte à la maison. J’aurais dû noyer ce petit merdeux quand il est né. Lui et sa pute de mère !

Durant cette tirade, Nicholas ne fit aucun commentaire. Mais au lieu d’emmener l’homme à la voiture de patrouille, il le dirigea vers la ruelle à côté du bar.

- Où est-ce que tu m’emmènes, putain de flic ? demanda l’homme.

Nicholas le plaqua de toutes ses forces contre le mur de briques du bar, interrompant l’homme en plein milieu de sa phrase. Puis il lui mit des coups de poing, encore et encore, alternant entre le visage, l’estomac et les reins. Il s’arrêta seulement quand l’autre policier l’éloigna. L’homme s’effondra par terre, inconscient, saignant abondamment.

L’entrevue avec le chef des inspecteurs fut brève.

- Turner, vous avez de la chance. L’agent de police a appuyé votre histoire comme quoi l’homme résistait violemment à son arrestation, donc c’est du deux contre un. Mais je ne peux pas tolérer ce genre de comportement chez mes inspecteurs.

Le chef enleva ses lunettes et regarda Nicholas.

- Mais vous et moi savons que les circonstances de l’affaire vous ont mises en colère à cause de votre tragédie personnelle. Bon Dieu, Turner, vous l’avez presque tué !

Il fit une pause.

- Ce que je vais vous dire, c’est de vous à moi, de manière officieuse. Je ne vous en veux pas pour ce que vous avez fait. Ce type est un connard et il a eu ce qu’il méritait. Et ce que je dois vous donner comme sanction va à l’encontre de tous mes principes, mais comprenez que je n’ai pas le choix, ça vient d’en haut.

Il remit ses lunettes et regarda Nicholas.

- Inspecteur Turner, rendez-moi votre plaque et votre arme sur le champ. Vous pouvez démissionner ou être renvoyé, mais à partir de maintenant, vous n’êtes plus un membre des forces de police.

Nicholas choisit de démissionner.

Après avoir quitté le QG, il s’arrêta au magasin de spiritueux et commença doucement à essayer de se soûler à mort.

Sans revenus, avec des économies réduites par les dépenses médicales et funéraires, et avec un esprit embrumé par l’alcool, Nicholas oublia de rembourser le prêt immobilier et perdit la maison.

Il atterrit sur le pas de la porte de sa sœur avec deux valises et un carton rempli des peu d’affaires personnelles auxquelles il tenait. Mélissa le fit entrer, mais être logé avait un prix.

- Nicky, je suis inquiète pour toi, lui dit-elle tandis qu’il s’asseyait à la table de la cuisine. Je veux que mon frère revienne. J’ai parlé à papa et maman, et aussi à Marcus. Papa et maman sont vraiment inquiets, et Marcus a proposé de te mettre un peu de plomb dans la cervelle. Tu ne peux pas continuer comme ça. Tu ne récupéreras pas Jane et le bébé en te tuant. Ils ne reviendront pas. Tout ce que tu fais maintenant, c’est nous blesser, nous.

Nicholas baissa la tête. Il ne fit aucun commentaire, mais Mélissa voyait bien que ses mots l’affectaient.

- Marcus a fait deux suggestions, reprit-elle. Avec ton passé dans la police, il pense qu’il peut te faire rentrer dans une nouvelle entreprise de sécurité engagée par le gouvernement, je crois que ça s’appelle Justice Security. Il dit que le patron, Joey Justice, est un type bien et qu’il sait ce qu’il fait. Son autre suggestion est que tu travailles à ton compte en tant que détective privé. Si c’est le cas, Marcus dit que tu travailleras uniquement pour toi-même, et seulement sur les affaires que tu veux traiter. Il pense pouvoir t’envoyer un peu de travail si tu choisis cette option.

Nicholas ne dit rien, mais des larmes coulaient le long de ses joues. Mélissa lui prit la main.

