Читать книгу Beaucoup de Bruit pour Rien - Уильям Шекспир, William Szekspir, the Simon Studio - Страница 5

BEAUCOUP DE BRUIT POUR RIEN
ACTE PREMIER
SCÈNE III

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Un autre appartement dans la maison de Léonato

Entrent DON JUAN ET CONRAD

CONRAD. – Quel mal avez-vous, seigneur? D'où vous vient cette tristesse extrême?

DON JUAN. – Comme la cause de mon chagrin n'a point de bornes, ma tristesse est aussi sans mesure.

CONRAD. – Vous devriez entendre raison.

DON JUAN. – Et quand je l'aurais écoutée, quel fruit m'en reviendrait-il?

CONRAD. – Sinon un remède actuel, du moins la patience.

DON JUAN. – Je m'étonne qu'étant né, comme tu le dis, sous le signe de Saturne, tu veuilles appliquer un topique moral à un mal-désespéré. Je ne puis cacher ce que je suis; il faut que je sois triste lorsque j'en ai sujet. Je ne sais sourire aux bons mots de personne. Je veux manger quand j'ai appétit, sans attendre le loisir de personne; dormir lorsque je me sens assoupi, et ne jamais veiller aux intérêts de personne; rire quand je suis gai, et ne flatter le caprice de personne.

CONRAD. – Oui, mais vous ne devez pas montrer votre caractère à découvert que vous ne le puissiez sans contrôle. Naguère vous avez pris les armes contre votre frère, et il vient de vous rendre ses bonnes grâces; il est impossible que vous preniez racine dans son amitié, si vous ne faites pour cela le beau temps. C'est à vous de préparer la saison qui doit favoriser votre récolte.

DON JUAN. – J'aimerais mieux être la chenille de la haie qu'une rose par ses bienfaits. Le dédain général convient mieux à mon humeur que le soin de me composer un extérieur propre à ravir l'amour de qui que ce soit. Si l'on ne peut me nommer un flatteur honnête homme, du moins on ne peut nier que je ne sois un franc ennemi. Oui, l'on se fie à moi en me muselant, ou l'on m'affranchit en me donnant des entraves. Aussi, j'ai résolu de ne point chanter dans ma cage. Si j'avais la bouche libre, je voudrais mordre; si j'étais libre, je voudrais agir à mon gré: en attendant, laisse-moi être ce que je suis; ne cherche point à me changer.

CONRAD. – Ne pouvez-vous tirer aucun parti de votre mécontentement?

DON JUAN. – J'en tire tout le parti possible, car je ne m'occupe que de cela. – Qui vient ici? Quelles nouvelles, Borachio?

(Entre Borachio.)

BORACHIO. – J'arrive ici d'un grand souper. Léonato traite royalement le prince votre frère, et je puis vous donner connaissance d'un mariage projeté.

DON JUAN. – Est-ce une base sur laquelle on puisse bâtir quelque malice? Nomme-moi le fou qui est si pressé de se fiancer à l'inquiétude.

BORACHIO. – Eh bien! c'est le bras droit de votre frère.

DON JUAN. – Qui? le merveilleux Claudio?

BORACHIO. – Lui-même.

DON JUAN. – Un beau chevalier! Et à qui, à qui? Sur qui jette-t-il les yeux?

BORACHIO. – Diantre! – Sur Héro, la fille et l'héritière de Léonato.

DON JUAN. – Poulette précoce de mars! Comment l'as-tu appris?

BORACHIO. – Comme on m'avait traité en parfumeur, et que j'étais chargé de sécher une chambre qui sentait le moisi, j'ai vu venir à moi Claudio et le prince se tenant par la main. Leur conférence était sérieuse; je me suis caché derrière la tapisserie; de là je les ai entendus concerter ensemble que le prince demanderait Héro pour lui-même, et qu'après l'avoir obtenue il la céderait au comte Claudio.

DON JUAN. – Venez, venez, suivez-moi; ceci peut devenir un aliment pour ma rancune. Ce jeune parvenu a toute la gloire de ma chute. Si je puis lui nuire en quelque manière, je travaille pour moi en tout sens. Vous êtes deux hommes sûrs: vous me servirez?

CONRAD. – Jusqu'à la mort, seigneur.

DON JUAN. – Allons nous rendre à ce grand souper: leur fête est d'autant plus brillante qu'ils m'ont subjugué. Je voudrais que le cuisinier fût du même avis que moi! – Irons-nous essayer ce qu'il y a à faire?

BORACHIO. – Nous accompagnerons Votre Seigneurie.

(Ils sortent.)

FIN DU PREMIER ACTE

Beaucoup de Bruit pour Rien

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