Читать книгу Périclès - Уильям Шекспир, William Szekspir, the Simon Studio - Страница 4

ACTE PREMIER
SCÈNE II

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Tyr. – Un appartement du palais

PÉRICLÈS, HÉLICANUS et autres seigneurs

PÉRICLÈS. – Que personne ne nous interrompe. Pourquoi ce poids accablant de pensées? Triste compagne, la sombre mélancolie est chez moi une chose si habituelle qu'il n'est aucune heure du glorieux jour ou de la nuit paisible (tombe où devrait dormir tout chagrin) qui puisse m'apporter le repos. Ici les plaisirs courtisent mes yeux, et mes yeux les évitent, et le danger que je craignais est près d'Antiochus dont le bras semble trop court pour m'atteindre ici. Ni le plaisir ne peut ici charmer mon âme, ni l'éloignement du péril ne peut me consoler. Telles sont ces passions qui, nées d'une fatale terreur, sont entretenues par l'inquiétude. Ce qui n'était jadis qu'une crainte de ce qui pouvait arriver s'est changé en précaution contre ce qui peut arriver encore. Voilà ma position. Le grand Antiochus (contre lequel je ne puis lutter, puisque vouloir et agir sont pour lui même chose) croira que je parlerai lors même que je lui jurerai de garder le silence. Il ne me servira guère de lui dire que je l'honore, s'il soupçonne que je puis le déshonorer; il fera tout pour étouffer la voix qui pourrait le faire rougir; il couvrira la contrée de troupes ennemies et déploiera un si terrible appareil de guerre que mes États perdront tout courage; mes soldats seront vaincus avant de combattre, et mes sujets punis d'une offense qu'ils n'ont pas commise. C'est mon inquiétude pour eux et non une crainte égoïste (je ne suis que comme la cime des arbres qui protège les racines qui l'avoisinent), qui fait languir mon corps et mon âme. Je suis puni même avant qu'Antiochus m'ait attaqué.

PREMIER SEIGNEUR. – Que la joie et le bonheur consolent votre auguste coeur.

SECOND SEIGNEUR. – Conservez la paix dans votre coeur jusqu'à votre retour.

HÉLICANUS. – Silence, silence, seigneurs, et laissez parler l'expérience. Ils abusent le roi, ceux qui le flattent. La flatterie est le soufflet qui enfle le crime. Celui qu'on flatte n'est qu'une étincelle à laquelle le souffle de la flatterie donne la chaleur et la flamme, tandis que les remontrances respectueuses conviennent aux rois; car ils sont hommes, et peuvent se tromper. Quand le seigneur Câlin vous annonce la paix il vous flatte, et déclare la guerre à votre roi. Prince, pardonnez-moi, ou flattez-moi si vous voulez, mais je ne puis me mettre beaucoup plus bas que mes genoux.

PÉRICLÈS. – Laissez-nous tous; mais allez visiter le port pour examiner nos vaisseaux et nos munitions, et puis revenez. (Les seigneurs sortent.) – Hélicanus, toi, tu m'as ému. Que vois-tu sur mon front?

HÉLICANUS. – Un air chagrin, seigneur redoutable.

PÉRICLÈS. – Si le front courroucé des princes est si redouté, comment as-tu osé allumer la colère sur le mien?

HÉLICANUS. – Comment les plantes osent-elles regarder le ciel qui les nourrit?

PÉRICLÈS. – Tu sais que je suis maître de ta vie.

HÉLICANUS, fléchissant le genou. – J'ai moi-même aiguisé la hache, vous n'avez plus qu'à frapper.

PÉRICLÈS. – Lève-toi; je t'en prie, lève-toi; assieds-toi. Tu n'es pas un flatteur, je t'en remercie; et que le ciel préserve les rois de fermer l'oreille à ceux qui leur révèlent leurs fautes. Digne conseiller et serviteur d'un prince, toi qui, par ta sagesse, rends le prince sujet, que veux-tu que je fasse?

HÉLICANUS. – Supportez avec patience les maux que vous vous attirez vous-même.

PÉRICLÈS. – Tu parles comme un médecin. Hélicanus, tu me donnes une potion que tu tremblerais de recevoir toi-même. Écoute-moi donc: je fus à Antioche, où, comme tu sais, au péril de ma vie, je cherchais une beauté célèbre qui pût me donner une postérité, cette arme des princes qui fait la joie des sujets. Son visage fut pour mes yeux au-dessus de toutes les merveilles; le reste, écoute bien, était aussi noir que l'inceste. Je découvris le sens d'une énigme qui faisait la honte du père coupable; mais celui-ci feignit de me flatter au lieu de me menacer. Tu sais qu'il est temps de craindre quand les tyrans semblent vous caresser. Cette crainte m'assaillit tellement que je pris la fuite à la faveur du manteau de la nuit qui me protégea. Arrivé ici, je songeais à ce qui s'était passé, à ce qui pourrait s'ensuivre. Je connaissais Antiochus pour un tyran; et les craintes des tyrans, au lieu de diminuer, augmentent plus vite que leurs années. Et s'il venait à soupçonner (ce qu'il soupçonne sans doute) que je puis apprendre au monde combien de nobles princes ont péri pour le secret de son lit incestueux, afin de se débarrasser de ce soupçon, Antiochus couvrirait cette contrée de soldats, sous prétexte de l'outrage que je lui ai fait; et tous mes sujets, victimes de mon offense, si c'en est une, éprouveraient les coups de la guerre qui n'épargne pas l'innocence: cette tendresse pour tous les miens (et tu es du nombre, toi qui me blâmes)…

HÉLICANUS. – Hélas! seigneur.

PÉRICLÈS. – Voilà ce qui bannit le sommeil de mes yeux, le sang de mon visage; voilà ce qui remplit mon coeur d'inquiétudes, quand je pense aux moyens d'arrêter cette tempête avant qu'elle éclate. Ayant peu d'espoir de prévenir ces malheurs, je croyais que le coeur d'un prince devait les pleurer.

HÉLICANUS. – Eh bien! seigneur, puisque vous m'avez permis de parler, je vous parlerai franchement. Vous craignez Antiochus, et vous n'avez pas tort; on peut craindre un tyran qui, soit par une guerre ouverte ou une trahison cachée, attentera à votre vie. C'est pourquoi, seigneur, voyagez pendant quelque temps, jusqu'à ce que sa rage et sa colère soient oubliées, ou que le destin ait tranché le fil de ses jours. Laissez-nous vos ordres: si vous m'en donnez, le jour ne sert pas plus fidèlement la lumière que je vous servirai.

PÉRICLÈS. – Je ne doute pas de ta foi; mais s'il voulait empiéter sur mes droits en mon absence?

HÉLICANUS. – Nous verserons notre sang sur la terre qui nous donna naissance.

PÉRICLÈS. – Tyr, adieu donc; et je me rends à Tharse, j'y recevrai de tes nouvelles et je me conduirai d'après tes lettres. Je te confie le soin que j'ai toujours eu et que j'ai encore de mes sujets: ta sagesse est assez puissante pour t'en charger, je compte sur ta parole, je ne te demande pas un serment. Celui qui ne craint pas d'en violer un en violera bientôt deux. Mais, dans nos différentes sphères, nous vivrons avec tant de sincérité, que le temps ne donnera par nous aucune preuve nouvelle de cette double vérité. Tu t'es montré sujet loyal, et moi bon prince.

(Ils sortent.)

Périclès

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