- Nicky, je t’aime. Peu importe ce que tu choisis, tu peux rester ici avec moi jusqu’à retomber sur tes pieds. Mais, Nicky, il faut que tu choisisses de vivre ! Je ne veux pas te perdre, et ça me fait mal de te voir comme ça.

- Je t’aime aussi, Mel, répondit-il.

Il la serra fort contre lui et commença à pleurer dans ses cheveux. Elle lui rendit son étreinte et ils restèrent ainsi pendant un petit moment.

Nicholas prit deux jours pour réfléchir à ses options. Il discuta avec Marcus et celui-ci lui arrangea un entretien avec Joey Justice. Le travail dont parlait Justice était un job de débutant.

- Mais seulement jusqu’à ce que vous me montriez que vous pouvez être digne de confiance pour plus de responsabilités, lui dit Justice. Je ne peux pas vous donner une affaire de haut niveau jusqu’à ce que je sois convaincu que vous ne craquerez pas sous la pression. Certains de nos clients demandent quelqu’un qui peut supporter de hauts niveaux de stress, et qui se contrôle en permanence. Ce n’est pas personnel, Mr. Turner. Je vous confierais ma vie, et mon entreprise. Mais jusqu’à ce que vous me montriez que vous pouvez gérer, vos missions seront extrêmement basiques.

Nicholas apprécia l’homme, mais sa fierté ne le laissait pas accepter un travail pour débutant, même si le salaire était deux fois plus élevé que celui qu’il se faisait en étant policier. Il voulait être son propre patron, même si les perspectives de revenus étaient limitées à la clientèle qu’il pourrait attirer.

Il devint alors détective privé. Il trouva un bureau et le meubla avec l’aide de Mélissa.

Marcus tint parole. Il aida Nicholas à passer un contrat avec le FBI pour réaliser des vérifications d’antécédents non classifiés. Nicholas fut engagé par deux compagnies d’assurance pour enquêter sur des déclarations douteuses. Au fil des années, il fut aussi amené à seconder plusieurs enquêtes de police... et deux d’entre elles étaient de haut vol, impliquant des enfants disparus. Joey Justice l’appela et lui offrit un poste mieux placé dans l’entreprise de sécurité. Nicholas refusa poliment l’offre.

Il déménagea son bureau dans un plus grand bâtiment, et l’endroit avait une pièce située au fond, équipée d’une salle d’eau, d’une kitchenette et de beaucoup d’espace pour les meubles. Il décida d’y vivre plutôt que de louer un appartement ou d’essayer d’acheter une autre maison. Il pensa qu’il payait déjà le loyer pour le bureau et que cela lui ferait économiser de l’argent. Pour lui, la meilleure chose concernant ce nouveau bureau, bien qu’il ne l’ait dit ni à Mélissa ni à Marcus, était le verre dépoli sur la porte du bureau. Il l’aimait car cela lui donnait l’impression d’être dans un film noir des années 40. Humphrey Bogart n’avait qu’à bien se tenir. Il paya deux cents dollars pour que son nom soit peint discrètement sur le verre.

Il avait du succès en tant que détective privé.

Il se soûlait aussi toutes les semaines.

Ces souleries étaient supposées l’aider à oublier Jane et le bébé, mais elles étaient en réalité faites pour se souvenir. Quelque chose lui revenait à l’esprit pour lui rappeler, et cela déclenchait la soûlerie. Il se sentait comme s’il avait un énorme trou dans le cœur qui ne pourrait jamais être rempli, et les souleries ne le faisaient jamais se sentir mieux.

Cependant, avec le temps, il remarqua que parfois, les souvenirs n’entraînaient pas de soûlerie. Elles s’espacèrent de deux semaines, puis de deux autres, puis, finalement, juste occasionnellement... généralement quand une affaire impliquait des violences familiales graves. Il ne comprendrait jamais la mentalité des personnes qui pouvaient maltraiter ceux qui les aimaient.

L’affaire qu’il venait de terminer impliquait l’enlèvement d’un enfant par un parent n’ayant pas la garde. Le père avait enlevé sa fille de cinq ans et était parti dans un autre État. Puisque le père avait franchi la frontière de l’État, le FBI avait été appelé et Marcus avait été l’agent en charge de l’affaire. Quand Nicholas avait traqué le père, il avait appelé Marcus. Mais, avant que celui-ci ne puisse arriver, le père, utilisant l’enfant comme bouclier, avait accidentellement tiré sur la petite fille. Nicholas avait accouru dans la maison, avait tiré sur le père trois fois et avait emmené la fillette à l’hôpital le plus proche. Elle avait survécu, mais ce n’était pas passé loin.

Quand Nicholas était rentré chez lui la veille, il avait commencé à boire.

Mais bon Dieu, qu’est ce qui l’avait réveillé ?

Nicholas regarda autour de lui, encore à moitié endormi. Une petite fille se tenait dans l’encadrement de la porte qui menait à la zone dédiée au bureau.

Elle devait avoir dix ans, portait un jean, une blouse sans manches rose et des tennis aux pieds. Ses cheveux étaient bruns et lui arrivaient aux épaules, et elle avait des yeux bleus ornant un visage vraiment mignon. Elle lui sourit, le salua de la main et pointa un doigt vers le bureau.

- Salut ma grande, dit Nicholas. Comment tu es entrée ? C’est quoi ton nom ?

Elle ne répondit rien, mais pointa encore une fois son doigt vers le bureau.

- D’accord ma grande, donne-moi juste une minute, dit-il.

Il passa sa main sur son visage puis s’assied. Mais quand il regarda en direction de la petite fille, elle était partie.

- Hé ?

Il se leva et se dirigea vers le bureau.

- Où est-ce que tu es partie, ma belle ? Où sont tes parents ?

Quand il atteignit le bureau, la petite fille n’y était pas. Il regarda sous le bureau, à côté des armoires à classeurs, même derrière le ficus, mais elle était partie. Il vérifia la porte du bureau, mais elle était fermée, et la serrure avait besoin d’une clé pour être déverrouillée.

- C’est quoi ce joyeux bordel ? marmonna-t-il dans sa barbe.

La fillette avait tout simplement disparu.

Il resta là, au milieu du bureau, les mains sur les hanches, se demandant si l’alcool lui avait finalement donné des visions, quand quelqu’un frappa à la porte du bureau. Cela le surprit tellement qu’il mit sa main à sa hanche en quête de l’arme qui y était habituellement. Il se reprit et ricana. Ça devait être la petite fille.

Tandis qu’il déverrouillait et ouvrait la porte, il dit :

- Je me demandais où tu étais....

Il s’arrêta, car ce n’était pas la fillette. C’était une femme, et Nicholas pensa qu’elle était une des plus belles femmes qu’il n’ait jamais vues. Elle devait faire un mètre cinquante-cinq, avec de longs cheveux blonds et de grands yeux marron. Elle était mince mais pas maigre. Ses yeux étaient bouffis, soit d’avoir trop pleuré soit de n’avoir pas assez dormi, et elle avait des lèvres pleines et bien dessinées. Il devina qu’elle devait avoir près de trente ans.

- Pardon ? demanda la femme.

- Excusez-moi, répondit-il. Je me parlais à moi-même. Mauvaise habitude. Je vous en prie, entrez, madame... ?

- Richardson. Meredith Richardson.

Elle entra dans le bureau.

- Je cherche Nicholas Turner.

- C’est moi. Ou ce qu’il en reste. Excusez mon apparence. J’ai bouclé une affaire hier soir et je me suis couché tard.

Il ferma la porte et guida la femme vers la chaise destinée aux clients, près du bureau.

- L’affaire impliquait une fabrique de whisky, Mr. Turner ?

Il grimaça à la remarque.

- C’était une affaire compliquée et j’avais vraiment besoin de décompresser. Je n’ai pas eu le temps de me doucher, et je m’en excuse.

Elle le regarda dans les yeux et hocha de la tête.

- Compris. Un agent du FBI qui vous connaît vous a recommandé à moi. Il s’appelle Marcus Moore. Il a dit que vous pourriez être... indisposé... ce matin. Je vois qu’il avait raison.

- Oui, m’dame. Marcus est mon meilleur ami. Il me connaît bien.

- Savez-vous qui je suis, Mr. Turner ? Avez-vous par hasard entendu mon histoire dans les journaux télévisés du soir, ou l’avez-vous lu dans les journaux locaux ?

- Je ne peux pas le dire. J’ai été en déplacement hors de la ville durant les derniers jours, et je n’ai pas rattrapé les nouvelles locales.

Meredith prit une grande inspiration.

- Il y a trois jours, ma fille rentrait chez nous depuis chez une amie. L’amie en question habite à trois portes de la nôtre, dans un quartier tranquille. Elle a été enlevée, en pleine journée, entre leur maison et la mienne.

Nicholas hocha de la tête.

- Continuez.

- Quand j’ai appelé la police, ils ont déclenché une Alerte Enlèvement, mais sans aucun résultat. Il y a eu plusieurs faux repérages, mais rien menant à des pistes sérieuses. J’ai téléphoné au FBI hier soir en leur demandant s’ils pouvaient aider. L’agent Moore est venu chez moi et a dit que puisqu’il existe la possibilité que ma fille ait franchi la frontière de l’État après un si grand laps de temps, le FBI reprenait l’affaire.

- Attendez, vous avez appelé le FBI ? Pas la police ?

- Oui. C’est un problème ?

- Non, c’est juste inhabituel. Normalement, dans un enlèvement d’enfant, le FBI est informé immédiatement par la police.

Meredith secoua la tête.

- Je ne sais pas, Mr Turner. Tout ce que je sais, c’est que je veux que ma fille revienne, et que je demanderai toute l’aide que je peux avoir. Émotionnellement parlant, je suis une épave depuis qu’elle a disparu et je sentais que la police ne faisait rien pour la retrouver. L’agent Moore a dit que vous aviez beaucoup de réussite dans les affaires comme la mienne. Il a déclaré que vous aviez un sixième sens quand il s’agissait de retrouver des enfants disparus. Il a aussi dit que vu que vous étiez un détective privé, vous aviez un avantage que les policiers n’avaient pas, car vous n’avez pas à être à cheval sur le droit constitutionnel.

- Madame Richardson, je ne me connais pas de sixième sens, mais j’ai été vraiment chanceux. J’ai même enfreint quelques lois dans certaines affaires. Je tiens vraiment aux enfants, et je pense que peu importe ce que je peux faire pour les aider, c’est un petit prix à payer.

Elle regarda son sac à main.

- Monsieur Turner, ma fille n’a que neuf ans. Elle est soit seule soit avec des étrangers qui lui veulent du mal. Elle a peur, elle est seule et perdue, et j’ai peur pour elle.

Une larme roula sur sa joue.

- Je vous paierais ce que vous voulez. S’il vous plaît, aidez-moi à retrouver ma fille.

Tandis que Nicholas lui tendait une boite de mouchoirs par-dessus le bureau, il repensa à sa petite visiteuse de ce matin.

- Avez-vous une photographie de votre fille ?

- Bien sûr.

Elle ouvrit son sac à main, en sortit une photo et la tendit par-dessus le bureau.

- Elle a été prise il y a deux semaines quand Karen et moi étions au parc.

La photographie montrait un gros plan d’une petite fille assise sur une balançoire, regardant l’appareil photo par-dessus son épaule droite. Elle était blonde comme sa mère, avec des yeux verts. Elle était très jolie, avec un visage presque elfique. Elle ne ressemblait en rien à la fillette qui était dans le bureau, et il en fut soulagé. Il ne pouvait pas l’expliquer, mais il espérait que le soulagement ne s’était pas vu sur son visage. À l’heure actuelle, il devait se concentrer sur l’affaire et pas sur ses hallucinations.

- Je peux la garder ?

Meredith acquiesça.

- Ça veut dire que vous allez m’aider, monsieur Turner ?

- Probablement, mais j’ai plusieurs questions, et nous allons devoir discuter de mes tarifs.

- L’argent ne devrait pas être un problème. Je ne suis pas vraiment riche, mais je pourrais payer une somme raisonnable.

Nicholas hocha la tête et sortir un carnet et un stylo.

- Dites m’en plus sur le père de votre fille.

- Mon mari est décédé il y a cinq ans. Et ma fille s’appelle Karen, Monsieur Turner.

Il sourit.

- Karen, c’est ça. Que portait-elle quand elle a disparu ?

- Un jean, un T-shirt blanc et des Reeboks roses. Et une veste bleue, aussi.

Il prit des notes.

- À quelle heure a-t-elle disparu ?

- Entre trois heures et trois heures et demi samedi après-midi.

- Étiez-vous chez vous ou au travail ?

- Je suis une artiste modérément accomplie et je travaille chez moi.

- Quel genre d’artiste ?

- Je peins et je suis engagée par des agences pour fournir des illustrations pour des publicités. Je peins aussi des portraits pour des clients, et je peins différents sujets pour mon propre plaisir.

- Rencontrez-vous vos clients chez vous ou autre part ?

- Les deux.

- Alors je vais avoir besoin d’une liste de vos clients qui remonte à au moins un an.

- Pourquoi avez-vous besoin de cela ?

- À cette heure, Madame Richardson, tout le monde est suspect. Votre fille a pu être enlevée par l’un de vos clients, actuel ou passé, soit pour de l’argent soit pour d’autres raisons.

- Vous insinuez que l’un de mes clients pourrait être un pédophile ?

- Je ne sais pas. C’est une possibilité, car le monde est rempli de gens malades. Je comprends que la probabilité que le kidnappeur soit l’un de vos clients est mince, mais je ne peux pas écarter cette possibilité. Cela inclura des questions très intrusives, pour vous et pour les personnes que vous connaissez de manière professionnelle ou privée. Il n’y a tout simplement pas d’autre moyen d’enquêter sur une affaire comme celle-ci. Je préfère écraser quelques orteils plutôt que de voir cette enfant blessée. J’espère que vous comprenez, car je ne peux pas enquêter d’une autre manière.

Elle y réfléchit pendant un moment.

- Vous avez raison, bien sûr. Je vous transmettrais la liste cet après-midi. Excusez-moi, Monsieur Turner. Je ne pense pas de manière cohérente en ce moment.

Nicholas lui sourit.

- Vous tenez mieux que la plupart de mes clients, Madame Richardson. J’apprécie votre force, car cela me sera d’une grande aide.

Il regarda ses notes.

- Bon, on retourne aux questions. Vous avez un petit ami ?

- Non. Ça fait longtemps que je n’ai pas eu de rendez-vous galant, près d’un an. Les hommes ont tendance à se désintéresser quand ils découvrent que j’ai un enfant.

- Pas tous. Et vos liens sociaux ? Des amis, des connaissances ?

- J’ai deux amies proches. Elles me soutiennent énormément. À part elles, je ne fréquente personne. Je n’ai pas le temps. Être mère célibataire est plus épuisant que la plupart des gens ne le pensent.

- Je comprends. Je lirai les rapports de police plus tard, bien sûr, mais est-ce qu’un de vos voisins a remarqué quelque chose quand votre fille a disparu ?

- Non, rien. Notre voisinage est très calme. La plupart vivent ici depuis des années et la police patrouille assez régulièrement dans la zone.

Nicholas consulta ses notes.

- Bien, ce sont toutes les questions que j’ai pour le moment.

Il ouvrit un tiroir du bureau et en sortit des papiers.

- C’est un contrat standard pour mes services. Je facture deux cent cinquante dollars la journée plus les dépenses. Une fois que j’ai pris l’affaire, j’enquête moi-même, et je vous fais un compte-rendu quand j’ai quelque chose à rapporter. Je ne tolère pas que mes clients interfèrent dans mon enquête. J’ai déjà mis fin à des contrats à cause de cela, car dans les affaires d’enfants comme celle-ci, je m’emploie à toujours faire passer les intérêts de l’enfant en premier. Ça ne rend pas toujours le client très content, car je m’en fiche de qui je gêne ou de qui j’énerve. Bien sûr, si cela ne convient pas au client, ils peuvent me renvoyer, et je soumets alors une facture pour le temps que j’ai passé sur l’affaire. J’exige aussi une procuration de la part du client, qui me donne le pouvoir de prendre des décisions pour la protection de l’enfant. Je le fais pour la même raison, car parfois certaines décisions peuvent être difficiles à prendre pour des parents. Cela me donne aussi le droit de prendre des décisions pour des prestations médicales si l’enfant en a besoin. Cela est nécessaire parce que les affaires bougent vite et que l’enfant peut malheureusement être blessé.

Ses pensées dérivèrent vers sa dernière affaire.

- Cela arrive plus souvent que je ne le voudrais. C’est l’une des caractéristiques les plus troublante de mon travail.

Il fit une pause.

- Cette procuration me donne essentiellement la garde temporaire de Karen, Madame Richardson, jusqu’à la résolution de l’affaire. Cela signifie que la police devra m’inclure dans toutes les facettes de l’enquête. Parfois, la police n’aime pas ce qu’ils appellent l’ingérence du détective privé. Avec ce document, peut-être qu’ils n’aimeront pas la situation, mais ils n’auront pas le choix. Vous avez des questions ?

Meredith lut le contrat et la procuration, puis le regarda.

- Vous êtes sérieux dans votre travail, n’est-ce pas ?

Il hocha la tête.

- Extrêmement sérieux. Je pense que les enfants sont la chose la plus précieuse au monde et je place toujours leurs intérêts en premier.

Elle le regarda dans les yeux et se sentit rassurée et convaincue.

- Monsieur Turner, si vous remplissez les blancs sur ces papiers, je signe tout de suite.

Il pouvait sentir son regard sur elle tandis qu’il écrivait, et se demanda s’il aimait ça. Il aurait aimé avoir une meilleure apparence que celle-ci, car il avait l’impression de ressembler à un vagabond des rues. Sa nouvelle cliente était une femme forte et intelligente... et cela le fit penser à Jane. Mais d’une bonne manière.

Une fois que Meredith eut signé les papiers, il lui donna des copies et la raccompagna à la porte.

- Je vais me nettoyer un peu, Madame Richardson, puis je viendrais chez vous. Je vais avoir besoin de la liste de vos clients et je veux aussi parler à Marcus. Mais je vais commencer dès maintenant à chercher Karen.

- Je vais vous la préparer, Monsieur Turner. Et la police s’est installée chez moi, donc vous devriez pouvoir leur parler quand vous arriverez.

Elle se retourna et le regarda depuis l’encadrement de la porte.

- S’il vous plaît, trouvez-la. Elle représente tout pour moi.

- Je vais faire de mon mieux. Je vous le promets.

Elle se tourna pour partir.

- Une dernière question, Madame Richardson. Êtes-vous venue seule ?

Elle le regarda bizarrement.

- Oui, pourquoi ?

Il secoua la tête.

- Pour rien. On se voit cet après-midi.

Elle acquiesça et partit, et Nicholas referma la porte du bureau derrière elle.

Tandis qu’il se dirigeait vers la salle de bain pour se laver, il se prit à penser à sa petite visiteuse du matin. C’était étrange que quelque chose l’ait réveillé juste à temps pour rencontrer Meredith. S’il n’avait pas été éveillé, il ne l’aurait peut-être jamais entendue frapper à la porte. Avait-il vraiment vu une enfant dans son bureau ou est-ce qu’il délirait définitivement ?

Il décida de ne pas s’en soucier.

Si Tu Pouvais Lire Dans Mes Pensées - Un Roman De Nicholas Turner

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